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Temps de lecture : 4 minutes

 

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=== 17h00… ===

Étant enfin réveillée et pour l’instant stabilisée, les médecins de la jeune Erika ramenaient l’adolescente dans une chambre personnelle afin que la concernée puisse s’y reposer plus sereinement, tout en recevant des visites dans de meilleures conditions. Son état, pour l’instant stationnaire car aucun diagnostique n’avait encore été établi, restait surveillé en permanence par des rondes de médecins et si besoin, la jeune fille serait remise en soin intensifs dans la minute.

Encore un peu groggy et très faible, l’adolescente s’occupe en écoutant les nombreux messages de ses amis sur la boite vocale de son téléphone portable. Les larmes lui montent très vite aux yeux et elle s’empresse de renvoyer des textos à tout ce petit monde, le cœur gonflé de joie de se rendre compte que tant d’amis semblaient là pour elle, dans cette épreuve.

Son père sera à ses côtés une demie heure plus tard et après qu’il ait eu la peur de sa vie en réalisant la chambre de soins intensifs vidée. L’espace d’un instant, le père de famille s’était imaginé qu’un nouveau drame venait de se produire dans sa vie et alors que ses yeux s’emplissaient déjà de larmes, une infirmière arrivait derrière lui pour le prévenir que pour des raisons de convenance, sa fille se trouvait à un étage de là, dans une autre chambre.

 

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17h30…

Dans son état, Hajer perçoit difficilement les hurlements de son père ainsi que les pleurs de sa mère. À demi-conscient, sombrant peu à peu, le jeune homme essaie de réaliser ce qui est en train de se passer sous ses yeux, ce qu’il a lui-même déclenché en se faisant prendre la main dans le sac alors qu’il tentait de piquer quelques billets dans le coffre familial. Tout ceci n’était pourtant pas censé se produire. Jamais, oh grand jamais, ses parents n’auraient dû le surprendre en effet de manque et en train de les voler. Ce ne sont désormais plus des spasmes de douleur dus à l’effet de manque qui le déchirent désormais, mais d’autres de culpabilité, détresse et honte. Si seulement il pouvait disparaître immédiatement dans un trou de souris, pour ne jamais en ressortir…

Mais qu’avait-il donc fait ?! Il fondait nerveusement en larmes en confessant subitement sa responsabilité dans l’incarcération d’un innocent, la tête agrippée entre ses mains, il pleurait comme un enfant en prétendant que depuis l’emprisonnement de Joey Sanders, il sombrait sans pouvoir en parler à personne, de cet odieux secret ; ce n’était que pour cela qu’il avait finalement eu recours à la drogue… Elle lui permettait de survivre. Ses larmes redoublaient et alors que son père ne s’arrêtait plus de lui crier sa déception. Il l’avait tellement déçu !

Comment lui, la grande fierté de sa vie, avait pu tomber aussi bas, comment avait-il pu faire accuser ainsi un innocent ou même les voler pour pouvoir consommer de la drogue afin d’oublier ses mauvaises actions ! Jamais les Riahi ne s’étaient abaissés à tant d’ignominies ! Leur lignée avait toujours été des plus respectable et Hajer les ridiculisait tous ! Où était donc passée sa bonne éducation ?! Ses envies littéraires, son désir de devenir écrivain ?! Où s’étaient donc envolées sa bienséance et ses bonnes manières ?! Avaient-elles toutes disparues pour laisser la place au besoin d’être un malfrat immonde qui se détruisait, volait et accusait injustement des innocents pour camoufler ses propres crimes ?!

L’adolescent n’en pouvait plus et seul le mot « pardon » s’échappait de ses lèvres, en rythme avec ses larmes qui lui trempaient désormais le visage, sa détresse était palpable et sa mère accourait pour le prendre dans ses bras, pleurer avec lui, tout en le réconfortant qu’Allah sauverait son âme, qu’il n’avait pas à s’en faire, tout irait bien, car Allah savait être juste ! S’il méritait son pardon, bien sur, et pour cela, il fallait qu’il se dépêche d’aller avouer ses crimes, il fallait qu’il fasse libérer ce pauvre enfant emprisonné à tort, ajoutait fermement père pour qui seul l’honneur comptait dans la vie.

Hajer devint blanc comme un linge en entendant l’ordre de son paternel et ses larmes se stoppèrent pour laisser place à sa stupéfaction. Ses parents lui ordonnaient de se livrer aux autorités s’il ne voulait pas être renié à la fois par eux, mais aussi par Allah, car il ne pouvait être toléré qu’un Riahi agisse de la sorte, l’adolescent n’avait pas été élevé de cette manière et s’il laissait un innocent pourrir en prison, il serait immédiatement renié. Hajer en tremblait de terreur et son père le rassura alors sur un point, s’il se montrait désormais digne d’intégrité, lui et sa mère feraient tout leur possible pour le soutenir dans sa rédemption. Il ne serait plus jamais seul, et même s’il doit subir une peine de prison, il recevrait autant de visites qu’il lui sera autorisé. Ils ne l’abandonneraient pas à son triste sort, bien au contraire. 

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Temps de lecture : 4 minutes

 

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=== 18h00… ===

 

 

Réalisant sa bêtise lorsqu’elle envoyait balader l’une des personnes qui lui voulaient le plus de bien aujourd’hui, Amy mourrait de honte et le cœur gros, elle s’en allait toquer, fébrile, à la porte de son manager. Elle venait tristement s’excuser auprès de lui, car elle s’en voulait terriblement de l’avoir attaqué de façon assez glaciale, juste parce qu’il avait osé lui dire le fond de sa pensée au sujet de Joakim. Au fond, elle adorait qu’il lui prodigue de très bons conseils, car sous son allure de grincheux, il lui apportait la maturité qu’elle ne possédait pas encore vraiment. Trop jeune pour cela.. Et avant Richard Driver, Amy n’avait jamais eu pour habitude de recevoir l’encadrement réel d’un adulte. Malgré ce qu’elle lui avait craché il y a peu, elle ne voulait pas le perdre et si leur collaboration s’arrêtait aujourd’hui, elle ne s’en remettrait pas… C’est ce qu’elle avait réalisé, en chemin pour l’hôpital et juste avant de tourner les talons pour faire très vite marche arrière.

– Amy ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

He and I had something beautiful // Lui et moi, on avait quelque chose de magnifique
But so dysfunctional, it couldn’t last // Mais tellement bancal, que ça ne pouvait pas durer
I loved him so but I let him go // Je l’aimais mais j’ai accepté de le libérer
‘Cause I knew he’d never love me back // Parce que je savais qu’il ne me rendrait jamais mon amour

– Je.. Je voulais m’excuser pour tout à l’heure, je.. Je suis tellement désolée… Tu avais totalement raison sur toute la ligne et je te promets que je vais faire encore plus d’efforts pour l’oublier!! Je t’en prie, pardonne-moi et ne m’abandonne pas…

 

 

Et je râlerai souvent, parce que j’en ai besoin
Je répéterai bêtement, toujours le même refrain

Je serai capricieuse!
Je serai malicieuse!

– Mais Amy ???  s’interloque Richard, surprit et ému par la détresse de sa petite protégée, – Je n’ai jamais eu l’intention de t’abandonner… Allez, rentre, tu veux boire quelque chose ? Écouter quelques morceaux ? Des clips, un film..

Such pain as this // J’ai tellement mal
Shouldn’t have to be experienced // Une douleur que je n’avais jamais ressentie avant lui
I’m still reeling from the loss // Je suis encore fragile de l’avoir perdu
Still a little bit delirious // Je continue de faire n’importe quoi à cause de ça

– Avec plaisir, sourit Amy en hochant la tête, les yeux emplis de larmes, mais de bonheur, cette fois. 

Near to you, I am healing // A tes côtés, je guéris
But it’s taking so long // Mais ça prend trop de temps
‘Cause though he’s gone // Parce qu’il n’est plus là avec moi

Je suis une enfant chiante
Une enfant délicieuse

And you are wonderful // Et tu es merveilleux
It’s hard to move on // Mais ça reste difficile d’aller de l’avant
Yet, I’m better near to you. // Pourtant, je suis mieux près de toi

Je serai capricieuse
Je suis la malicieuse
Oui je sais je suis chiante
Mais je suis délicieuse

You and I have something different // Toi et moi, avons quelque chose de différent
And I’m enjoying it cautiously //Et j’adore vraiment ça
I’m battle scarred, I am working oh so hard // Je n’aime pas me battre, pourtant je m’acharne pour
To get back to who I used to be //Redevenir celle que j’étais avant lui

Je serai fatigante, te poserai des questions
Idiote et insolente, un vrai petit démon

Near to you, I am healing // A tes côtés, je guéris
But it’s taking so long // Mais ça prend trop de temps
‘Cause though he’s gone // Parce qu’il n’est plus là pour moi

Et quand ça n’ira pas, tu seras responsable
Sache que c’est comme ça, je suis irréprochable

And you are wonderful // Et tu es merveilleux
It’s hard to move on // Mais ça reste difficile d’aller de l’avant
Yet, I’m better near to you. // Pourtant, je suis mieux près de toi

Je suis la capricieuse
Je suis la malicieuse
Je suis  une enfant chiante
Une enfant délicieuse

I only know that I am // Tout ce que je sais c’est que je,
Better where you are // Suis mieux là où tu es
I only know that I am // Tout ce que je sais c’est que je…

Je suis la capricieuse
Je suis la malicieuse

Better where you are // Suis mieux là où tu es…
I only know that I belong // Tout ce que je sais c’est que je sais où est ma place…
Where you are.. //Là où tu es…

Oui je sais je suis chiante,
Mais je suis délicieuse…

(Ps: fuis Richard, fuis! é_è)

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Temps de lecture : 5 minutes

 

 

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=== 18h30… ===

Malgré toute sa bonne volonté et son implication dans la recherche du diagnostique de sa sœur, Joakim se noie autant dans l’incompréhension que les professionnels diplômés qu’il pensait pourtant pouvoir surpasser. Un triste retour à la réalité pour le jeune génie : il n’était pas si supérieur à eux que ça, finalement et ce, même s’il avait su impressionner tout le monde en avalant une bibliothèque entière de bouquins de médecine. L’égo de l’adolescent en prenait un coup. Lui qui s’imaginait qu’en possédant la connaissance, l’on pouvait tout obtenir et accomplir, se rendait compte qu’il avait peut-être tort à ce sujet, puisque l’on pouvait apparemment tout savoir sans pour autant être capable de mettre un nom sur une maladie, un traitement.

Au rythme où l’état de santé de sa sœur se dégradait, la concernée n’avait plus une semaine à vivre désormais. Nullement naïf, Joakim savait bien que le pire arriverait dès que le corps de sa cadette ne pourrait plus assimiler tout ce qu’on lui faisait subir pour tenter de la soigner à tâtons. Elle n’en avait plus pour longtemps.

Bien conscient de cela, Joakim ne va pourtant pas la voir et ce, malgré que l’adolescente puisse facilement recevoir des visites, dans sa chambre personnelle. Le jeune homme ne pouvait se résoudre à se présenter devant sa cadette tant qu’il ne pouvait lui annoncer qu’elle serait sauvée. Il n’en avait pas le courage. Il ne voulait plus voir son visage tant qu’il ne serait pas certain qu’il le verrait encore en vie dans une semaine et ce même s’il était le premier à penser qu’il fallait toujours faire ses adieux aux mourants, tant que l’on le pouvait encore. Borné, il refusait de se dire que dans quelques jours, elle mourrait réellement sans qu’il n’ait rien pu tenter. C’était impensable. Inconcevable. Il allait trouver un moyen, il le devait.

Sous ses airs calmes et assurés, il perdait pied et entrait très vite dans une spirale dépressive, nourrie par cette peur terrible de « ne pas y arriver ». À côté de quoi passait-il donc pour ne pas réussir a faire la lumière sur ce qui tuait sa soeur à petit feu ? Il y avait forcément un moyen de la sauver et même s’il se dissimulait habilement, il pouvait être débusqué ! Joakim le savait et son entêtement décuplait !

Le fait que l’adolescent en soit à ses 48h sans fermer l’œil ne l’aidait clairement pas à se concentrer dans de bonnes conditions, car les nerfs à fleur de peau, l’esprit brouillon, il ne tolérait et n’acceptait plus rien de personne. Il ne se contentait plus que de réfléchir seul, encore et encore.. Inlassablement. Il était forcément passé à côté de quelque chose de crucial et il devait absolument trouver quoi. Se mettant de plus en plus de pression, Joakim portait sur ses uniques épaules l’obligation de sauver sa sœur, car à ses yeux, personne d’autre ne saurait réussir cet exploit. Il ne leur faisait plus confiance, à ces soi-disant diplômés qui avaient, malgré leurs nombreuses années d’études, laissé mourir son frère. Il ne dormirait donc plus tant qu’il n’ait pas trouvé le moyen de sauver sa cadette.

Et ce même si ses « collègues » diagnosticiens lui conseillaient de décrocher quelques heures afin de rentrer chez lui, faire un somme, se relaxer… Son acharnement effrayait désormais, car personne ne voulait le voir s’obstiner pour finir par tomber au sol. Le manque de sommeil était dangereux pour l’organisme et si 48H cela passait encore, au vu de l’entêtement de cet adolescent hors du commun, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il accepte de quitter cette salle autrement que sur un brancard. Un humoriste pourrait passer dans le coin de plaisanter sur le sujet, « Quand des 35h font grève pour exiger de meilleurs salaires, d’autres s’acharnent 7Jrs/7 bénévolement ! »

Borné, Joakim ignorait les mises en garde. Il n’avait pas besoin de dormir ! Ce n’était pas sa vie à lui qui était en danger aujourd’hui ! Alors il resterait et réfléchirait jusqu’à ce qu’il trouve ce qui tue lentement sa sœur. Point.

Devant son sérieux et son implication, le directeur de l’hôpital venait amicalement lui proposer de rejoindre son équipe de diagnosticiens après son bac et Joakim refusait sur-le-champ. Cela ne l’intéressait absolument pas, car ce métier lui sortait désormais par les yeux. Il ne se voyait pas passer sa vie entière à trier des connaissances déjà acquises pour comprendre les maladies de chacun. À la place, il préférait la découverte constante, mais il n’écoutait déjà plus son interlocuteur alors que celui-ci lui annonçait que s’il voulait travailler dans la recherche, il y avait aussi de la place dans le laboratoire de son hôpital. Il était même prêt à payer de sa poche une formation à l’adolescent pour que celui-ci accepte ce travail…

Complètement désintéressé par ces propositions, Joakim se fichait de ce qui lui était offert, car sa bulle d’épanouissement se fissurait un peu plus à chaque instant. En le voyant devenir aussi irritable, exécrable et stressé, il devenait difficile de se souvenir qu’il n’y avait pas 24h, l’adolescent jubilait autant qu’un enfant emmené à Disneyland pour la première fois de sa vie.

Il était clair que plus rien ne plaisait désormais à Joakim et sur son visage, seule la fatigue et l’anxiété pouvaient encore se lire et alors qu’il enchaînait les cafés quasiment les uns après les autres. Il ne devait pas dormir. Il ne devait pas sombrer. Il devait tenir… Jusqu’à ce qu’il ait trouvé.

Hajer Riahi l’appelait soudain sur son téléphone portable et malgré qu’il ne l’ait pas allumé pour avoir un contact avec le concerné, Joakim décrocha tout de même, l’air las et désintéressé,

– Quoi encore ?

– Je… Je.. Je suis désolé de t’ennuyer, mais je dois te parler de quelque chose, et je..

– Tu vas jamais me lâcher à la fin ? Tu ne réalises pas que j’en ai marre de t’avoir sans arrêt collé à mon cul ? Tu ne peux pas aller voir ailleurs si j’y suis, un peu ?

– Ok. Je voulais juste te prévenir que je pars me rendre à la police. C’est le mieux pour tout le m…

– Cool ta vie.

Excédé, Joakim raccrochait dès la fin de sa réplique et son mépris n’en était que plus palpable, décuplé par le fait que depuis qu’il ait rallumé son téléphone, ce ne soit que ce crétin d’Hajer qui ait tenté de le joindre ! Ah pour faire la miss monde qui exigeait toute l’attention de ses semblables, Trisha Hill était douée, mais dès qu’il fallait prendre sur soi et le rappeler plus tard, cela devenait trop difficile à faire pour cette idiote ! Qu’à cela ne tienne, il ne la rappellerait pas le premier, foi de Joakim. Qu’elle aille au diable, elle aussi. Stressé, Joakim ne réfléchit pas à la crédibilité des paroles de son ami Hajer, un surplus d’agacement d’accumulait et il n’était plus en état de se préoccuper de ses crises existentielles.

L'Améthyste