~ 081 ~

Temps de lecture : 6 minutes

 

*

 

À quelques kilomètres de là, Joakim, assis sur le lit de sa petite amie, décroche le téléphone portable de sa rousse. L’objet vient de vibrer sur sa table de nuit alors qu’elle traîne sur son ordinateur. Elle s’occupe sur ses réseaux et souhaite changer de photo Instagram, car elle en possède maintenant une dizaine avec son homme ; prises sans arrêt pendant ces deux derniers jours ! 

Intriguée, elle se retourne vers son compagnon, sceptique de le voir avec son iPhone :

— Joakim ? lui demande-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.

Elle trouve son attitude culottée !

— Tiens, salut, Alex ! Envoie celui-ci sans la moindre gêne. Tu ne te serais pas trompé de numéro, par hasard ?

— Oh, salut Joakim… en déglutit de surprise et de honte le Drifterz brun à l’autre bout du fil. Je.. Je voulais juste dire un mot à Trisha ! Tu pourrais me la passer, s’il te plait ?

— Non. Elle est occupée là, et la décence m’interdit de te dire ce qu’elle est en train de me faire.

— Oh God ! se fige la rouquine en se rapprochant de son petit ami avec étonnement.

Elle s’adosse contre le mur près de son lit, debout, devant son interlocuteur voleur de téléphone. Elle boude, silencieuse, impatiente qu’il raccroche !

— C’est ça, au revoir, conclut nerveusement son kleptomane en mettant fin à l’appel.  

— Tu sais au moins que tu n’as strictement rien à craindre vis-à-vis de lui ? lui soupire-t-elle avec suspicion. Je l’apprécie, c’est un bon ami.

— Je sais, souffle Joakim en reposant le smartphone sur la table de nuit.

Il se relève ensuite du lit pour la saisir vivement par la taille afin de la ramener contre lui.

Ses deux mains se dirigent aussitôt sur ses fesses et son regard plonge dans le sien, avant qu’il ne s’empare fougueusement de ses lèvres pour un long baiser.

Ravie et émoustillée, sa rouquine lui attrape délicatement la nuque pour se hisser sur la pointe des pieds et prolonger l’instant.

Elle ne l’a pas trompé, la veille, mais il reste possible que les nombreux sourires échangés aient donné à son ami Alex l’impression qu’ils pourraient aller plus loin. Aux anges de réaliser son compagnon jaloux, ses yeux pétillent désormais d’un amour décuplé et elle ne pense plus à rien ni à personne…

 

~ Creep — Radiohead ~ 

 

You’re just like an angel. // Tu es comme un ange.

Your skin makes me cry // Ta peau m’envoûte.

You float like a feather // Tu flottes telle une plume.

In a beautiful world // Dans un monde merveilleux

De son point de vue, Joakim se sent énervé, stressé, alors qu’il continue d’échanger de nombreux baisers avec sa rousse. Il la désire ardemment, mais ressent désormais une sorte d’aigreur pour ce bien-être…

But I’m a creep // Tu me fais ramper.

I’m a weirdo. // Je suis un mec bizarre.

Pour la toute première fois de sa vie et par son unique faute à elle, il a ressenti un vif sentiment de jalousie vis-à-vis d’un ami et cela lui a fortement déplu. « Ces âneries ne lui ressemblent pas et ne doivent pas se reproduire. »

What the hell am I doing here? // Putain de merde, qu’est-ce que je fous là ?

I don’t belong here // J’ai rien à foutre ici (avec elle).

« Cela n’est pas logique qu’il réagisse ainsi. » Personne ne doit empiéter dans ses pensées ! Il refuse cette étrange et agaçante sensation de possession ! Il ne veut pas ressentir cela ! Cela ne lui ressemble pas.

I don’t care if it hurts // Et j’men fous si je blesse.

I want to have control // Je veux avoir le contrôle

I want a perfect body. // Je veux un corps parfait.

I want a perfect soul // Je veux un esprit supérieur.

Personne ne doit perturber son esprit ! Il doit garder le contrôle sur tout et tout le monde, en conservant son statut de maître de l’échiquier ! Les autres, les figurants, y incarnent les pions. Il dirige et eux suivent ! Pas l’inverse !

Et pourtant… Aujourd’hui…

You’re so fucking special // Tu es unique.

Cette fille l’a rendu jaloux. Cette idiote qui s’accrochait bêtement à lui a réussi l’exploit de lui retourner l’estomac quand il a entendu son prénom dans la bouche de l’un de ses amis !

Furieuse, sa main gauche remonte vers l’épaule de sa diablesse tandis que sa droite continue de lui caresser les fesses. Il la déteste de l’obliger à lui donner de l’intérêt, de lui donner envie de la garder auprès de lui, de le forcer à la désirer ainsi, alors que, bordel, elle ne peut pas lui plaire ! Sa personnalité ne peut le séduire ! Il ne supporte habituellement pas les princesses pimbêches et idiotes ! Pourquoi ne peut-il donc plus s’arrêter de lui dévorer les lèvres, pourquoi… ?

But I’m a creep…

I’m a weirdo…

What the hell am I doing here ? …

I don’t belong here, oh oh, oh oh…

Elle lui glisse tendrement ses mains dans le dos, avec délicatesse, car cette crétine sait qu’il souffre et elle prend soin de lui ! Il la méprise d’agir ainsi, parce qu’il refuse de s’attacher ! Il ne veut pas apprécier l’écouter jacasser, rire aux éclats près de lui, ou simplement la regarder sourire ! Pourquoi aime-t-il tant la voir heureuse à ses côtés ? Pourquoi ne souhaite-t-il que son bonheur en ne désirant que la protéger ? Ces conneries le dégoutent, l’ulcèrent !

Il se juge pathétique et interrompt leur baiser pour la dévisager de haut en bas, d’une façon bienveillante qu’il déteste profondément. Pourquoi plonge-t-il désormais son regard dans le sien d’un air doux ? Elle l’énerve ! Il se trouve lamentable. 

Minable quand il réalise que cette folle agaçante lui plaît, alors que cela ne pouvait arriver ! Frustré, il lui souffle :

— Il va falloir que j’y aille. Je dois retourner récupérer ma moto avant de rentrer.

— Tu penses que tu sauras la conduire dans ton état ? s’inquiète-t-elle, sceptique.

—  Il faudra bien. 

— Ton œil est encore bleu, attends.

Elle termine sa phrase en fouillant dans sa trousse à maquillage pour chercher un fond de teint de sa carnation. Délicatement, elle lui en applique afin de dissimuler le plus de traces de bagarre possible, tandis qu’il garde ses mains dans ses poches, l’air nonchalant, indifférent. Il se retient de la prendre de nouveau dans ses bras, car cette comédie doit cesser. Il ne veut plus de ces conneries !

— OK, merci, ronchonne-t-il alors qu’elle lui dépose un doux baiser sur le bout des lèvres.

Il grimace et récupère sa chemise ainsi que sa veste sur le dossier de la chaise de sa coiffeuse. Frustré, il commence à se rhabiller. Sa mauvaise humeur ne redescend pas et il espère qu’elle lui donne vite une raison de la trouver stupide et détestable.

— Je vais t’accompagner à ta moto avec la voiture de ma mère. Elle ne travaille pas aujourd’hui.

— Pas la peine, je vais y aller en taxi.

— Oh… OK ! lui soupire-t-elle alors qu’il enfile ses chaussures pour se préparer à partir.

Elle revient rapidement vers lui pour un dernier baiser qu’il ne peut s’empêcher d’accepter. Souriante, elle lui demande ensuite de l’appeler dès qu’il arrive chez lui pour la rassurer. Épuisé par ces émotions récentes, étranges et désagréables, il lui lâche un « on verra », avant de disparaitre de son appartement. Il n’en peut plus. Son cerveau va imploser ! Pourquoi pense-t-il encore à elle en entrant dans l’ascenseur pour s’en aller ? Stop ! Ces futilités incompréhensibles doivent cesser !

De son côté, Trisha revient dans sa chambre, déçue de ne pouvoir passer son samedi avec lui. 

~ 082 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Une heure plus tard, Joakim lit une bande dessinée à son cadet, chez eux, dans le petit salon de leur premier étage. Son frère lui a manqué et le retrouver lui permet de se recentrer sur l’un des piliers de sa vie.

Alors qu’il lui raconte un passage où un monstre affronte une équipe de superhéros, il s’intrigue de son visage pâle et fonce alerter ses parents de ses inquiétudes. Ceux-ci ne partagent pas son angoisse et lui apprennent en riant que « les jumeaux dormaient après minuit, la veille, pour finir Prison Break ! »

Réconforté par ces paroles, il revient donc vers son cadet, mais cette fois avec l’annuaire de son lycée de l’année dernière. Il vient de repenser à un élément sombre de l’affaire Joey et souhaite l’éclairer. Alarich lui sourit dès qu’il s’installe de nouveau sur le canapé blanc du petit salon, près du grand aquarium du premier. Il a hâte que son aîné reprenne l’histoire des super-héros, mais le livre qu’il ouvre désormais ne lui rappelle pas le précédent. 

— Phoooo-o ! clame-t-il alors que son frangin le feuillette.

Son expression apaisée disparait quand Joakim arrive sur la page de la classe de Mickaël Davis pour pointer du doigt le concerné.

Stressé, l’adolescent brun lui agrippe nerveusement le bras. Il semble terrifié, mais reste muet. Il ne veut pas se plaindre, mais son grand frère comprend immédiatement la terrible erreur commise ; et qu’il prévoit de réparer au centuple…

 

*

 

Quelques heures plus tard, en début d’après-midi et après un brunch en famille, sur leur terrasse et devant leur piscine, l’aîné de la fratrie Bauer revient dans sa chambre et se surprend à passer un coup de téléphone :

— Salut ! Je suis rentré et je vais me coucher. Et toi ?

— Oh, tu m’appelles à quatorze heures ! s’exclame sa rouquine d’une voix enjouée et pétillante. Je suis trop heureuse que tu sois sérieux ! J’avais peur que tu ailles faire le fou avec les autres alors que tu as encore besoin de repos ! Tu as repris un cachet ? 

— Oui, oui. Et toi, que fais-tu ?

— Eh bien, je voulais rejoindre Amy en ville, mais j’ai la flemme, car elle va retrouver la bande.

— Ne le fait pas alors, ronchonne Joakim en s’installant sur son lit. Tu as qu’à rester là.

— En appel jusqu’à ce que tu t’endormes ? taquine Trisha, émoustillée et ravie.

— Tu parles trop… soupire son petit ami dans un souffle qui réprime la douleur qu’il ressent au niveau de sa côte cassée.

— Tu as encore mal ? s’inquiète immédiatement sa rouquine, ça ne va pas mieux, du coup ?

— Pendant le brunch, la crétine n’a rien trouvé de mieux à faire que rigoler en me mettant un coup de coude au pire endroit.

— Oh merde ! Tu as dû avoir trop mal sur le coup, j’espère que tes parents ne se sont pas étonnés que tu gueules de douleur !

— Je suis maître dans l’art du camouflage.

— Dis celui qui a couiné pendant deux jours !

— Quand je te dis que tu parles trop…

Stressé, il se retient de rire et d’éprouver de la sérénité à ses côtés. Il se sent soudain en colère pour cet appel, parce qu’il ne doit plus la laisser empiéter sur son esprit… Frustré, il pose son téléphone sur l’un de ses oreillers et sa tête sur un autre pour pouvoir se détendre en écoutant cette voix craquante, mais stupide, qu’il adore, mais qui l’énerve. Elle va discuter de tout et de rien, de sujets féminins ou d’actualité, en passant par des blagues ou des envies d’achats, car telle robe est en solde ici ou là, tandis que cette paire de chaussures l’attend dans tel magasin ! Elle ne doit pas l’oublier et ira donc la chercher dès demain, mais, en parallèle, elle trouve qu’elle a grossi, sans parler du fait que sa nouvelle photo Instagram rend vachement bien et machin dans sa série du moment exagère ! Elle le déteste et Amy approuve son avis, d’ailleurs ! Joakim s’assoupit à ce moment-là et sa rousse le réalise lorsqu’elle perçoit un léger ronflement : 

— Je t’embrasse, dors bien ! lui sourit-elle tendrement en s’allongeant elle aussi sur son lit.

Elle va scroller ses réseaux sans un bruit pour ne pas réveiller son compagnon. Tant pis pour Amy et la bande, elle ne sortira pas cet après-midi !

~ 083 ~

Temps de lecture : 3 minutes

 

*

 

Le lendemain, au lycée, Trisha flotte encore sur un nuage. En effet, elle a retrouvé son petit ami ici et il ne semble pas redevenu désagréable et indifférent !

La preuve ! À l’heure de la pause de la matinée, quand elle se rapprochait de sa table pour discuter, passer du temps avec lui, il l’a soudain attrapée pour la faire tomber sur ses genoux. Il l’a ensuite prise délicatement dans ses bras !

Sans un mot ni un sourire cependant « Il ne faut tout de même pas trop lui en demander dans le registre du romantisme ! » songe-t-elle, désormais lovée contre lui, amusée et émue.

La transformation de son compagnon la surprend et lui plait énormément. Son cœur bat la chamade et son amour pour lui continue de décupler !

Elle se sent heureuse et comblée alors qu’il lui parle de son crew et de sa moto. Il prévoit d’augmenter la puissance de son moteur — ou quelque chose dans le genre, elle n’a pas tout saisi du sujet . Terriblement éprise, ravie de ce partage, elle lui caresse tendrement le visage.

Leur camarade commun, Alex Taylor, passe devant la salle à ce moment-là, arrête ses pas et réalise vite la situation. Profondément humilié par son comparse, la veille, au téléphone, il souffre encore plus de constater la rouquine sur les genoux de celui qui la décevait tant, soi-disant.

Il les observe en silence et avec dégoût, alors qu’il réfléchit au comportement de celui qui ne s’attache normalement pas aux femmes.

« Il agit pourtant aujourd’hui comme quelqu’un en couple… » songe le brun, suspicieux.

Blasé, il hausse les épaules car il ne peut croire en la sincérité de cet ami dont il connait la nature dominante. Il se persuade que celui-ci protégeait ses plates-bandes par égo, la veille, sans ressentir quoique ce soit pour Trisha Hill. Il sait bien que son comparse se moque de la jeune fille et apprécie juste la posséder. 

Devant lui et entre deux baisers, Joakim propose à sa rousse, dans un discret chuchotement, de l’accompagner à la prochaine soirée de Kristofer. L’invitation s’échappe de ses lèvres et, avant même qu’il ne la retire, terrifié par sa bévue, sa diablesse l’accepte en l’embrassant de nouveau.

~ But I’m a creep… ~

— Oui, Alex ? envoie-t-il soudain en direction de son comparse toujours planté à l’entrée de la classe.

Trisha en sursaute de surprise et se dépêche de lancer à l’espion brun :

— Coucou, toi ! lui sourit-elle joyeusement en pivotant la tête dans sa direction. 

— Je passais dans le couloir et je voulais juste faire signe, réplique leur ami commun, mais je vois que vous êtes bien occupés, alors on se voit plus tard, ciao !

Il tourne aussitôt les talons pour détaler, mais refuse toujours de donner la moindre crédibilité à ce couple ridicule tant la scène à laquelle il vient d’assister lui semble surnaturelle ! « Trisha Hill se cassera bientôt les dents, mais ça sera mérité, car tout le monde l’aura prévenue de son choix catastrophique en matière de compagnon ! »

L'Améthyste

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