~ 184 ~

Temps de lecture : 2 minutes

 

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Le lendemain, Joakim offre à son jeune frère le cadeau d’anniversaire qu’il lui a prévu.  Il n’a pas pu le faire avant.  Il a été très occupé…

Le sourire d’Alarich s’illumine sitôt qu’il reçoit le présent.  Un somptueux violon ciré et gravé de ses initiales ainsi qu’un recueil de toutes les partitions de Vivaldi.  L’adolescent en a les larmes aux yeux d’émotion, avant d’attraper rapidement son nouveau jouet préféré.  Une pureté indescriptible s’échappe de son expression et Joakim se sent profondément apaisé à ses côtés.  Il s’autocongratule en pensée d’avoir trouvé le cadeau parfait pour son génie de la musique adoré.

Joakim sait que ce virtuose du piano maitrisera ce nouvel instrument rapidement.  Il parie en pensée que dans une semaine maximum, il en jouera parfaitement et que dans moins d’un mois, il composera déjà ses premières symphonies.

♫ Kiss the Rain – Yiruma ♪

Alors que son cadet commence à faire glisser délicatement sa baguette sur le manche de son instrument, avec l’habileté d’un violoniste qui aurait exécuté ce geste toute sa vie, il se met soudain à lui marmonner, d’une voix triste et teintée d’amertume :

— A… a… -leuré hier.  -u -ais -our-uoi ?

Ne pouvant répondre à cela, Joakim se contente de jouer les ignorants désintéressés.

— Il a dû couper des oignons juste avant !

— Est-a-role !

En effet, la réplique est tout sauf amusante et Joakim le reconnait.  Blasé par l’ambiance qui semble se ternir, il demande très vite à son cadet de lui jouer quelque chose !  Celui-ci soupire et obéit rapidement.

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Temps de lecture : 3 minutes

 

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Un peu plus tard, Joakim quitte la chambre de son petit frère pour le laisser s’amuser avec son nouveau jouet. Erika saisit l’occasion pour le coincer dans le salon du premier étage et, d’un air boudeur, lui reproche son absence à leur fête d’anniversaire. Indifférent, Joakim ne tient pas compte de ses braillements et les effets de son désintérêt se produisent aussitôt : la brunette s’effondre.

« Comment a-t-il pu ?! Sachant qu’il n’y avait qu’un seul jour de l’année, avec Noël bien entendu, où sa présence est obligatoire ! Comment a-t-il osé les oublier ?! Il n’a pas de cœur ! Il est odieux ! Elle le déteste ! »

Elle sanglote à moitié en gémissant cela et alors que ses petits poings martèlent désormais le torse de son ingrat de frère, sur lequel elle fait lourdement retomber sa tête. Elle ne comprend pas son attitude. Elle veut entendre de sa bouche des excuses, entendre qu’il regrette… Elle aimerait qu’il réalise à quel point il peut blesser. Elle veut retrouver le grand frère attentif et chaleureux qu’elle a perdu au fil des années.

L’adolescente supplie et questionne dans un semi-délire désespéré. Elle le recherche encore et encore. Avec détresse, elle prie qu’on le lui ramène, son grand frère, son pilier sur lequel elle avait tant besoin de s’appuyer. Il était son modèle, celui qu’elle prenait pour exemple. Elle a besoin de lui et de personne d’autre, alors que lui l’ignore, se désintéresse d’elle et reste aveugle et insensible à ses appels.

Son interlocuteur ne réagit pas à ses pleurs désespérés, il en reste interloqué. Stoïque, impassible et très sceptique, il reste planté au milieu de la pièce, l’air vide et las, tandis qu’elle lui chouine sur le torse. Que lui raconte-t-elle ? Pourquoi sa sœur braille-t-elle ainsi, alors qu’aujourd’hui, il se trouve devant elle ? Joakim ne comprend pas que l’on puisse lui faire de tels caprices insensés. Tout cela pour une fête ? Il juge sa sœur immature et la pousse légèrement pour s’en aller emprunter l’escalier qui mène au rez-de-chaussée. 

Il en a assez vu, entendu. Elle le fatigue. Ses jérémiades qui continuent inlassablement derrière lui l’épuisent. Ces gens, il ne les comprend pas…

— Je te déteste ! t’es qu’une saloperie ! chouine encore Erika, le cœur brisé.

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Temps de lecture : 3 minutes

Quelques marches plus tard et comme dans un accord commun avec sa fille, Raphaël décide soudain de s’en prendre, lui aussi, à la patience déjà bien entamée de son aîné. L’air furieux, il le coince, en bas de l’escalier, pour le gronder énergiquement :

Il use de toute l’autorité qu’il peut posséder. Il parle d’une voix forte, rauque, ses sourcils sont froncés et il postillonne presque à force de crier. Si son interlocuteur ne le savait pas faible et manipulable, il pourrait être impressionné, ce matin. « Pourrait », parce que sa réaction est de ricaner, l’air ahuri. Mais, à quel petit jeu sordide pouvait donc bien jouer son paternel, en cette belle matinée ? Essaye-t-il de le réprimander ? L’a-t-il imaginé âgé de 10 ans et demi et nécessitant un quelconque sermon ? Joakim se sent presque insulté, sur le coup. Comment cela peut-il être possible ? Qu’un mortel puisse s’imaginer être à son niveau. À son divin étage.

— Désormais, ton couvre-feu sera à 22 heures maximum, ajoute Raphaël avec fermeté. Tu n’as pas intérêt à dépasser cet horaire, ou ça va barder.

Joakim pouffe. Son père n’est décidément qu’un bouffon. Il hallucine.

— 22 heures ? répète le jeune homme, l’air hautain, rigolant à moitié. Moi ? Moi, 22 heures ?

— Ta mère n’étant pas là, je suis seul ici et j’ai besoin de toi ici, avoue finalement Raphaël d’une voix plus calme et avec une franche sincérité qu’il pense nécessaire.

— C’est donc cela, tu es tellement bon à rien dans cette maison que tu penses que je vais tenir ton rôle, ricane encore Joakim.

Raphaël sort de nouveau de ses gonds, mais d’une façon plus violente, cette fois. Il est désormais hargneux. Pour qui son fils se prend-il, à la fin ?! Il crie avec férocité et rage, se retient de frapper son rejeton. Ce n’est pas son genre et il refuse de se laisser aller à un tel comportement. À la place, il inspire longuement et reprend d’une voix plus calme.

— Que cela te plaise ou non, ma décision est prise, ton couvre-feu est désormais à 22 heures. Passée cette heure, je verrouillerai la maison et tu te débrouilleras pour dormir où tu veux. D’ailleurs, à ce sujet, je te demande de me rendre tes clefs.

Raphaël a rarement été aussi calme que pendant cette tirade. Toute sa colère semble s’être envolée et cela surprend son fils. « A-t-il réussi à le pousser à bout ? » Le jeune Bauer reste sceptique.

— C’est une blague ? glousse-t-il pour se moquer de son père.

— Donne-moi ton double de clefs immédiatement, insiste tranquillement Raphaël.

— Et si je refuse ? Je ne vois pas pourquoi je céderais à tes délires. Tu n’as pas à prendre de décisions sans maman et je ne crois pas qu’elle approuverait ça.

— Très bien, si tu insistes. Mais sache que j’ai changé la combinaison du portail du garage. Tu ne peux donc plus approcher ta moto. Mon pauvre chéri, toi qui aimes tant ta liberté…

Interloqué par la ténacité de son père, Joakim sort d’un geste vif son trousseau de sa poche pour en décrocher ses doubles de la maison. Il les pose ensuite sur la table à manger, devant le concerné, puis lui envoie d’un air blasé :

— Je dois y aller, tu m’ouvres le garage ?

— Bien sûr, fiston. Passe une bonne journée, et à ce soir ! Avant 22 heures, n’oublie pas !

Joakim meurt d’envie de répliquer quelque chose d’acerbe et cinglant à son paternel, mais il se retient, car il respecte sa tentative d’autorité. C’est pour cette raison qu’il souhaite lui laisser son impression de victoire, alors qu’il aurait pu pirater le digicode de leur garage en cinq minutes seulement.

L'Améthyste

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