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Alors que Maya Hill encaisse les paroles de Joakim avec incompréhension, une autre mère de famille cuve difficilement sa cuite de l’après-midi, devant son émission préférée, sans remarquer l’arrivée impromptue de sa fille derrière elle.
— Tu sais quoi, maman ? Je me tape un mec en couple ! lance Amy avec désinvolture et amusement, dans une mimique puérile dans le but de faire réagir celle qui lui sert de mère.
Elle aimerait la choquer. Lui faire réaliser son existence. L’obliger à lui hurler dessus… Son royaume pour un sermon…
Échec. Sa génitrice soupire avec désintérêt et hausse les épaules :
— La vie est faite d’aventures !
— Le plus drôle, c’est qu’il s’agit du mec de ma meilleure amie, clarifie alors Amy pour enfoncer un peu plus le clou.
Sa mère ne semble pas l’avoir bien comprise…
—La rousse ? réagit enfin Morgan, l’air surpris.
— Oh, tu t’en souviens ? Oui, c’est ça ! La rousse ! Qui s’appelle aussi Trisha ! S’enquit Amy, au comble de la jubilation, tellement fière d’avoir enfin obtenu l’attention de sa propre mère. C’est ma meilleure amie depuis l’entrée au collège ! Je suis sortie avec son mec, aïe aïe aïe !
— Je ne comprends pas pourquoi tu m’en parles, se refroidit Morgan, désabusée.
— Pour rien, c’est histoire de parler ! Il est vraiment très beau, il s’appelle Joakim ! Ça m’ennuie un peu pour Trisha, mais je crois qu’il m’aime bien !
— Il n’est pas à toi, oublie-le, lâche enfin Morgan avec sagesse.
Elle surprend ainsi sa fille.
— Qu’est-ce que ça peut te foutre ? renvoie Amy, aigrie et acerbe. Je l’aime bien, moi aussi, et à ma connaissance, puisque je m’éduque moi-même, je décide de mes actes !
— Ne sois pas une pute, tu n’as pas besoin de cela pour exister aux yeux du monde.
— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, glousse Amy, amère.
— Si tu fais ça, tu ne vaudras pas mieux que moi. Tu as touché le fond en trahissant cette gamine qui a toujours été là pour toi. Tu finiras par te retrouver toute seule…
— Je suis déjà toute seule, et cela ne t’a jamais fait de peine, tu te fiches de moi ! De mon existence ! De ma vie ! De mon avenir ! De ce que je ressens ! De ce que je suis ! De tout ça ! Tu te fiches de moi ! Tu ne réagis jamais face à ce qui m’arrive ! Quoi que je fasse, tu t’en fous ! Tu… Tu… Tu n’es pas une mère !
— Et c’est pour cela que tu devrais commencer à assurer tes arrières. Car, lorsque je ne serai plus là, il faudra que tu rebondisses… Avec un entourage qui t’aime, si tu vois ce que je veux dire…
— Si tu arrêtes tes conneries, je ne me retrouverai jamais seule ! crache Amy en détalant hors de la pièce pour s’en aller pleurer à chaudes larmes dans sa chambre.