~ 112 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Alors que Raphaël est en chemin vers son domicile en compagnie d’Alarich, Erika a couru jusqu’à cette promenade en bord de plage qui est toujours déserte dès la nuit tombée.

Cette place est, à la nuit tombée et grâce à l’absence de toute vie humaine et touristique, un sanctuaire de tranquillité et de sérénité.

Après quelques larmes versées dans le creux de ses mains, elle jette au sol son sweat et commence à interpréter la chorégraphie What a feeling qu’elle a tant travaillée. Elle n’a pas besoin d’ambiance musicale derrière elle, tant elle connait par cœur le moindre des mouvements à interpréter ainsi que le rythme à respecter. La musique résonne dans son esprit et lui permet de voler avec grâce sur les notes mélodieuses et entrainantes.

Non loin d’elle, sur une scène devant une cinquantaine de spectateurs, l’école qui l’a rejetée exécute les mêmes pas qu’elle.

First, when there’s nothing but a slow glowing dream / Au début, et alors qu’il n’y a rien, à part ce rêve qui brille au loin

That your fear seems to hide deep inside your mind / Et que ta peur a l’air de se cacher, au plus profond de ton esprit

All alone I have cried silent tears full of pride. Seule, j’ai pleuré, ces larmes emplies de fierté.

In a world made of steel, made of stone / Dans un monde aussi dur que l’acier, fait de pierre

Well, I hear the music, close my eyes, feel the rhythm / Puis j’entends la musique, je ferme les yeux, je ressens le rythme.

Wrap around, take a hold of my heart / Il m’imprègne, et j’exprime ce qu’il y a dans mon cœur.

What a feeling, bein’s believin’ / Ce sentiment, tellement magique

I can’t have it all, now I’m dancin’ for my life. / Je peux tout avoir désormais, je danse pour ma vie !

Take your passion and make it happen / Rassemble toute ta passion ! Fais que ton rêve se réalise !

Pictures come alive, you can dance right through your life / Les images s’animent, tu peux danser durant toute une vie !

Now I hear the music, close my eyes, I am rhythm. / Maintenant, je ferme les yeux, je suis le rythme !

In a flash, it takes hold of my heart. / En un instant, je comprends enfin ce qu’il y a au fond de mon cœur.

What a feeling (I am music now) ! Bein’s believin’ (I am rhythm now) 

Pictures come alive! You can dance right through your life!

What a feeling ! (I can really have it all)

What a feeling ! (Pictures come alive when I call)I can have it all (I can really have it all). 

Dès la fin de la chorégraphie, c’est un sourire satisfait, mais surtout rassuré, qui illumine désormais le visage d’Erika. Elle vient de réaliser ce qu’elle avait presque fini par oublier : qu’en réalité, elle n’a besoin d’aucune école, d’aucun emblème, pour poursuivre son rêve et sa passion ! Puisque sa vie ne peut finalement n’être dirigée que par une seule et unique chose : la musique ! Tant qu’elle l’aura dans la peau et tant qu’elle se laissera guider par elle, elle survolera tous les obstacles et brillera de mille feux. Seule ou accompagnée, elle se fait la promesse d’atteindre le rang des meilleures et de devenir une étoile. 

~ 113 ~

Temps de lecture : 5 minutes

 

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Au même moment, Raphaël est en train de nourrir le perroquet que son fils a ramené chez eux, tout en s’agaçant devant le stupide volatile qui ne fait que répéter l’unique mot de son vocabulaire : « Abruti ! » « Abruti ! »

Comme toujours trop gentil avec ses enfants, Raphaël n’a pas su refuser à son fils la présence de ces deux animaux qu’il a imposés sans prévenir, alors qu’ils n’avaient plus eu de chien depuis la mort de leur dernier, il y a cinq ans.

 

*

 

Une heure plus tard, Joakim se rend dans cette boite de nuit de Venice qu’il a découverte il y a peu et où il retourne assez fréquemment désormais. Il se fiche complètement que son père lui ait demandé de rentrer immédiatement après le spectacle de sa sœur.

Sur place, il retrouve Amy qui se précipite vers lui sitôt dès qu’elle l’aperçoit. Les salutations se font rapidement et la blondinette se presse de le suivre alors qu’il se cherche une table en bord de piste. Elle est souriante, enjouée, et c’est l’air rieur, taquin, qu’elle s’exclame, tout en lui sautant dessus lorsqu’il s’assoit enfin.

— Je vois que tu es venu seul ! Ça va être chaud, ce soir !

— Tu ne doutes de rien, dis donc.

— Pourquoi devrais-je ? Nous sommes jeunes, alors vivons ! Je sais que tu es de mon avis, murmure-t-elle sensuellement en se frottant contre son bassin.

— Quand vas-tu te décider à quitter Noah ? demande Joakim en lui malaxant les fesses et les seins.

— Serais-tu jaloux ? susurre Amy en rapprochant ses lèvres des siennes.

— Pardon ? s’interroge Joakim, perplexe.

— Et toi, quand largues-tu Trisha ? reprend Amy en se tortillant toujours contre son diable d’amant qui, lui, continue de lui tripoter les fesses sans pudeur.

— Tu es complètement cinglée… soupire Joakim, l’air moqueur, avant de passer sa main sous sa jupe pour lui glisser un doigt dans son intimité.

— Pas autant que toi, gémit Amy en se délectant de ses caresses intimes.

— Je ne crois pas, non, renvoie Joakim, narquois, dans le but de la rabaisser une fois de plus.

Elle aime ça. Qu’il la traite telle une moins que rien. Il prend donc beaucoup de plaisir dans cette activité.

— Mais si, mon cher. Tu es cinglé de ne pas voir à quel point, toi et moi, on est géniaux ensemble. Je suis sûre que tu n’as jamais pris autant ton pied avec Trish’ qu’avec moi, minaude Amy avec malice en essayant de lui déposer de petits baisers humides sur le bout des lèvres malgré ses nombreuses esquives.

 

*

 

Pendant ce temps, au domicile Beckers, Noah passe une soirée plus calme, puisqu’il est tranquillement dans sa chambre pour converser via webcam avec sa nouvelle amie, Perrine.

Les deux s’entendent très bien et se retrouvent souvent pour trainer ensemble. Ils ne sont pas dans le même lycée, ce qui est plutôt agréable pour Noah qui n’aimerait pas que sa compagne se fasse de fausses idées sur sa relation avec sa nouvelle camarade. Moins les deux jeunes filles se voient, et mieux cela est pour le blondinet qui craint toujours comme la peste les crises de jalousie de sa blonde. Pourtant, il se rend bien compte que, depuis quelques jours, celle-ci est plus que distante avec lui. Il ne comprend pas réellement cet éloignement, sans pour autant avoir envie de l’élucider : Il est en effet un peu las de leur couple et se surprend parfois à songer qu’il n’a plus d’avenir.

De l’autre côté de l’écran, Perrine aussi passe une merveilleuse soirée en sa compagnie, car le blondinet devient lentement, mais sûrement, beaucoup plus qu’un ami à ses yeux.

Une réelle complicité s’est en effet tissée entre eux et aujourd’hui, Perrine n’apprécierait pas qu’une journée s’achève sans qu’elle ait eu sa dose quotidienne de « Noah ». Il faut dire que le concerné a tout pour plaire, selon elle, et elle meurt souvent de jalousie pour la blondasse insipide qui lui sert de petite amie !

La brunette ne comprend pas comment une fille aussi superficielle, prétentieuse et idiote que cette pimbêche d’Amy Wills a pu réussir à renverser dans ses filets un garçon qui est tout son opposé. Le monde est décidément trop mal conçu et si un jour la jeune fille a l’opportunité de changer cette bavure, elle n’hésitera pas une seule seconde…

Pourtant, et malgré qu’elle se le certifie en mourant d’envie de s’accrocher aux lèvres rosées de son blond adoré, elle n’arrive jamais à amorcer la moindre tentative de séduction avec lui. 

~ 114 ~

Temps de lecture : 7 minutes

 

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*

 

Quelques jours plus tard, en plein milieu d’une matinée ensoleillée, Trisha Hill se rend chez son petit ami pour voir son chiot et, accessoirement, passer un peu de temps en compagnie de son homme.

Erika l’accueille joyeusement sitôt qu’elle descend les premières marches de la maison Bauer, tandis que son chien arrive déjà en courant dans sa direction en jappant affectueusement.

— Alors, il a été sage ?! s’exclame Trisha en prenant son chiot adoré dans ses bras.

— Oui oui, et je te le dis maintenant, il porte toujours bien son nom… informe Erika dans un éclat de rire.

En effet, l’animal se nomme « post-it ».

— C’est ton frère qui l’a nommé comme ça ! explique Trisha avec amusement. Et encore, Post-it a eu chaud, car il voulait l’appeler « Poil de cul », au début !

— Parce qu’il est toujours collé aux culs de gens, oui, termine Erika avec la même gaieté. Joakim est d’un gracieux, n’est-ce pas ! Par contre, tu vas être déçue, mais il est sorti tôt ce matin.

— C’est pas grave, je venais surtout pour Post-it, ment Trisha, l’air déçu. Il m’avait pourtant dit qu’il serait là, mais bon, entre sa parole et la réalité, il y a souvent un fossé ! Il a dû oublier…

— Mouais. Tu es bien trop gentille avec lui, Joakim n’oublie jamais, Joakim se fiche de tout.

— Vous vous êtes disputés ? demande la rouquine avec suspicion pour tenter de cerner les raisons de ces envois de piques discrets.

— Pas spécialement, je te dis juste ce qui est. Je trouve toujours que tu es trop bien pour lui, mon frère n’est pas gentil avec toi, il ne fait que te décevoir et il s’en moque, c’est ça le pire.

— Tu exagères, il ne fait pas que me décevoir, défend Trisha en observant affectueusement son chiot qui joue désormais devant elle.

— Ouais, tu es émue parce qu’il t’a offert un chien, il est malin, réplique Erika, lucide.

— Entre autres, mais pas seulement, rougit honteusement Trisha. Ne me prends pas pour une idiote naïve, Erika, car je sais comment fonctionne ton frère, je sais donc qu’il n’est pas le prince charmant des contes de fées, mais cela ne m’empêche pas de le trouver gentil. Parce qu’il l’est. Rien ne le forçait à m’offrir Post-it, il l’a fait avec le cœur, comme tout ce qu’il fait, d’ailleurs.

— Mon frère, agir avec le cœur  ? ! Ricane aussitôt Erika avec ironie. Mon dieu, arrête maintenant, il t’a offert ton chien pour obtenir ta fidélité éternelle, pendant que lui continue de se moquer de toi. Regarde-toi, tu es là aujourd’hui pour le voir, tu t’es faite belle, parce qu’il t’a dit qu’il serait là, alors que tous les dimanches, il part à la même heure ; parfois c’est pour aller avec les Drifterz, parfois c’est parce qu’un de ses potes l’appelle. Il a sa routine de vie, et tu ne l’as en rien modifiée ; la preuve, il n’a même pas daigné être là pour toi ! Tu n’as aucun impact dans sa vie, contrairement à ce que tu penses, parce qu’il fait tout pour que tu le croies. Mon frère n’est pas gentil, il ne pense qu’à sa gueule, car il se fiche des sentiments des gens ; tu pourrais finir sous antidépresseurs qu’il ne te calculerait même pas.

— Pourquoi me dis-tu tout ça ? Ça te dérange tant que ça que je vienne chez vous voir mon chien ? Tu tentes de te débarrasser de moi ? Tu n’acceptes vraiment pas que je sorte avec Joakim, c’est aberrant.

— Du tout, je t’apprécie, et c’est justement pour ça que je me dépite de l’évolution de votre relation ! C’est marqué sur ton front que tu es folle amoureuse de lui, alors que, de son côté, il t’aime bien, mais ça n’ira jamais plus loin. Je ne dis pas qu’il agit par cruauté, loin de là, mais il agit par ignorance, mon frère ne sait pas aimer, il détruit sans même s’en apercevoir et ne réalise même pas la chance qu’il a de t’avoir. Tu es trop gentille et douce pour lui, il ne mérite pas quelqu’un d’aussi génial que toi. C’est pas pour rien que tu es sa première relation qui dure un minimum ! Pourquoi tu penses qu’avant toi aucune autre fille n’a réussi à rester avec lui ? Sérieux, quand j’y pense, je me dis que tu mérites une médaille, tout en ayant peur pour toi. En vérité, comme frère, il est génial, mais comme petit ami, ça a l’air d’être un con fini !

— Il a changé à mes côtés, Erika, on s’entend vraiment bien et on est bien ensemble. Pourquoi t’obstines-tu à voir notre relation vouée à l’échec ? Je ne m’accroche pas à lui aveuglément, tu sais. Tu n’es pas dans son cœur pour m’affirmer qu’il ne m’aime pas ; moi, je pense qu’il tient à moi. Il m’a offert Post-it, ce bracelet… soupire tristement Trisha en tendant son bras à son interlocutrice. « Après tout ça, qu’est-ce qui peut te faire dire qu’il ne tient pas à moi ? Moi, je pense que tu ne sais rien de lui, au fond. Tu le connais en tant que frère, mais il y a toute une façade de sa personnalité que tu ignores. »

— Tous ces gestes que tu penses qu’il t’offre ne veulent rien dire, s’obstine Erika.

— Bon… Tu n’as pas une chorégraphie à travailler au lieu d’essayer de me plomber le moral ?! Je tiens à ton frère et je resterai avec lui aussi longtemps qu’il me rendra heureuse, ce qui est sincèrement le cas aujourd’hui.

— OK OK, la têtue ! Si tu es heureuse, alors dans ce cas tant mieux ! Pour la danse, je suis dans le noir le plus total depuis que je suis seule, j’ai strictement rien à présenter au Tremaine Tour. Je vais me planter encore une fois ! En plus, vu que je suis seule, je peux plus trop compter sur Jonathan, alors je ne vais même pas pouvoir présenter un numéro « couple » : ma vie, c’est de la merde !

— N’importe quoi ! Tu étais merveilleuse à StarQuest ! Tu as tellement de talent !

— C’était pas ma chorégraphie. Moi, la seule que j’ai faite et qui vient de moi, c’était à LA Dance, et mon frère m’a dit en face que j’étais bonne à rien et que je ne valais rien ! bougonne la brunette, je me déteste de ne pas être capable de pondre une choré’ potable, mais c’est trop dur ! Je suis une incapable ! !

— Si les danseurs savaient faire leurs chorégraphies seuls, pourquoi y aurait-il des gens qui ont pour métier de le faire ? Ne sois pas trop dur avec toi-même quand tu n’arrives pas à faire quelque chose que tu n’as encore jamais fait de ta vie…

— Dans ma famille, on a normalement du talent ! On naît avec du talent ! Mon père était guitariste, chanteur-compositeur dans un groupe ! Son père avant lui était chanteur-compositeur lui aussi ! Ma mère… c’est Eva Lee ! Tu dois connaître. Mon grand-père maternel, c’est Erwan ! Enfin, il était, il ne fait plus rien maintenant. Mais bref, je peux remonter loin comme ça, j’ai des gènes d’artistes ! On excelle dans ma famille, et moi, je suis une nulle même pas capable de faire sa propre chorégraphie, alors que les plus grands danseurs le font ! J’ai vraiment l’impression d’être le paria de cette famille…

— Tout le monde ne suit pas le parcours de sa famille, regarde Joakim !

— Joakim, intelligent comme il est, il fera de grandes choses plus tard. Pour l’instant, c’est un branleur, mais c’est parce qu’il le veut. Sinon, je le vois bien travailler pour la CIA un jour, vu la fouine que c’est !

Trisha éclate de rire.

— J’adore comme tu parles de lui, mais tu as raison !

— Bah attends, son plan, c’est de tous nous enterrer pour ensuite aller chier sur nos tombes ! rit l’adolescente à son tour.

— Ton grand-père, c’est Erwan… répète Trisha, les yeux pétillants d’admiration. J’aime tellement ce qu’il a fait ! Je sais, j’ai l’air vieux jeu en étant fan de lui, mais j’ai tous ses albums, je le trouve tout simplement exceptionnel.

— Garde tout ça pour toi, hein !

— Oui patate, je vais pas aller le clamer partout ! Même si j’aurais payé cher pour naître à son époque, tu connais sa chanson U-Turn ? Il l’a écrit pour un grand amour ! D’ailleurs, tout ce qu’il écrivait et chantait était presque toujours dédié à son amour ! Last Night Thoughts me fait pleurer dès que je l’entends, on ressent sa détresse ! Le jour où Joakim me largue, je l’écouterai en boucle, jusqu’à me pendre de désespoir ! Elle est tellement magnifique, on sent un tel amour dans ses paroles, il devait tellement l’aimer, cette femme !

— Ma grand-mère, oui ! Et d’ailleurs, il vit toujours avec ! Et putain, tu pourrais piailler sur les chansons de mes parents quand même ! rit Erika. Vas-y, la vieille groupie, sérieux, j’te connais plus, moi !

— Tu ne peux pas comprendre, car pour toi c’est ton grand-père, mais Erwan, c’est le fantasme de toutes les filles normalement constituées qui ont entendu ses chansons ! Il est tellement beau et il chante tellement bien ! Il n’y en a plus des artistes comme lui de nos jours !

— Taaaais toi ! Je ne veux plus rien entendre ! Tu sais qu’il vit dans la maison juste à gauche ?! Va le voir en mode retraité, tu vas déchanter, ma vieille !

— Non merci, je n’ai pas envie d’actualiser la sublime image que j’ai de lui, sale fourbe ! 

L'Améthyste

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