~ 103 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Au même moment, Vanessa Muller tombe des nues alors qu’elle est au téléphone avec sa fille chérie qu’elle appelait aujourd’hui pour lui proposer de venir prendre un café en ville en sa compagnie. Rien n’aurait pu préparer Vanessa aujourd’hui au fait que sa progéniture ait pu s’enfuir de Los Angeles bien avant le début de sa prochaine tournée. Vanessa ne comprend pas  ! Vanessa ne veut même pas essayer de comprendre. Vanessa rumine et fulmine en grondant tout ce qu’elle peut, dans son téléphone.

— Dis-moi au moins pourquoi  ! Il y a forcément une raison  ! Est-ce que c’est ton empaffé de mari qui a mal vécu sa transition Sims 3, qui fait encore des siennes  ? ! Parce que si ce n’est que ça, dis-lui que nous sommes tous logés à la même enseigne  ! Mais on ne saoule pas tout notre monde pour autant ! ! ! Regarde, Erwan, s’il y a bien quelqu’un qui a perdu son sex-appeal ici, c’est bien lui  ! Et pourtant, il prend sur lui  ! Pfff, ce Raphaël alors, il a été trop gâté par les lecteurs à l’époque  ! Beau gosse par-ci, orgasmique par-là, ils te l’ont pourri jusqu’à la moelle  !

— Arrête de t’en prendre à Raphaël, maman, il n’a strictement rien à voir dans mon départ…

— Alors, à cause de qui cela peut être ? ? ? Tu vas me dire que la puce Erika a plongé dans la drogue et que tu ne te sens pas apte à gérer ça, peut-être ? ? Tu serais plus crédible en Maya pour annoncer une énième fin du monde, tu sais  ! Non, le coupable, c’est Raphaël  ! C’est toujours Raphaël de toute manière ! ! ! J’en toucherai deux mots à Jeyne  ! !

— Arrête de t’en prendre à mon époux, maman  ! s’agace Éva, excédée. J’ai quelques soucis avec Joakim, c’est tout. Mais j’aimerais que tu le gardes pour toi.

— Pardon ? s’interroge Vanessa avec ironie. Tu vas me dire que c’est le truc à peine sorti de son youpala qui t’a fait fuir de la maison  ? Qu’est-ce qu’il a encore fait  ? Il t’a piqué tes Tampax pour faire des flotteurs à ses bateaux Lego ? ?

— Cela fait longtemps qu’il l’a quitté, ce youpala… soupire tristement Éva avec nostalgie. Enfin bref  ! Il n’y a rien de bien grave, je te l’assure, juste des petites broutilles en famille… Et puis, de toute manière, ayant la tournée à préparer, je comptais repartir un peu en avance.

— Je ne te lâcherai pas tant que tu ne m’auras pas dit ce qu’il s’est passé avec ton fils. Tous les lecteurs ici présents savent à quel point je peux être têtue et tenace, alors si j’étais toi…

— Joakim sait tout, laisse tomber Éva avec abdication, alors je dois prendre le large quelque temps, je ne peux plus affronter son regard, il me juge, maman. Il peut être si froid parfois. Tu n’as jamais vu ce côté-là de mon fils, tu ne peux donc pas me comprendre…

— Qu’est-ce que tu veux dire par «  Joakim sait tout  »  ? ! s’intéresse subitement, Vanessa avec effroi. Comment aurait-il pu  ? !

— Je ne sais pas comment il s’y est pris, mais il m’a piégée. Ce qui est flatteur en un sens, mon fils est vraiment très intelligent… sourit Éva avec fierté.

— Hey, Candide  ! C’est à se demander qui est-ce qui porte le pantalon chez les Bauer  ! S’énerve brusquement Vanessa. Ta vie est une parodie !

— Je vais te laisser, maman, renifle discrètement Éva, à bout. J’ai à faire, et je compte sur toi pour garder tout cela pour toi. Raphaël ne sait strictement rien de l’altercation avec Joakim, alors motus et bouche cousue. Ce n’est pas la peine de foutre une sale ambiance à la maison et ce sont des histoires de famille, cela ne te concerne pas. Je réglerai tout ça avec mon fils. Alors promets-moi de ne pas mettre ton nez dans mes affaires  !

— Compte sur moi.

~ 104 ~

Temps de lecture : 8 minutes

 

*

 

Malgré sa promesse, Vanessa court sonner à la porte de la maison Bauer. Elle doit absolument discréditer son petit-fils. Ce sale gosse en sait trop et si un jour l’envie lui prend d’être trop bavard, il pourrait provoquer le pire. La sexagénaire ne laissera jamais cela se produire ! Sa fille chérie est bien trop naïve et pas assez prudente. Une fois de plus, Vanessa se devait de courir à sa rescousse, comme la mère incroyable qu’elle a toujours été ! 

— Vanessa ? S’interroge aussitôt Raphaël en accueillant la visiteuse impromptue. Comment vas-tu ?

— Très bien, merci ! Mais, trêve de bavardages inutiles, je voudrais m’entretenir avec Joakim ! notifie Vanessa en fusillant aussitôt du regard le concerné qui est tranquillement planté en plein milieu de la pièce.

— Oui, jeune homme, c’est bien à toi que je veux parler ! gronde-t-elle en grimaçant de colère.

Elle se rapproche de l’adolescent planté à quelques mètres, l’air fier et prétentieux. Il la dévisage de haut en bas, presque avec mépris.

Sans attendre une seconde de plus, sa grand-mère lève brusquement la main en l’air pour se préparer à gifler l’adolescent mal éduqué, quand Raphaël se précipite aussitôt entre elle et sa cible pour l’incendier avec colère.

— Mais qu’est-ce qui te prend, Vanessa ? ? Tu es folle ? !

— Tu ne te demandes pas pourquoi ta femme est repartie si vite en tournée  ??

— Non, parce que je le sais. Cela n’a rien à voir avec mon fils, alors éloigne-toi de lui ! Je t’interdis de le toucher ! Non, mais pour qui te prends-tu ? Tu es chez moi, ici ! Alors, si je te revois une seule fois lever la main sur un seul de mes enfants, ça va très mal aller !

Raphaël perd patience. Sa gentillesse légendaire peut très vite disparaître dès lors qu’on ose toucher à sa famille. Derrière lui, son fils jubile comme jamais.

— Il a forcé Éva à repartir plus vite que prévu ! Lui ! Ton charmant rejeton ! C’est lui ! Hein, Joakim ? Dis à ton papa sans personnalité ce que tu as fait à ta mère ! Dis-lui ! À ce grand niais, à quel point tu peux être manipulateur et mal éduqué, sous tes airs de fiston modèle ! Dis-lui à quel point tu as manqué de coups de pied au cul ! Dis-lui ! Comment tu as su faire pleurer ta mère qui se saigne pourtant pour vos beaux yeux à tous ! Tu devrais avoir honte, Joakim !

— Ça suffit, Vanessa ! Tu es complètement folle et j’en ai assez de ton cinéma ! Alors, va-t’en de chez nous, immédiatement ! lance Raphaël, excédé.

— Et toi, tu es complètement à la ramasse, mon pauvre ! se défend Vanessa, hagarde. Non, mais regarde-toi ! Ce n’est même plus toi qui fais la loi dans ta propre maison, c’est ton fils, qui est le faux-semblant et le mensonge incarné ! Je suis persuadée que même Alarich saurait te marcher dessus, tellement tu es faible !

Erika reste figée dans un coin du salon. Elle assiste à la scène avec dépit. Elle ne comprend pas la crise de sa grand-mère et se demande ce qui a pu se passer entre les murs de sa propre maison. À cet instant, elle ne reconnaît plus les siens, alors que son père hurle contre la blonde platine. Elle voit son frère aîné rester impassible, l’air rieur. Blasée, elle regarde sa grand-mère se faire pousser par son père à l’extérieur de la maison et elle se met à songer à la chorégraphie qu’elle doit travailler afin de pouvoir danser aux côtés de son école lors de LA Dance Magic. Elle doit exceller, ce jour-là, car c’est de sa prestation que dépendra son avenir au sein des Rolling Deep. À ce souvenir, le stress la ronge et elle est soudain prise d’une furieuse envie de courir dans sa salle d’entrainement pour travailler un peu avant le diner.

Son père la tire brusquement de ses songes, alors qu’il questionne son frère avec lassitude. Elle lève alors la tête dans leur direction pour les écouter plus attentivement.

— Qu’est-ce que Vanessa te reprochait ? Qu’as-tu fait à ta mère  ?

— Qu’est-ce que cela peut te faire ?

— Tu vas me parler mieux que ça ! S’emporte Raphaël, choqué par la désinvolture de son fils.

— Sinon ? Provoque Joakim avec fierté, grand-mère a au moins raison sur un point : tu manques de personnalité, tu es faible, tu es de ceux qu’on lâche et abandonne et pas de ceux que l’on respecte. Le seul vrai adulte de cette maison est actuellement en tournée. Tu n’es qu’un larbin. Tu sers à rien.

Choqué, profondément blessé par la prunelle de ses yeux, Raphaël tente de se défendre avec une honte grandissante qui lui tord les boyaux.

— Comment oses-tu ? ? Qui est-ce qui s’occupe de tout ici ?! Qui est-ce qui prend soin de vous  ? ! Qui est-ce qui a toujours été là pour vous  ? ! Alors tu vas me respecter maintenant, merde ! Ou tu vas t’en prendre une de la part du larbin ! Je reste ton père, et que cela te plaise ou non, tu me dois le respect ! Parce qu’en ce moment, ce n’est pas ta mère qui est à tes côtés, mais MOI ! MOI ! MOI !

C’est tremblant que Raphaël explose ainsi, dévoré par la souffrance que l’ingratitude des siens lui inflige,

— Et c’est ce qui te rend insupportable, renvoie Joakim, indifférent à sa détresse. Tu n’as toujours été qu’une larve sans personnalité ni autorité, tu n’es bon qu’à te faire marcher dessus, tu es un esclave. Tu n’es même pas capable d’avoir des désirs, une volonté. Tu es vide. Sans ambition ni avenir. Tu me files la gerbe.

Raphaël s’emporte suite à ces paroles. Il en devient fou. De ces réalités qui lui sont lancées ainsi par les lèvres de son propre enfant. Comment a-t-il osé ! Personne encore n’avait tenté cela ! De le défier ainsi ! Le père de famille se calme pourtant, plus abattu que furieux – et non désireux de montrer l’exemple d’un père hystérique. 

— Tu es doué pour rabaisser ceux qui ont donné leur vie pour que la tienne soit la meilleure possible. Qu’ai-je raté dans ton éducation ? Pourquoi il n’y a qu’avec moi que tu es en conflit permanent ?

— Parce que tu essaies de trop en faire alors que tu n’es qu’un larbin.  Gère ta propre vie avant de t’occuper de celle des autres.

— Tu me parles encore une fois de la sorte et tu t’en prends une, Joakim, avise Raphaël en tentant de conserver son calme alors que ses yeux le brûlent déjà.

Il est au bord des larmes. Son fils est décidément allé trop loin, ce soir. Il ne le reconnaît plus. De qui pouvait-il tenir cette cruauté ? Certainement pas de lui en tous cas. Il souffle :

— Tu peux admirer ou insulter mon parcours, cela te regarde, mais je reste ton père et tu me dois le respect. Souviens-t’en. C’est la dernière fois que je tolère une pareille insubordination. 

Joakim se fiche de ses avertissements et reste amer, acerbe. Il renvoie de nouveau :

— On n’exige pas le respect, on le mérite.

— Dernier avertissement ! s’emporte à nouveau Raphaël avec désespoir en levant la main en l’air pour le menacer de le frapper.

— Vas-y ! le provoque son fils : « Prouve-moi que tu as les couilles de le faire. »

— Que… que… bafouille Raphaël.

Il tremble, abaisse sa main et reprend avec désespoir :

— Putain, mais merde ! Qu’est-ce que j’ai bien pu rater dans ton éducation pour que tu deviennes ainsi  ? ! Je t’ai tout donné, toute ma vie ! Et regarde-toi… Tu me fais honte ! Depuis quelque temps, je ne te reconnais plus. Tu n’as rien du fils que j’ai éduqué, et l’erreur ne peut pas venir de moi, car j’ai été un père exemplaire. Quoique tu en dises, ça, je le sais. Tu as tout eu pour être heureux, jusqu’à devenir quelqu’un de bien, merde ! Je suis un bon père ! J’ai donné plus que ta mère, j’ai toujours eu foi en toi ! Tu n’as pas eu une éducation qui justifie ce que tu es aujourd’hui ! Qui es-tu, m’enfin ?? Tu n’as rien du fils que j’ai connu ! Tu as changé, que s’est-il passé ?! Ressaisis-toi ! Ouvre les yeux, et… reprends-toi, parce que la frontière entre le bien et le mal est mince !

— Bla bla bla ! Sur ce… ! Lance Joakim avec ironie pour conclure, tout en quittant tranquillement la maison familiale.

Il sort, et personne ne pourrait l’en empêcher.

Une fois Joakim éloigné, Erika intervient enfin. Timidement, elle s’avance vers son père qui est toujours figé en plein milieu du salon, totalement dévasté par les mots durs de sa progéniture ingrate.

— Joakim a tort, papa. C’est un sale con. Tu es le meilleur des pères et avec Alarich, on n’en a jamais douté. Tu n’as pas à te préoccuper des horreurs qu’il te lance, parce qu’il n’y a que lui pour être capable de débiter autant de conneries.

S’en est trop pour Raphaël. Fragilisé par son fils et touché désormais par les paroles de sa fille qui a prononcé ces mots d’une façon étrangement mature, il fond en larmes et la prend dans ses bras.

~ 105 ~

Temps de lecture : 2 minutes

 

*

 

De mauvaise humeur à cause de l’altercation avec son paternel, Joakim arrive énervé chez sa petite amie.

Le couple a prévu de passer une soirée en ville et, comme la majorité du temps lorsque le jeune Bauer vient chercher sa rouquine, celle-ci n’est jamais prête à temps. Elle l’agace  ! Maya réalise son air bougon quand elle lui ouvre sa porte. Elle manque de rire.

Il hausse les épaules et part s’asseoir sur le canapé de la pièce. Il doit attendre la princesse, maintenant  !

Amusée par sa bouille qui grommelle sur le retard de sa progéniture, Maya s’installe à ses côtés pour discuter. Elle l’aime bien, mine de rien, ce petit con  !

— Cela devient sérieux, entre vous  ! Je suis vraiment contente, affirme-t-elle. Vous allez bien ensemble  !

— Comment le sauriez-vous  ? Vous ne savez rien de votre fille, alors épargnez-moi vos phrases pré-faites de mère modèle.

— Pardon ? s’interroge Maya avec surprise. Attends mon petit, je suis gentille avec toi, je joue la belle-mère adorable et choupinette, et qu’est-ce que tu me renvoies, toi  ? Tu cherches les problèmes  ?

— Arrêtez de faire la mère modèle avec moi, votre fille est un mystère pour vous et vous ne savez rien de ses goûts. Discuter avec vous est une épreuve.

— Je ne te permets pas, commence à s’échauffer Maya en tentant de rester polie.

Joakim se relève du canapé, l’air las.

— Je n’ai pas besoin de votre permission.

— Sur quoi te bases-tu pour affirmer que je ne connais pas ma fille  ?

— Trisha ne veut pas suivre vos traces, mais pour une raison que j’ignore, elle vous admire réellement et ferait tout pour que vous soyez fière d’elle. Soupire Joakim en abandonnant son interlocutrice pour foncer rejoindre sa petite amie qui est décidément trop longue pour sa patience  !

L'Améthyste

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