~ 018 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Le lendemain, en milieu d’après-midi, Andreas Cobain bouillonne de rage alors qu’il se précipite chez son ami Noah, animé par une fureur qui lui donne l’énergie de presque rivaliser avec les plus grands marathoniens ! Il arrive de l’université, à pieds, car on lui a confisqué son vélo ! « Soi-disant qu’il valait mieux pour lui qu’il rentre en bus désormais ! » Ou en voiture avec ses parents… « Jamais de la vie ! » avait-il hurlé. « Plutôt crever sur le champ que de subir cette humiliation ! » Il préfèrerait mourir que de voir un adulte venir le récupérer sur le campus. « Ses géniteurs sont complètement tarés, ou quoi ? » Il fulmine de colère et pourrait tout casser ! 

Les mains tremblantes de rage, il doit parler au blond de son Crew au plus vite. Logiquement et selon ses souvenirs de l’emploi du temps du jeune Beckers, celui-ci devrait le trouver chez lui à cette heure-ci, puisqu’il ne trainait pas avec les autres Drifterz. Andréas craint évidemment que ce traitre soit allé flâner ailleurs… Il aurait alors parcouru tout ce chemin pour rien ! Autant avouer que cette possibilité l’énerve encore plus. L’explosion approche ! Sans attendre, il sonne en trépignant sur le tapis « bienvenue » des Beckers.

— Yo, tonton Spaguetti ! s’exclame joyeusement Noah en ouvrant la porte de chez lui. Tu as eu de la chance, un peu plus et tu ne croisais pas la star ! J’ai rendez-vous avec mon club de fans ! 

— Je suppose que tu sais pourquoi je suis là ! fulmine Andréas en commençant à serrer les poings jusqu’à en ressentir de la douleur, vu que tu sais tout au sujet de ton Bff, binôme, et blablabla !

Une palpable aigreur, jalousie, rancœur, s’échappe des lèvres du jeune Cobain.

— Je suis censé savoir quoi, au juste ? nie aussitôt Noah en tentant de ne pas perdre sa bonne humeur, mon petit doigt me dit que tu es en colère contre Joakim ! Alors, qu’est-ce qu’il t’a fait cette fois ?! Il t’a piqué un cahier pour colorier des bites dessus ?

— J’ai pas envie de rire Noah !

— Ah zut, dommage…

— Par sa faute, je dois rentrer chez moi immédiatement après les cours, désormais ! Je n’ai plus de vélo et ne dois plus trainer avec le groupe ! Et si je désobéis, ma mère me fera suivre par quelqu’un qui se chargera de me ramener dès la sortie du campus, déballe Andréas dans une tirade nerveuse et désespérée. C’est un connard, pourquoi il m’a fait ça ? Pourquoi ? Est-ce que tu étais au courant, toi ? DIS-MOI LA VÉRITÉ ! 

— Je ne suis au courant de rien… Mais tu es sûr que ça vient de lui ?

— Oui ! Il a dit à ma mère que trainer avec le groupe est mauvais pour ma santé. Il a ajouté que je n’arrête pas d’abuser avec vous, que je fais des crises d’asthme à répétition et que je vous inquiète terriblement !

— Sérieux… ? s’interloque Noah en se retenant un rire devant une évidente et ridicule plaisanterie.

Il reprend ensuite gentiment pour réconforter son interlocuteur qui trépigne de nervosité :

— eh bien… Peut-être qu’il s’inquiète réellement pour toi…

— Joakim ne s’inquiète pour personne ! crache Andréas.

— Du calme… Je comprends que tu sois en colère, mais il a surement ses raisons.

— MAIS JE N’AI JAMAIS FAIT DE CRISE AVEC LE CREW ! éclate-t-il furieusement. D’où est-il allé chercher ça ? Tu veux que je te dise, il est mauvais et ne voulait que m’évincer ! Il m’a toujours détesté !

— Non, il ne te déteste pas, rassure le blondinet, bref, si je comprends bien, tu veux que je lui parle, c’est ça ?

— Ça serait gentil, oui ! S’il te plait ! Je veux qu’il m’explique ! 

— Dans ce cas, vas-y et demande-le-lui toi-même, ironise Noah d’un air taquin.

En effet, le jeune Beckers sait bien que, dans leur groupe, personne ne s’adresse jamais directement à Joakim, même lorsqu’ils nécessitent certains de ses services…

— Tu as plus d’influence sur lui, se justifie honteusement Andréas dans un raclement de gorge, du coup c’est mieux que tu lui parles, toi.

— Et du coup, qu’est-ce que tu aimerais que je lui dise ? 

— Je voudrais qu’il change d’avis sur l’intérêt de son acte… s’il pouvait parler de nouveau à ma mère pour retirer ses mensonges, elle me rendra surement ma liberté ! Parce que là, je vais devenir fou… je t’en prie, aide moi… je suis à deux doigts de finir à l’asile…

— Je comprends et je pense que je peux faire ça, conclut Noah, peiné par l’évidente détresse de son ami et interlocuteur.

~ 019 ~

Temps de lecture : 3 minutes

 

 

*

 

Plus tard, après une séance de parkour en duo avec son meilleur ami, Noah profite d’une pause sur le toit d’une épicerie pour lancer le sujet « Andreas ». 

— Oui, et ? répond Joakim avec indifférence.

Il en hausse les épaules et admire le panorama, nullement surpris de voir ce sujet de conversation arriver sur le tapis, tant son entourage reste prévisible.

— T’as menti à Tiphanie ! C’est grave ! le gronde Noah.

Il bougonne ensuite avec une moue sceptique :

— Mais je suppose que tu as tes raisons, alors tu vas me les donner.

— Tu veux avoir tes chances au Championnat du monde de breakdance ? lui demande Joakim avec une assurance inébranlable.

Il reste paisible et serein alors qu’il continue de fixer l’horizon, convaincu de l’impact bénéfique de ses actes. Il observe les toits de la ville, déjà impatient de reprendre leur Parkour, sachant qu’ils ne devaient s’arrêter que quelques minutes ! 

— J’ai peur de comprendre… grince Noah avec une pointe de déception.

Son binôme agit sans réfléchir à la peine qu’il peut causer à leur entourage. Il déteste cela lorsqu’il se montre ainsi dépourvu de cœur et de sentiments, comme le premier psychopathe du coin.

— Il entrave tes rêves, ajoute calmement Joakim. Sa santé ne lui permet pas de nous suivre, et il restera toujours en dessous des autres membres du Crew, donc…

— Donc, tu fais en sorte de le dégager, de la façon la plus dégueulasse qui soit ? s’exaspère le blond sensible. Putain, je veux bien que tu sois un salaud avec beaucoup de monde, mais, là, quand même, on parle d’Andréas ! Un Drifterz, en plus ! 

— Et ?

— Le fils de Tiphanie et Kurt ! Le couillon, notre spaghetti, celui avec qui tu as grandi ! Ton humanité, elle est où… ?

— Ho la la, pense au championnat que tu remporteras avant de penser à mon humanité.

— Que le CREW remporterait ! corrige sévèrement Noah, et rappelle-toi qu’un Crew, c’est avant tout un groupe d’AMIS ! 

— Formule-le comme tu le souhaites, souffle Joakim avec désintérêt, mais le résultat reste le même.

Pragmatique, le jeune Bauer ne peut s’encombrer de sentiments futiles qui pourraient éventuellement freiner ses ambitions.

~ 020 ~

Temps de lecture : 3 minutes

Agacé, Noah ne souhaite pas reprendre leur Parkour et le binôme se met sur le chemin du retour peu après. 

Ils rentrent chez eux dans une atmosphère glaciale et électrique. Joakim lui soupire qu’il le trouve « soupe au lait ».

Noah l’ignore, déçu de son comportement de « psychopathe sans cœur ».

Quelques mètres plus tard et alors qu’ils arrivent devant leurs domiciles respectifs, le blondinet se tourne soudain vers son ignoble et machiavélique cousin, pour lui demander d’un air blasé :

— Tu me rends le manuscrit d’Hajer ?

— Hein ? renvoie Joakim avec un petit et insupportable sourire en coin.

— Allez c’est bon, sois pas relou et rends-le-moi ! soupire Noah en lui agitant sa paume droite de haut en bas. Il a disparu et je sais que tu l’as lu. Bref ! Il est chez toi, je suppose ? On va le chercher ! Et n’essaie pas de nier, j’suis pas d’humeur !

— Tu sais qu’il souhaite se faire éditer ? pouffe Joakim alors que son cousin se met déjà en chemin vers son domicile.

— N’importe quoi, j’ai lu son premier chapitre et c’est pas si pourri que ça ! C’est particulier, disons… Et puis merde ! Laisse-le avoir des rêves ! Il a le droit d’avoir une passion à côté du breakdance !

— Tu veux le laisser se vautrer ? Qu’il aille se faire humilier devant une maison d’édition ?

— Au pire, c’est pas ton problème ! 

— Mais ça pourrait devenir le tien s’il finit en taule.

— Hein ? Qu’est-ce que tu me chantes, encore…

— Tu penses vraiment qu’il ne va pas prendre perpète après avoir détruit les rétines de pauvres innocents ?

— Oh vas-y, t’es lourd…

— Tu lui as dit que c’était moi qui lui avais piqué son manuscrit ?

— Non, je l’ai juste vu le chercher l’air désespéré. Il pense l’avoir égaré, ça l’a mis dans tous ses états !

Joakim éclate de rire.

— Vas-y c’est pas drôle, grommelle Noah, choqué par son attitude, t’es vraiment une raclure des fois !

— Seulement des fois ? Merde alors.

L'Améthyste