~ 060 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

En parallèle et avant le début de leurs cours, au Los Angeles Highschool, Joakim discute avec Hajer, dans un couloir isolé de toute éventuelle oreille indiscrète.

Il doit rappeler à son camarade de « calmer le jeu avec l’écriture » pendant un moment. D’oublier un peu sa passion, devant ses amis, du moins. Par chance, les seuls au courant de sa présence à Black Coat Press, le jour de l’incendie, ne peuvent représenter une menace : Aïdan Brown ne regarde jamais les infos. Il ignore donc surement tout de l’histoire de la maison d’édition brulée, quant à Noah Beckers, sa loyauté envers ses proches assure qu’il gardera le secret s’il se doute de quoi que ce soit. Joakim en reste certain.

— Et Alex… ? bégaie Hajer en pâlissant à vue d’œil.

« Non ». Joakim réconforte son comparse. Leur collègue de Crew ne tentera rien contre lui, s’il se souvient de certains éléments. À condition qu’ils affichent l’attitude pour. Hajer hausse les sourcils, d’un air intrigué. « Que veut dire son camarade ? »

— Se comporter normalement, agir normalement, comme si de rien n’était, ne pas éveiller de soupçon, lui répond-il avec sang-froid. Sois juste naturel et, comme je te l’ai dit avant, ne parle plus d’écriture à qui que ce soit. Si Alex doit avoir un doute, il doit l’oublier et se rappeler que tu es son pote au quotidien, celui avec qui il fait du Breakdance et des parkours.

Hajer se sent mal. L’idée de laisser un innocent croupir en prison par sa faute lui dévore les entrailles et lui déchire le cœur. « Il ne peut pas ! » Lui qui ne supporte pas l’injustice, n’accepte pas de détruire ainsi l’existence d’un pauvre type qu’il ne connait même pas ! Il songe à se rendre. « Il doit aller en taule à la place de Sanders ! »

Joakim s’exaspère de ses répliques et lui ordonne d’arrêter ses idioties, car il a désormais envie de lui coller une beigne qui lui apprendrait la vie. « À ce bon à rien qui pouvait déjà s’estimer heureux de l’avoir pour allié, pour nettoyer la merde laissée derrière lui. »

— B.Bon… bon à rien… ? balbutie Hajer, les larmes aux yeux, choqués par ses paroles blessantes.

— Ne t’inquiète pas pour Sanders, c’est loin d’être un enfant de chœur, souffle Joakim avec lassitude et sur une pointe d’agacement. Tu as fait une connerie et je t’ai lavé le cul, mais maintenant tu ne dois pas tout foutre en l’air. Alors, tu oublies cette histoire et tu te fourres ta fausse culpabilité là où je pense.

« Parce que, pour l’instant, tu vois, je suis de ton côté. Tu es mon pote, et je t’aiderais toujours. Tu le sais qu’il ne t’arrivera jamais rien de mal avec moi. Mais je te promets que, si tu continues de m’emmerder et de me mettre des bâtons dans les roues, tu regretteras de ne plus être mon allié. »

— Qu’est-ce que tu veux dire par là …? blêmit tristement Hajer, sous le choc de la tirade.

Sa sensibilité en prend un coup. Un violent, même. Son palpitant se serre alors qu’il songe que son comparse en est dénué, pour lui parler ainsi sans ressentir sa détresse…

— Tu es mon ami, assure Joakim d’une voix plus douce. Mais ressaisis-toi et efforce-toi de discerner par toi-même ce qui est dans ton intérêt et ce qui ne l’est pas. Joey Sanders ne mérite pas que tu détruises beaucoup de choses pour sa gueule, je te le promets. Alors, crois en moi et fais ce que je te dis.

Hajer en déglutit de douleur et d’impuissance, tandis que son interlocuteur l’informe qu’il s’éloigne, mais qu’il revient bientôt. Il affiche désormais un sourire amical après l’avoir traité aussi durement. L’écrivain brisé lui en veut tout en ne lui reprochant rien, car il réalise qu’il a raison… 

Il sent son système digestif tout entier se tordre alors qu’il songe qu’il doit laisser un innocent tomber pour sa pomme…

« Qu’Allah lui pardonne. » Il décide finalement de suivre Joakim et d’oublier définitivement cette histoire.

~ 061 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

*

 

Joakim visait juste. Son ami Alex visionnait en effet les infos le soir où la Californie apprenait l’incendie de Black Coat Press, mais cela ne lui procurait qu’un étrange sentiment de suspicion et de dégoût. 

Il cherche à présent Trisha au lycée, avec un air sceptique peint sur le visage. Si Hajer, aidé par Joakim, pouvait bruler une maison d’édition réputée, il comprenait que la rouquine devait s’éloigner de celui qui, par ses actions malveillantes et sa mentalité, ne saurait jamais la rendre heureuse. « Joakim est un bon pote, mais certainement pas un conjoint décent. »

Il ne prononcera pas les mots de cette façon devant la jeune fille, préférant d’abord prendre gentiment la température de son couple afin de s’enquérir de son éventuel épanouissement dans sa relation…

Celle-ci se braque immédiatement, exaspérée d’entendre constamment qu’elle et Joakim ne peuvent pas former une union saine et équilibrée. Après Amy, qui lui trouve tous les défauts du monde et Noah qui préconisait de ne pas s’attacher à lui… Voilà qu’un autre camarade vient lui recommander de rompre ! 

Alex comprend sa réaction et s’excuse pour ses paroles, tout en les justifiant par le fait qu’il craint que son collègue de Crew ne lui brise le cœur, parce que Joakim « n’est pas ce qu’elle pense ». Lui qui ne s’officialise jamais et considère les femmes comme des plans cul. Elle doit le savoir, elle qu’il apprécie pour sa droiture. « Elle mérite un mec bien. »

Dans un monde idéal, elle le choisissait pour compagnon, à la place de Joakim,  car elle lui plait depuis le début de l’année… 

Trisha le remercie chaudement de sa sollicitude, de son affection et de son désir de soutien quand il l’imagine malheureuse en amour, tout en le tranquillisant rapidement :

— On est bien ensemble, je t’assure. 

— Vous ne faites pourtant pas grand-chose, tous les deux, rappelle le brun à son interlocutrice et amie, alors que, si mes souvenirs sont bons, tu étais souvent avec ton ex. Non ?

— Ce n’est pas vrai, Joey était beaucoup avec son équipe ! 

— Ah ouais ? Tu es sûre ? Moi, je crois quand même me souvenir que tu le voyais quand même tous les jours, lui ! Et sachant que Joakim ne vient pas toujours au lycée… Bref, je ne l’imagine pas du tout t’envoyer des SMS le soir, ou t’appeler. Je me trompe ?

Alex rit. Visualiser son camarade dans le rôle du compagnon idéal l’amuse, tant l’image lui semble ridicule et impossible. 

— T’es pas sympa, souffle tristement Trisha, en fronçant les sourcils dans un mélange de dépit et de colère. Je te dis que je suis bien avec lui, et tu continues d’essayer de me faire douter de lui. C’est dégueulasse… 

— Je tiens à toi, et je ne veux pas qu’il te brise, lui murmure son interlocuteur et ami dans le creux de l’oreille. Du coup, si tu es heureuse, ça me va. Si tu as besoin de parler de quoi que ce soit qui pourrait t’affecter, comme ce qui arrive à Sanders, je suis là pour t’écouter.

— Je suis triste pour lui, mais il a essayé de se servir de moi pour s’en sortir, du coup, je me fiche de ce qui peut lui arriver, reprend-elle d’un air gêné en le repoussant doucement.

Elle rougit de leur proximité et de son souffle chaud dans son cou. Quelques regards à droite et à gauche la rassurent sur le fait que personne ne les observe : elle ne souhaite pas que Joakim ressente, à tort, un éventuel sentiment de jalousie devant une scène pareille !

— T’inquiète, il est en bas avec Hajer, rit Alex avant de se préparer à tourner les talons pour s’éloigner. Du coup, je te laisse, mais on se revoit à la pause !

Il sourit et détale à grandes enjambées, tandis qu’elle se dirige vers sa propre salle de cours en espérant y retrouver rapidement son compagnon.

De son côté, Alex reste dépité de la réaliser accro à son comparse Drifterz. S’il n’appréciait pas autant Hajer et Joakim, il aurait pu les faire tomber tous les deux, pour la récupérer. « Parce qu’il n’est pas dupe devant cette histoire de maison d’édition cramée ! Il la voit d’ici le scénario, lui ! Le neuneu du Crew a pété les plombs en brulant Black Coat Press, avant d’appeler Joakim à l’aide, car terrifié à l’idée de finir en taule ! » Les mains profondément enfoncées dans les poches, Alex soupire en espérant qu’un jour, Joakim lui sauvera aussi la mise ! « Pour ne pas être bon qu’à lui piquer des meufs ! » Il se remémore ensuite que l’an dernier, son comparse proposait à son père un nouvel emploi, une semaine après son licenciement… Trop heureux pour son paternel, Alex n’avait pas cherché à comprendre comment il lui avait déniché ce poste. Il en soupire désormais encore plus, blasé de se souvenir que celui qu’il juge très négativement aujourd’hui reste un incroyable allié sur qui l’on peut toujours compter…

~ 062 ~

Temps de lecture : 2 minutes

Déçue, Trisha ne trouve pas son compagnon assis devant sa liseuse. Il ne va sans doute plus tarder, elle l’espère, tandis qu’elle remarque que le meilleur ami de son ex arrive vers elle pour la saluer, armé de son plus chaleureux sourire :

— Hey ! Poil de carotte ! Ça fait longtemps !

— Ah bon ? On se croise pourtant tous les jours, ironise la rouquine qui n’affectionne pas vraiment son interlocuteur. Tu voulais me dire quelque chose ? Et puis arrête de m’appeler comme ça.

— J’ai été voir Joey…

— Cool, ça a dû lui faire plaisir !

— Et je me demandais si ça te disait de venir, toi aussi. Il a demandé après toi…

— Non merci. Tu lui diras que je n’ai pas du tout apprécié qu’il se serve de moi pour se sortir de sa connerie. Il me dégoûte et je ne veux plus avoir affaire à lui, à vous…

Trisha se sent furieuse. Ses sourcils froncés le prouvent, ainsi que son regard qui esquive celui du brun qu’elle tolère de moins en moins.

— On pense qu’il a été piégé, tu sais… balbutie timidement Mickaël en cherchant ses mots, et c’est de ça dont on voudrait discuter, tous les trois…

La rouquine soupire, désabusée, mais n’a pas le temps de se pencher sur sa question que Joakim surgit soudain pour l’enlacer en soufflant à son interlocuteur qu’il devait se tromper de salle de cours… La sienne se situe deux étages plus haut. Sa petite amie se love amoureusement dans ses bras et se hâte de l’embrasser, ravie, heureuse, aux anges. Le jeune brun prend congé sans rien ajouter de plus, l’air honteux et gêné par le regard de son collègue de crew qui le fusille sur place. 

Entre deux baisers avec sa rousse, Joakim comprend qu’il revenait à temps et qu’il devrait, à l’avenir, garder un œil sur le Drifterz le plus insignifiant, selon lui. « Cet abruti reste en effet très proche de la cible abattue… »

L'Améthyste

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