~ 220 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Dans la maison d’à côté, et après quelques câlins avec son époux, Éva abandonne quelques instants son homme pour rejoindre la chambre du fils qu’elle n’a pas encore salué ! Elle doit s’entretenir quelques instants avec lui…

— Tu n’as pas cours, aujourd’hui ? sourit affectueusement Éva en pénétrant dans l’antre de son fauve préféré. J’espère que tu ne sèches pas, vilain garçon !

— Je vois que tu as déplacé quelques meubles ! ajoute-t-elle avec entrain. Ta chambre gagne de l’espace ainsi, c’est bien pensé ! Souhaites-tu qu’on aille prendre le soleil tous les deux ? Ça serait mieux que de rester enfermé par un temps pareil !

— Je lis, répond froidement Joakim sans lever le regard de sa liseuse.

— Écoute, mon chéri, je ne vais pas y aller par quatre chemins… Je suis désolée pour le cirque que ta grand-mère a fait après mon départ. Elle n’aurait pas dû. Il faut que tu l’excuses, car je pense qu’elle avait juste peur que tu dises des âneries à ton père.

— Des âneries ?

— Bien entendu. Sensible, tu as été heurté par une phrase qui t’a semblé compromettante, alors qu’il n’y avait pas de quoi.

— Moi, sensible ? rétorque Joakim, acide, reprenant plus froidement. « Je n’ai rien dit à personne, mais toi, tu vas le faire. »

— Pardon ? Oh, ça suffit maintenant. J’ai été gentille la dernière fois, mais n’oublie jamais que je suis ta mère et que je suis fatiguée de ton insubordination !

— Et je m’en fiche complètement. Si ce n’est pas toi qui lui dis, je le ferai.

— Jamais il ne te croira.

— N’en sois pas si certaine.

— Stop ! Putain Joakim, qu’est-ce que tu me fais ?! Tout ça pour… Un malentendu ! Es-tu sûr de bien avoir écouté ton fameux enregistrement, au moins ?! Parce que plus j’y pense et plus je me dis que tu n’as repéré qu’une phrase perdue dans une conversation !

— J’ai entendu le plus important.

— Non !

— Et tu vas le dire à papa ou je dois m’en charger ?

— Tu veux prendre le risque de détruire notre famille, juste parce que tu as cru entendre un bruit qui t’interloque… ? balbutie tristement Éva en s’asseyant sur le lit de son fils.

Ses nerfs sont mis à rude épreuve. Elle reprend :

— Mon bébé. Je..    Je sais que je n’ai pas toujours été très présente, et je me doute que tu me reproches toutes mes absences, mais… Enfin… Tu m’en veux et juges que je ne suis pas une bonne mère, mais… mais j’ai décidé de changer. Tu sais que j’ai pris une année sabbatique ? Juste pour pouvoir rester à la maison, avec vous… Alors je t’en prie, crois en moi comme tu l’as toujours fait et ne me blâme pas injustement pour je ne sais quelle idiotie et…

— Tu iras le dire à papa, ou je le ferai.

— Je t’en supplie, ne me demande pas ça… Il ne comprendra pas…

— Tu lui dis, ou je le ferai. Sur ce, si tu pouvais me laisser ? J’aimerais finir mon roman.

Le ton de voix de son fils est si glacial qu’Éva en a des frissons. L’air perdu, elle lui bafouille un « OK » triste et maladroit, puis se relève de son lit pour repartir d’où elle vient, l’estomac noué et le cœur en panique.

Comment allait-elle se sortir de ce guêpier ? Ses yeux s’embuent de larmes et sa joie d’être de retour chez elle fond désormais comme neige au soleil.

Joakim, dans sa chambre, éteint sa liseuse d’un geste nerveux pour préférer boxer son sac de sable. Sa mère vient de le faire sortir de ses gonds et, pire encore, elle lui a glissé un minuscule doute au creux de ses pourtant très fiables convictions. Serait-il possible que lui qui ne se trompe jamais ait en effet mal interprété quelque chose à son sujet ?

~ 221 ~

Temps de lecture : 2 minutes

 

*

 

Pendant ce temps, Hajer Riahi arrive en plein Downtown pour récupérer une commande auprès d’un revendeur.

Il est pressé, il hâte le pas.

Il n’est pas fier de cela et ne se reconnait plus lorsqu’il passe ses traits tirés par la dépression devant un miroir, mais il n’a trouvé aucune autre échappatoire à sa solitude. Quelques cachetons mélangés à de l’alcool lui permettent souvent d’oublier un peu toute cette merde… sa détresse qu’aucun ami n’a encore réalisée.

Il dégringole seul dans une spirale infernale, avec ces pilules qu’il s’achète de plus en plus régulièrement et qui commencent à lui couter un bras.

Il n’a pas spécialement les moyens de tomber dans une telle addiction et est souvent obligé d’emprunter, ou de voler discrètement des sous à son entourage.

Il n’a pas le choix, il lui faut bien ça pour tenter d’oublier quotidiennement que, par sa faute, un innocent croupit actuellement en prison…

Jamais il ne se le pardonnera…

~ 222 ~

Temps de lecture : 5 minutes

 

*

 

Et difficilement, il lui pardonnera…

Raphaël est estomaqué par ce que son épouse vient de lui révéler, peu après que celle-ci soit revenue de la chambre de leur plus âgé rejeton. Beaucoup de choses commencent désormais à s’expliquer avec certitude pour l’homme marié. La fuite de son épouse, l’aigreur de son fils aîné, les hurlements de sa belle-mère qui tentait surement de protéger l’acte honteux de sa fille…

— Dis-moi quelque chose, je t’en prie… Crie, hurle, mais je t’en prie, ne reste pas silencieux, bafouille Éva, terrifiée, les yeux humides, la voix tremblante. « Écoute, je sais ce que tu penses, mais ce n’est pas aussi important que ce que tu imagines. Il faut que tu saches que ce n’était qu’une fois, une seule, et… »

Elle l’a trompé. Un soir, après un concert, elle est allée fêter l’événement avec quelques amis, dont un en particulier : un ancien amour, un amant qu’elle avait pourtant repoussé par le passé, pour préférer épouser Raphaël Bauer.

L’humiliation pour le concerné est donc à son paroxysme, aujourd’hui.

Gabriel Rader est de retour dans la partie et a réussi à lui prendre, une fois de plus, ce qui lui appartient.

— Je n’étais pas moi-même, nous avions bu. poursuit Éva au rang des accusés, l’air penaud.

Les excuses de la femme mariée deviennent de plus en plus maladroites, pourtant on réalise sa tristesse et sa bonne foi. Elle meurt de honte. A envie d’exploser en sanglots. De supplier pour sa rédemption. Son regard est désormais fuyant, uniquement dirigé vers le sol ; elle n’ose plus croiser celui de son époux.

Qu’avait-elle fait… Pourquoi avait-elle obéi à son fils en révélant tout à son mari ? À cet instant, elle a envie de se terrer dans un trou de souris, regrettant que son enfant ait une telle emprise sur elle. Elle était censée garder le secret. Laisser cette sombre histoire se tasser.

— Dis-moi quelque chose, je t’en prie… prononce-t-elle à nouveau et faiblement, tout en s’avançant timidement pour prendre la main de son homme.

— Raphael, je t’en prie… Je t’aime plus que tout, tu le sais…

— Tu m’as trompé… souffle péniblement Raphaël, comme si les mots refusaient de s’extraire de son gosier.

— Je n’étais pas moi-même, je… Je veux dire que, consciente, jamais je n’aurais fait ça, et…

— Oh la ferme, ça suffit ! s’emporte soudain Raphaël en sortant enfin de sa léthargie. Comment peux-tu me mentir ainsi, comment oses-tu ?! Ne me respectes-tu pas suffisamment pour essayer, au moins, d’être honnête envers moi ?!

— Mais je le suis…

— NON ! Parce que tu avais pleine conscience de tes actes ! Tu savais très bien qu’en te faisant sauter par Gabriel, tu laissais derrière toi ton crétin de mari ainsi que tes gosses ! Tu as accepté de tous nous trahir ! À quoi pensais-tu alors que tu écartais les cuisses pour ce con ?! Pensais-tu alors à notre mariage ? Au bon con qui t’attendait à la maison ?! fulmine Raphaël dans un mélange de rage et de détresse. « Hein ?! As-tu, à cet instant, visualisé nos visages à nous, les Bauer, quand tu étais dans son lit, hein ??? NON ! Bien sûr que non ! Parce qu’à cet instant, tu te fichais de tout ! Comme d’habitude !!!!!! »

— Raphael, arrête, je t’en prie, ne parle pas comme ça, je suis tellement désolée…

— Tu peux l’être !

— Qu’est-ce que je peux faire pour que tu puisses me pardonner ? Dis-moi ce que tu veux que je fasse et je le ferai immédiatement, parce que ne crois pas que je ne regrette rien ! Bien au contraire ! Il n’y a pas un jour où je n’y pense pas !

— À qui ? La question peut se poser maintenant ! ironise Raphaël, plus acide que jamais.

— Comment oses-tu ! Craque, Éva, en explosant en sanglots, les mains sur le visage.

Désespérée, elle se laisse tomber sur le lit conjugal en continuant de bafouiller maladroitement :

— Je t’aime. Raphaël, je n’ai jamais aimé un autre homme que toi, mais j’ai commis une erreur, oui ! Je n’étais pas moi-même et je n’ai que peu de souvenirs de cette soirée, je ne sais même pas comment ce que tu sais a pu se produire, mais c’est arrivé, je ne peux pas le nier… Mais malgré ça, je te supplie de me laisser une chance, je t’en prie, fais-le pour notre famille, pour tout ce que l’on a construit, ne nous brise pas… Tu le sais en plus que je t’aime, tu…

— Je vais avoir besoin de temps, lâche sèchement Raphaël pour qu’elle se taise, le regard désormais perdu à travers la grande fenêtre de leur chambre.

— Bien sûr, je comprends…

— Et je ne te promets rien. Parce que je pense que tout ça a de grandes chances de se terminer par un divorce. Tu ne t’attendais pas à autre chose, j’espère ?

— Ne fais pas ça, je t’en prie. Laissons passer un peu de temps, passons du temps ensemble, réapprenons à nous découvrir, et, et…

— Je n’ai pas besoin de réapprendre à te découvrir, ÉVA ! Je sais qui tu es, je te connais, nous sommes un couple d’âmes sœurs et tu as tout brisé en me trompant, voilà. Le fait de laisser passer du temps changera-t-il le fait que tu m’aies trompé, MOI ? Non.

— Essayons, au moins. Je t’en prie, si tu m’aimes…

— Je n’ai pas spécialement envie de passer du temps avec toi. Je ne sais même pas si j’ai envie de dormir dans le même lit que le tien.

— Je… Je comprends. C’est normal, j’irai passer quelques jours chez Jeff, et…

— Excellente idée. Vas-y dès aujourd’hui.

— Ne sois pas si froid, je t’en prie…

— J’aimerais être seul, maintenant. Tu peux aller faire autre chose et me laisser un peu ? Dépêche-toi de filer chez Jeff. Il a une grande chambre d’amis.

— Pas de soucis, je te laisse et te dis à demain…

— C’est ça. Ou dans deux mois, voire quelques années, ne sois pas pressée de revenir !

— Ne me ferme pas trop vite les portes de ton cœur, je t’en supplie, prends du recul sur tout ça et souviens-toi que je t’aime et que tu es le seul que j’aimerai jamais. Souviens-t’en, je t’en prie… J’ai fait une erreur, mais…

— Bonne journée.

— Bonne journée…

L'Améthyste

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