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Temps de lecture : 5 minutes

 

*

 

Ailleurs, dans un bar de Los Angeles, Erika a une nouvelle fois fait le mur pour faire la fête.

Depuis sa défaite au Tremaine Tour, elle touche le fond.

Abattue, elle s’enfonce dans son amertume et considère que les plus méritants ne reçoivent jamais la reconnaissance qu’ils méritent. Cette victoire devait être sienne…

Mais au lieu de ça, ce jour-là, elle a inscrit à son palmarès un troisième échec.

Starquest. L.A. Dance Magic. Tremaine… Starquest. L.A. Dance Magic. Tremaine… Starquest. L.A. Dance Magic. Tremaine…

Jamais deux sans trois. ! Son estomac se noue une nouvelle fois.

Dans la vie, il y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent.

Il y a les vainqueurs et les perdants.

Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’un jour, elle illustrerait cette seconde catégorie.

Elle refuse pourtant de l’accepter. Elle ne subira plus jamais pareille déception, humiliation.

Le Tremaine Tour 2013 sera sa dernière compétition.

C’est ce qu’elle se grogne à elle-même avec rancœur et dégoût, tout en gobant d’un coup et pour la première fois de sa vie deux cachets d’ecstasy. Riley danse à quelques mètres d’elle.

— Erika ? ! interpelle soudain une voix que la danseuse déchue reconnait rapidement avec effroi.

Sans attendre, elle se retourne dans la direction de l’appel  :

— Za… Zack… déglutit-elle avec surprise et honte alors que le concerné arrive auprès d’elle, les sourcils froncés.

Furieux, il lui attrape le bras et la secoue énergiquement  :

— Je rêve ou tu as gobé un truc là ? Ne me dis pas que c’est de la drogue ? ! fulmine-t-il en serrant un peu plus fort l’avant-bras de son interlocutrice.

— Lâche-moi, tu vas me niquer l’effet ! Je veux pas me prendre la tête ce soir ! ! ! grogne Erika en repoussant énergiquement celui qu’elle considère comme un intrus à une soirée qui devait lui faire oublier l’horreur de sa vie. « Qu’est-ce que tu fous là en plus ? !  L.A. n’est pas assez grande pour que tu ramènes ton cul dans le même bar que moi ? ! »

— Tu n’as pas cherché le bar le plus éloigné de notre quartier non plus, alors ne t’étonne pas de croiser du monde, renvoie sèchement Zack en tirant de nouveau son interlocutrice vers l’avant. Allez, je te ramène ! Tu me suis sagement ou j’appelle Joakim et ça ne sera pas la même chanson avec lui. Tu veux que j’appelle Jo’ ? Car ça m’étonnerait qu’il apprécie apprendre que sa petite sœur soit dans un bar à 22 heures, en train de gober de l’exta…

— Vas-y si ça te chante, Joakim ne calcule rien, de toute manière ! s’esclaffe Erika avec dépit.

Son regard commence à aller dans tous les sens et elle se met ensuite à rire bêtement en dévisageant son interlocuteur  :

— T’es sexy ce soir, cousin ! Piaille-t-elle en dansant. Allez, viens, on va faire la fête tous les deux, enfin, tous les trois, parce qu’il y a ma chériiiiiiiiiiiiiiiiie là-bas !

Criant cela, Erika saute dans les bras de Riley qui semble dans le même état d’euphorie. Zack hallucine et reprend ses menaces  :

— Dernier avertissement, on s’en va, ou j’appelle Joakim.

Il tente de ne pas relever que sa cousine ait embrassé son amie sur la bouche.

— Zaaackouilllllllllllllllllllllllllllllllle, crie Erika en se précipitant sur lui pour l’enlacer de toutes ses forces et lui déposer un bisou sur la joue. Laisse-le où il est, l’autre con, et ne pense à rien d’autre qu’à faire la fête avec nous ! ! S.T.P. ! ! ! sois pas aussi méchant et nul que lui, moi tout ce que je veux c’est m’amuser, être heureuse, et toi… ? Ce n’est pas ce que tu veux aussi ? Je suis sûre que si, sinon tu ne serais pas là ce soir… SEUL !

— Les raisons de ma présence ici, on s’en fout, je veux que tu rentres, Erika.

Zack ordonne cela avec fermeté, tout en dévisageant avec dégoût Riley qui danse de façon lubrique à quelques mètres sur la piste.

— S.T.P., Zack… sanglote sa cousine en plongeant ses grands yeux verts humides et attendrissants dans les siens, parce qu’il n’avait jamais rien su lui refuser, et ce, depuis l’enfance, déjà.

Erika a toujours su tirer le meilleur parti de son pouvoir d’attendrissement, car c’est grâce à lui qu’elle a toujours pu manipuler ses doux cousins à sa guise. Le seul qu’elle a toujours craint reste son frère aîné, qui, lui, possède une autorité impossible à soudoyer.

— J’ai tout perdu, je ne vaux plus rien, tu le sais, toi, que j’ai tout foiré, alors s.t.p., laisse-moi cette soirée… reprend-elle, l’air abattu.

Elle joue toutes ses cartes d’une main de maître et elle sait qu’elle l’émeut : il ne fronce plus les sourcils et semble blasé.

— Laisse-moi rire et m’amuser, un peu… ajoute-t-elle tristement. Que cette soirée reste entre nous…

Elle termine sa phrase en s’élançant vers la piste avec son interlocuteur. Elle le tire derrière elle. Zack se laisse faire et la suit. Après tout, pourquoi voudrait-il l’empêcher d’être heureuse, alors qu’il est tout aussi désespéré qu’elle ? en effet, depuis le retour de Jenny dans la vie de son meilleur ami, la naine satanique est retombée dans ses travers et a recommencé à se l’accaparer en permanence…

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Temps de lecture : 2 minutes

 

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Le lendemain, Trisha rentre chez elle de bonne humeur après avoir signé son contrat d’embauche chez Click Models.

Au moment où elle pousse la porte de l’appartement qu’elle habite avec sa mère, elle remarque que celle-ci fait son aerobic dans le salon, devant la télévision de la pièce qui diffuse une émission sur les travers du mannequinat.

 

La rouquine soupire et se dépêche d’aller s’enfermer dans sa chambre en essayant d’esquiver au maximum le regard blessé et plein de reproches de sa mère. Elle sait qu’elle l’a déçue…

 

Elle aimerait lui demander pardon, lui expliquer les raisons de son choix, ses raisons de souhaiter tenter une carrière dans le mannequinat… Elle aimerait tant pouvoir lui avouer qu’en effet, elle adore le feu des projecteurs, mais ses lèvres restent plus scellées que jamais. Compréhensibles. Comment ces arguments, terriblement puérils et égoïstes, pourraient justifier sa trahison envers sa plus fidèle alliée  ? Car c’est ce qu’elle lui a infligé, un coup de couteau dans le dos, à sa mère adorée, qu’elle aime pourtant plus que sa propre vie…

 

De son côté, Maya feint d’ignorer le retour de sa fille. Elle se sent plus seule que jamais, aujourd’hui. Ce matin, son enfant, sa petite princesse, lui a annoncé qu’elle allait signer son maudit contrat après avoir dévoré un minuscule bol de céréales allégées. Sur le coup, elle n’a pas réagi et s’est simplement tournée vers l’évier pour faire la vaisselle : une attitude qui manifestait son dédain pour la décision de sa fille, en espérant que celle-ci reconsidère sa position !

Mais il n’en a rien été et son idiote de fille sortait ensuite de la cuisine pour s’en aller de la maison, puis en cours, comme si de rien n’était… Blessée, sous le choc et complètement anéantie de voir son enfant décider seule de sa vie sans la concerter, Maya appela son travail pour se faire porter pâle et ainsi rester chez elle pour le reste de la journée. Elle fit le ménage. Un peu de rangement. Elle admira quelques vieux albums photos, en écrasant quelques larmes au souvenir de l’époque où elle et sa progéniture ne faisaient qu’un, avant de les jeter contre un mur pour préférer s’en aller suer devant un DVD d’aérobic.

« Faites des gosses, qu’ils disaient  !  »

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Temps de lecture : 4 minutes

 

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Le jour suivant, Hajer entame une discussion avec son ami Joakim dans la cour du lycée. Il est heureux d’avoir finalement réussi à l’attraper en tête-à-tête. Cela fait déjà quelques jours qu’il espérait réaliser cet exploit.

Effectivement, ces derniers temps, Joakim a recommencé à passer très peu de temps avec son crew. C’est ce qu’indique d’abord Hajer, avec un sourire qui cache sa déception de ne plus le voir aussi fréquemment qu’auparavant. Joakim le rassure sans attendre sur le fameux éloignement qui n’en est pas un, selon lui  !

Il rit de l’effet qu’il peut provoquer chez son crew dès qu’il n’est plus à leurs côtés  ! Il le taquine. Hajre soupire, puis lui demande les raisons de son absence aux funérailles de Mickael Davis.

Il n’a pas saisi son refus de rendre un dernier hommage à leur ami d’antan, même si ce dernier avait paru prendre une mauvaise voie dernièrement.

— Tu as assisté à l’enterrement de sa sœur… Mais pas lui  ! Je trouve ça abusé, et pas sympa, ajoute-t-il même.

— Je n’étais pas en froid avec Joyce, alors que Mickael m’avait déclaré la guerre, souligne Joakim pour rappeler que Mickael avait quand même organisé une agression contre sa personne.

— Je sais, mais… soupire Hajer en se relevant de la table de pique-nique. Vous aviez des soucis tous les deux, il t’en reprochait beaucoup, mais… enfin, je pense que, quand un ancien ami disparaît ainsi, d’une façon aussi brutale, il faut lui rendre un dernier hommage.

— Non, désolé. Il a fait le con avec moi, je ne vais donc pas aller pleurer son décès. Qui sème le vent, récolte la tempête.

— Mouais… Mais toi, tu n’aurais pas semé un peu, vis-à-vis de lui  ? laisse discrètement échapper Hajer en fixant son ami d’un air hésitant.

— Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. renvoie Joakim, calme, inébranlable. Où veux-tu en venir  ?

— Tu sais très bien de quoi je parle…, marmonne Hajer, le regard désormais désespéré. Micka’, c’était un con, je suis d’accord avec toi, mais… euh… enfin… il aimait profondément Joey Sanders et, et…

— Et il m’a accusé à tort pour son emprisonnement, a organisé une agression contre moi, à tort encore.

— … mais on sait, toi et moi, que ce n’était pas, à tort… souffle discrètement Hajer.

— Ah bon  ? Il n’a jamais apporté de preuves, pourtant, et lorsqu’on ne peut rien prouver, on a tort  ! Mickael m’a fait agresser, à tort, avant de tomber dans la drogue et de se faire buter par des dealers, ou je ne sais quoi. C’est triste, mais je n’y peux rien, et je ne vais pas le pleurer pour ça. Il a suivi une mauvaise voie et il en a payé le prix, ça ne va pas plus loin. Alors, tire un trait  !

— Comment fais-tu… pour réussir à dormir la nuit…  ? bafouille Hajer, une nouvelle fois choqué par sa sérénité.

— Je ferme les yeux. Tu devrais arrêter de chercher des problèmes là où il n’y en a pas, parce qu’à trop chercher, on peut trouver parfois plus vite qu’on ne l’imagine. Sur ce, je te laisse, termine Joakim d’une voix glaciale et ferme.

Il tourne ensuite les talons, laissant derrière lui un ami abasourdi, profondément choqué par ce qui semble s’être échappé des lèvres de l’un de ses plus proches amis.

Joakim Bauer viendrait-il de le menacer  ? Le visage d’Hajer en blêmit et il en a subitement la nausée. Cinq minutes plus tard, il vomira dans le buisson le plus proche, en se sentant plus seul et trahi que jamais. Avait-il fait un pacte avec le diable  ?

L'Améthyste

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