~ 039 ~

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* 

 

Joakim revient chez lui à vingt heures, éreinté par cette journée festive.

Il culpabilise d’avoir laissé les jumeaux si longtemps, mais songe que leur aide-ménagère prépare toujours à manger avant de rentrer chez elle. Pas de quoi s’inquiéter. En cas de souci, sa sœur l’aurait appelé !

Bien qu’il se souvienne de cela, un terrible pressentiment l’envahit pourtant dès qu’il réalise le salon vide. Pas de quoi paniquer. Ils habitent un quartier calme, dans une maison protégée par trois alarmes connectées à une société de gardiennage. Ses cadets trainent surement ensemble dans la chambre d’Erika !

Il se dépêche donc de grimper les escaliers afin de les rejoindre.

— Erika ? appelle-t-il vivement en toquant à sa porte peu après. 

À l’époque, il entrait sans frapper et cela lui valait des hurlements stridents qui manquaient de lui vriller un tympan. Depuis ce jour, il ne pénètre plus dans cet antre par surprise, au souvenir de cette fois aussi où un dictionnaire volait dans sa direction parce qu’il la faisait sursauter… 

— Je révise ! Qu’est-ce qu’il y a ? lui répond sa cadette dans un soupir, et c’est à cette heure-ci que tu rentres, toi ?

— Est-ce qu’Alarich est avec toi ? la questionne-t-il avec une angoisse palpable au creux de la voix.

— Je révise ! Donc non ! Jolie esquive, sinon, trouduc !

Joakim ignore sa dernière réplique et se presse vers la chambre de son frère, pour constater la pièce vide. Stressé, au bord de la panique, il décide de fouiller attentivement la maison, quand son téléphone vibre soudain pour lui indiquer la réception du SMS d’un expéditeur inconnu.

« Faut pas laisser les trisos seuls sur la plage, lol ! »

Son palpitant bondit dans sa poitrine alors qu’il découvre cet odieux message. Perplexe, il réfléchit à l’identité de son auteur avant de s’élancer vers la plage à toute allure.

Il court ainsi pendant une dizaine de minutes, autour et aux alentours de chez lui. Il cherche désespérément du regard une silhouette qui ressemblerait à celle de son cadet. Son cœur s’emballe de nouveau, terrifié par ce qui a pu arriver à l’incarnation de la bonté humaine. Criant son nom de toutes ses forces, il essaie de comprendre qui aurait pu oser toucher à son frère et surtout, comment a-t-il procédé ?

Alarich ne sort jamais de chez eux sans raison et surtout pas sans sa jumelle. 

« Et si une tierce personne l’avait attiré à l’extérieur, pour ensuite l’emmener ailleurs ? » Le jeune Bauer réfléchit à cette hypothèse en continuant de le chercher avec détresse dans les environs. Il prévoit d’élargir progressivement son champ d’action.

~ 038 ~

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Le jour suivant, Joakim rejoint une fête de Kristofer, après avoir déposé sa sœur au lycée. Il lui a demandé de récupérer son jumeau chez son éducateur spécialisé dès la fin de ses cours…

Erika soupirait, car si son frangin lui ordonnait cela, c’est qu’il allait repartir aussi sec. « Rira bien qui rira le dernier, quand ce fainéant ratera sa graduation ! » 

Une heure et demie plus tard, le jeune Bauer traine sur l’un des canapés de son ami, avachi en face de quelques cadavres de bouteilles jonchés sur une table basse devant lui. Une jolie brune complètement saoule lui somnole dessus en lui caressant le torse à travers son sweat-shirt, tandis que lui laisse une de ses mains se promener sous sa jupe pour attraper l’une de ses fesses. Il la sait sous l’effet de diverses substances, comme chaque convive ici présente, sauf lui.

En effet, si Joakim possède peu de limites en ce qui concerne l’alcool, en soirées, il n’approche jamais la moindre drogue qui pourrait l’amoindrir d’une quelconque façon. Kristofer propose pourtant les meilleures lors de ses fêtes… : Cannabis, cocaine, ecstasy, ethanol, amphetamine, methamphetamine… 

— Oh ! Y en a un qui s’amuse ! s’exclame soudain et joyeusement, l’hôte de la demeure dans sa direction.

Il désigne du regard celle qui lui dort dessus. Son euphorie, ses narines rougies ainsi que ses yeux dilatés dévoilent à Joakim qu’il vient de sniffer de la Méth.

Contrairement à lui, Kristofer consomme régulièrement diverses drogues ; une addiction débutée aux côtés de son ancien et premier amour, Shane Helms… 

Pour lui, il y a quelques années, il se lançait dans un coming out dévastateur qui signait un éloignement progressif avec sa propre famille.

Shane exigeait, Kristofer obéissait.

Dingue de lui, accro, le gérant de l’empire Peninsula se persuadait de la réciprocité de ses sentiments. Il aurait déplacé des montagnes pour ce garçon qu’il considérait comme son âme sœur.

Naïf, dévoué et émotif dans ses liaisons amoureuses, il offrait une dévotion sans faille à une relation nocive qui en profitait sans vergogne ni hésitations.

Avant, et après rupture… Car Shane revient encore très régulièrement ici.

Toxicomane depuis de nombreuses années, le jeune homme aux cheveux châtain clair et aux yeux gris a besoin de son dépravé d’ex pour se procurer des doses à prix réduit ou à crédit. Utiliser ce millionnaire crédule reste un jeu d’enfant pour celui qui lui concède de nouveau un sourire hypocrite aujourd’hui.

Joakim, qui se trouve souvent sur place lors de ces transactions malhonnêtes, se dépite toujours de voir son comparse aussi pathétique et ridicule devant un profiteur immoral. Afin de défendre l’honneur de son camarade, il lui arrivait fréquemment, par le passé, d’insulter ce manipulateur abject pour le faire dégager des lieux, mais ces tentatives lui revenaient aussitôt en plein visage tel un boomerang, car son ami ne supportait pas que l’on critique son grand amour…

Au bout de la troisième fois, le jeune Bauer décidait de ne plus interférer.

~ 037 ~

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* 

 

Quelques heures plus tard, au sein de la demeure Bauer, le couple Bauer se prépare à partir une semaine en amoureux. Ils laissent leurs trois enfants chez eux, sous la responsabilité de l’aîné de la fratrie qui a déjà fait ses preuves deux fois auparavant.

Les deux parents étreignent leurs progénitures en rappelant leurs ultimes recommandations, pendant que leur chauffeur finit de charger leurs valises dans le coffre. Leur avion décolle bientôt.

— Ma Poupette, tu as le droit de te défendre si ton frère t’embête ! informe Éva en direction de sa fille.

Elle rit et feint un air sérieux.

— T’inquiète, on dirait pas, mais c’est mon esclave et il m’obéit au doigt et à l’œil dès que vous n’êtes plus là ! s’esclaffe l’adolescente pour poursuivre la plaisanterie.

Sa mère l’enlace chaudement, déjà triste de quitter à nouveau ses chérubins.

De son côté, Raphaël prend discrètement son aîné à part.

— S’il y a le moindre problème, tu m’appelles, alors. Je compte sur toi ! 

Il lui glisse ensuite, avec un sourire amusé, qu’il lui confie le poste de chef de famille pendant sept jours et qu’il a confiance en lui pour s’occuper des jumeaux ! Joakim lui soupire ironiquement qu’il n’a rien à craindre pour Alarich, mais qu’il ne devra pas s’étonner quand il retrouvera le frêle corps décomposé d’Erika dans l’Ocean… 

L’adolescente l’entend de loin et lui tire la langue.

L'Améthyste