~ 066 ~

Temps de lecture : 5 minutes

 

*

 

Furieuse, elle ne laissera pas passer ce comportement odieux ! Un coup d’œil sur son iPhone lui permet de constater l’heure et de décider de se rendre illico chez son compagnon pour le voir en personne !

Elle arrive devant la demeure Bauer vers vingt heures dix avec une certaine appréhension dans laquelle se mélange un peu de honte, saupoudrée par une évidente angoisse. « Zut, pourquoi n’avait-elle écouté que sa colère et sa rancœur ? Sortir ainsi avec rage alors que sa mère l’a prévenue que son idée restait ridicule et impolie vis-à-vis des parents de son petit ami ? Ils dinent peut-être tous en famille actuellement et la jugeront surement très négativement pour sa venue à l’improviste… »

Elle trépigne face à la maison aux grandes baies vitrées, sans oser descendre les quelques marches devant elle, malgré qu’elle entende de la musique alternative se diffuser : il y a quelqu’un à l’extérieur ! Sur la terrasse en contrebas ! 

Motivée de réaliser cela, elle pénètre dans la salle de danse d’Erika pour l’y trouver en tenue de sport. La jeune fille en soupire de soulagement, moins honteuse que si les parents de son petit ami la surprenaient trainer devant chez eux.

— Coucou, Erika ! lance-t-elle très vite en arrivant vers l’adolescente qui bondit soudain dans sa direction.

— What the fuck, Trisha ? Qu’est-ce que tu fous là ?

— Bonjour, d’abord ! Enfin, bonsoir ! Je… comment dire…

— Il n’est pas encore rentré, il doit être chez Kristofer ! lui apprend d’une traite son interlocutrice avec assurance. Vous aviez rendez-vous et il t’a posé un lapin ?

— Du tout… Je voulais juste le voir.

— Je vois… Hum… Évite à l’avenir ce genre de visite imprévue, il déteste ça ! Alors du coup, je ne lui dirais rien, pour ta survie. Fais de même !

— Vraiment ? grince la jeune fille rousse, blessée. Je ne suis pas n’importe qui, quand même…

Son cœur se serre puis elle reprend, d’un air bougon, mais également avec une infinie tristesse :

— Je sais ce que tu penses de moi… Et, comme tu peux le voir, oui, je me suis accrochée… Malgré tes paroles… Et tu penses que je n’aurais pas dû…

— Uuuuhhh… Je sais que j’ai été un peu méchante avec toi, la dernière fois. Alors, je te présente mes excuses ! renvoie Erika avec un petit sourire penaud et taquin. Je voulais surtout l’embêter, lui, parce qu’on venait de se disputer pour une broutille. Ce n’était vraiment pas contre toi ! Par contre, je dois m’entrainer avant qu’on passe à table, alors tu dois filer ! Déso ! 

— Il n’y avait donc pas le moindre soupçon de vérité dans tes paroles ? Vraiment ? Reprends la rouquine avec suspicion et intérêt, tu peux me le dire, tu sais, ça ne changera rien à ma relation avec lui, alors s’il y a quelque chose que je dois savoir, s’il te plait…

Son interlocutrice l’interrompt pour lui clarifier la situation :

— En fait, je n’ai jamais vu de filles entrer réellement dans sa vie. C’est la seule chose que je voulais dire, de façon très maladroite, je te l’accorde, mais cela ne veut rien dire, ne t’inquiète pas ! Tu es peut-être la bonne, qui sait ? Je n’ai simplement pas l’habitude, moi, en tant que sœur, de le voir dans une relation sérieuse. Alors, surprends-moi !

La rouquine sourit et reprend espoir suite à ces paroles qui lui réchauffent le cœur. Elle se sent soudain très heureuse. Ragaillardie. Son côté enjoué revient au galop :

— On va essayer, alors ! Du coup, tu ne saurais pas où habite Kristofer, toi ?

— Oh mon dieu, tu veux aller là-bas ? Je t’ai proposé de me surprendre, pas de te suicider… s’esclaffe l’adolescente brune.

— Mais je gère, ne t’inquiète pas pour moi !

— Il vit à Long Beach, je peux t’écrire l’adresse, si tu veux !

— Ça sera parfait ! Merci, merci ! Tu es géniale ! s’extasie de joie Trisha, aux anges.

— D’accord, je te fais ça, sourit la danseuse en attrapant une feuille de papier et un stylo dans son sac à dos posé près de sa chaine hifi. Par contre, je ne te demande qu’une seule chose en retour de ce service : c’est de ne JAMAIS lui dire qu’il vient de moi.

— Comment ça ? En quoi est-ce que cela est un crime ?

— Parce qu’il ne me l’a donnée qu’en cas d’urgence, s’il se passe un truc grave à la maison, quand nos parents sont absents. J’ai interdiction d’y aller, sauf s’il est question de vie ou de mort. Je dois aussi m’abstenir de divulguer cette adresse à quiconque… 

— Oh là là, le casse-pieds, je ne vois pas en quoi il fait un tel monde de l’adresse de son pote !

— Ah bah ça, c’est Joakim, tu te rendras vite compte qu’il est très secret. Comme là, ce soir, mes parents croient qu’il bosse un projet pour le lycée, chez un pote ! Il n’y a vraiment qu’eux pour être aussi aveugles à son sujet !

— En tout cas, merci encore, tu es adorable ! sourit Trisha en récupérant l’adresse écrite sur un bout de papier, par son interlocutrice.

— De rien, c’est ma façon de me faire pardonner pour ma méchanceté à ton égard ! Mais je compte sur toi en retour pour ne pas me balancer, car je suis à l’aube de ma vie et j’aimerais vivre encore quelques années de plus !

~ 067 ~

Temps de lecture : 2 minutes

 

*

 

Vingt minutes plus tard, grâce à Erika, Trisha paie son taxi et en descend devant une luxueuse maison moderne avec piscine, sur les hauteurs de Long Beach, qui donne sur l’océan. La vue magnifique intrigue la rouquine sur la position sociale du fameux Kristofer. 

Alors qu’elle s’approche avec appréhension de la demeure, elle perçoit rapidement de la musique, des bruits de rires ainsi que des cris, qui s’en échappent. « Il y a l’air d’avoir ici une sacrée soirée ! » Elle en ressent de l’aigreur tandis qu’elle appuie sur le bouton de la sonnette, tout en serrant un peu plus contre elle son trench. Le mercure semble plus bas que d’ordinaire, cette année, à Los Angeles. L’hiver s’annonce plus rude qu’à l’accoutumée ! La faute à l’auteur de leur avoir porté la guigne lorsqu’il vantait leur température en début d’histoire.

En attendant que quelqu’un vienne lui ouvrir, elle jette quelques coups d’œil à travers la porte vitrée, pour constater Kristofer au loin, devant un bar. Il semble occupé à la confection d’un cocktail et affiche un air affreusement malheureux. 

Et pour cause, Shane n’a toujours pas montré le bout de son nez, ce soir. Il en déprime donc terriblement et offre une humeur massacrante à quiconque ose lui adresser la parole.

La sonnerie qu’il entend l’énerve donc au plus haut point, car il sait que cela ne peut être l’homme de sa vie… Il serre les poings et songe à fumer un nouveau joint, après qu’il ait ouvert à ce « putain de retardataire qui ne sera plus jamais invité, bordel ! »

~ 068 ~

Temps de lecture : 3 minutes

Il s’esclaffe alors qu’il la reconnait devant chez lui. Il croit rêver !

Pris d’un incontrôlable fou rire, il lui ouvre rapidement la porte et crie le nom de Joakim, avant de repartir d’où il vient. Il pouffe alors qu’il remarque son comparse arriver à son tour vers une idiote qui retire tranquillement son trench pour entrer.

Trisha ne relève pas que l’hôte de la demeure ne l’ait pas saluée, car trop occupée à s’horrifier de voir son petit ami se rapprocher d’elle en titubant. Il a l’air aussi saoul que tous ces gens qu’elle aperçoit rapidement tout autour de lui…

Jamais encore elle n’avait vu un pareil lieu de débauche et c’est avec dégoût qu’elle toise chaque convive ; des hommes et des femmes, parfois complètement nus, en train de danser, se tripoter, se bécoter, et même forniquer sur un canapé, au fond de la pièce…

— Heeeeeey, toi, qu’est-ce que tu fais là ? rit Joakim, en se jetant maladroitement sur elle.

Il la plaque ensuite contre le mur le plus proche, un sourire vicieux peint sur le visage :

— Je t’ai manqué, c’est ça… Tu n’étais plus rien sans moi… 

Susurrant ces mots, il lui embrasse sensuellement le cou tout en la poussant dans un coin pour continuer là-bas à la caresser de toute part, avec frénésie et perversion.

— C’est donc ce que tu fais quand tu me raccroches au nez, lui renvoie-t-elle avec aigreur.

Son visage se crispe et elle se dépêche de maintenir sa jupe pour l’empêcher de la lui arracher. Furieuse, elle fronce aussitôt les sourcils et voit rouge :

— Lâche-moi Joakim, si tu t’es imaginé que tu allais me sauter au même titre que toutes ces putes, tu t’es foutu le doigt dans l’œil ! Tu empestes l’alcool, en plus ! 

— Tu es encore plus sexy quand tu t’énerves… ajoute un petit ami qui l’a profondément déçue ce soir.

Elle le repousse vivement alors qu’il glisse sa main droite entre ses cuisses en se passant la langue sur la lèvre supérieure. Son air lubrique lui file la nausée. 

— T’es vraiment qu’un gros con ! Je me tire ! Ça vaut mieux ! s’écrie-t-elle en fuyant cette demeure honteuse.

Cet endroit malfaisant empli de dépravés ridicules !

Folle de rage, elle s’éloigne rapidement en remettant son trench, avant d’appeler un taxi pour rentrer chez elle au plus vite.

Sa déception est à son paroxysme, car jamais elle ne l’aurait imaginé tomber si bas ! Lui qui, sous ses airs de jeune homme intelligent, génial et intrigant, qui lui plaisait terriblement, n’est finalement qu’une pathétique épave, un type banal et sans intérêt ! 

L'Améthyste

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