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En parallèle de l’indifférence de Joakim à son égard, Trisha s’épanouit à Click Models.
Ici, elle s’entend avec tout le monde, et même avec cette prétentieuse et égocentrique de Clara Goodman. Passées les premières heures à la côtoyer/supporter, Trisha trouve que l’on peut finalement survivre à la présence de celle qui se croit reine, entre ces murs.
« Il faut s’y faire, ou l’enterrer loin d’ici, mais cela semble être interdit par quelques lois », rit Jay dans un chuchotement à destination de son amie rousse.
« Au fond, Clara n’était pas méchante, il faut juste… savoir lui imposer au plus vite sa personnalité ainsi que son autorité, car cette fille de député a tendance à vouloir écraser ses collègues en leur rappelant constamment sa supériorité sur le commun des mortels. » Jay coache ainsi sa comparse rousse afin qu’elle s’en sorte au mieux au sein de l’agence.
Il se garde cependant de lui apprendre qu’il y a quelques mois, lui et Clara ont failli sortir ensemble : il l’a courtisée avec acharnement, pour lui annoncer, une fois qu’elle n’attendait plus qu’un baiser de sa part, qu’il ne mélangeait jamais travail et amour, et qu’ils devaient en rester là.
La jeune femme blonde ressent donc énormément d’aigreur au quotidien pour celui qui a joué avec elle, testant juste ses nombreux charmes sur sa personne. Clara le considère profondément narcissique et manipulateur.
Mais, par chance, pour elle ainsi que son image, sa mésaventure avec le mannequin de ses rêves n’a jamais été révélée aux autres Click Models.
Clara conserve cependant sa rancœur et de sérieux sentiments pour son beau brun. Parfois, elle tente de réfléchir aux raisons qui l’ont incité à cesser de la courtiser. Elle aimerait comprendre… Eux qui s’entendaient à merveille et semblaient incroyablement bien assortis ! Au lit, ils auraient pu faire des étincelles ! Clara se sait réputée pour être un bon coup ! Jay Kellers serait-il gay ? L’idée peut la faire exploser de rire. Non. Impossible ! Jay Kellers est la virilité incarnée, un macho suant la testostérone à des kilomètres !
Un peu plus tard, et tandis que les modèles prennent un café pendant la pause de la demi-journée, Jay observe attentivement sa collègue rousse pour lui offrir un sourire et un air intrigué. Il ne quitte pas du regard le bracelet qu’elle porte sur sa main gauche.
— C’est ton préféré, celui-là, non ? lui demande-t-il rapidement. Tu le portes avec toutes tes tenues, même pendant le shooting, et tu n’arrêtes pas de le tripoter nerveusement.
Le premier cadeau que la jeune fille a reçu de son petit ami.
Alors qu’elle le lui apprend, son visage s’assombrit et Jay en analyse aussitôt l’état de son couple.
Cela arrange bien ses affaires. Il change donc subtilement de sujet pour redonner le sourire à son amie, tout en jubilant intérieurement. « C’est dans la poche ! » songe-t-il.
Parmi les amitiés qu’a nouées Trisha ici, notons celles avec les habilleuses et en particulier avec Betty Roukay, une géante rousse maniaque du tri qui peut devenir folle si l’un de ses mannequins chéris a le malheur de jeter « en vrac » une veste sur la penderie des trenchs, par exemple. L’oreille droite de Jay se souvient encore de la fois où il a eu le malheur d’aller se servir seul dans l’armoire des Baggys. Betty est alors apparue derrière son dos telle un personnage d’anime japonais, les yeux embrasés par une fureur rare, pour lui rappeler que ses doigts potelés n’avaient rien à faire sur cette penderie, à part perturber son rangement exemplaire et piquer le travail des habilleuses ! Jay avait ri, ce jour-là. Même en braillant, Betty savait se rendre attachante.
Betty aimait aussi jouer à la maman avec les modèles.
Dès que l’un de ses chouchous a un petit souci familial, voire amoureux, elle le cerne aussitôt pour courir le consoler, le conseiller, afin qu’il puisse assurer son shooting correctement sans laisser ses émotions le submerger durant une séance.
Trisha l’adore aussi pour ça, vu qu’en ce moment, elle n’a plus grand monde auprès de qui se confier…