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=== 9 juin, 8h00  ===

Joakim n’a pas dormi de la nuit et lorsque l’équipe de diagnosticiens arrivent dans leur salle de travail pour commencer leur journée, la tête un peu enfarinée par le réveil, comme tous les matins, ils le retrouvent en train de griffonner des calculs sur leur tableau blanc et alors que leur bibliothèque est soigneusement rangée, exactement comme elle l’était avant que le jeune homme ne mette son nez dans leurs nombreux livres de médecine. Joakim avait tout avalé pendant la nuit et désormais, sa petite tête était presque aussi emplie de connaissances théoriques que les meilleurs diagnosticiens du pays. Le visage fatigué de l’adolescent, suite à cette nuit blanche, est cependant animé par une flamme qui impressionne les hommes diplômés. Ce môme semblait à sa place, ici, dans leur salle de recherches et il prenait véritablement son pied à réfléchir avec eux, écrivant sur le tableau blanc de la main gauche, comme un parfait ambidextre, alors qu’au contraire, Joakim avait toujours été droitier. C’était tout simplement incroyable et le directeur de l’hôpital, de plus en plus intéressé par son cas, revenait d’ailleurs traîner de temps en temps dans le couloir parallèle à la salle de recherches pour observer le fameux, petit génie…

 

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=== 9 Juin, 15h00 ===

En ces temps douloureux, Raphael et son épouse avaient deux façons bien distinctes de gérer le drame de la perte de leur fils ainsi que l’attente désespérée de la guérison de leur fille.

Éva se tournait très vite vers les voies du seigneur quand son époux, lui, préférait l’attente inlassable dans les couloirs de l’étage de bureaux, non loin de la salle de diagnostique où s’acharnait encore son fils. Ayant toujours été Athée, il était impossible pour le père de famille de croire qu’une âme divine viendrait à la rescousse de sa fille mais pour son épouse, la prière était encore possible..

Et ce même si la concernée le reconnaissait, enfermée dans un confessionnal avec un prêtre, que sa famille n’avais jamais été pratiquante ni même respectueuse envers le seigneur.

Il fallait avouer que chez les Bauer, l’on ne disait pas les grâces avant de prendre le souper et l’on n’allait jamais à la messe en dehors des mariages et baptêmes. Était-ce pour cela que leur famille était punie aujourd’hui ? Ou alors peut-être que cela pourrait être un châtiment divin pour son adultère…? Eva ne s’arrêtait plus de pleurer dans le confessionnal et l’homme de Dieu en était gêné et attristé. L’air réconfortant, il la rassurait que le seigneur ne trouvait aucun plaisir dans la vengeance et qu’il traitait tous ses enfants de la même manière ; aussi bien les respectueux de l’église que les plus laxistes. Ces paroles eurent un effet apaisant dans le cœur de la mère de famille, mais ses yeux ne s’asséchèrent pas pour autant. Lancée dans ses confessions les plus intimes, elle continuait désespérément de demander pardon pour son pêché le plus capital ; son infidélité. 

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=== 9 Juin, 15h30… ===

Malgré que Joakim n’allume quasi plus son téléphone depuis le drame qui s’est produit la veille, Trisha avait finit par être mise au courant de la situation par le biais de Noah et c’est donc en étant terriblement inquiète qu’elle se presse a l’hôpital pour voir son petit ami en chair et en os afin de s’assurer que moralement, il tenait le coup. Elle voulait être là pour lui et lui rappeler qu’il n’était pas seul dans cette épreuve… Alors qu’une fois de plus, il l’avait exclue de sa détresse, mais elle ne lui en tenait toujours pas rigueur. L’on ne changeait pas du jour au lendemain, n’est-ce pas ? Elle devait se montrer patiente….

Une fois arrivée à l’hôpital, la jeune fille se retrouvait embarquée dans une vraie galère, car personne ne voulait la laisser monter à l’étage des bureaux et donc, de la salle de diagnostiques. Cet étage n’étant habituellement pas autorisé au public… Qu’on lui répétait encore et encore pour l’agacer prodigieusement. Audacieuse, elle demandait alors si un membre de la famille d’Erika Bauer se trouvait sur place et lorsqu’on lui répondait que le père de l’adolescente l’était, elle demandait aussitôt qu’on l’appelle et Raphaël accourait vers elle sitôt qu’on le prévenait, pour annoncer aux médecins et infirmiers croisés vigiles ; gardiens sans âmes des étages supérieurs ; que la rouquine était avec lui, cette amie proche de la famille. Agissant ainsi, Raphaël abusait clairement de la faveur qu’on lui faisait de rester si longtemps dans le couloir des bureaux de l’hôpital, mais il s’en fichait.

Une fois de retour devant sa machine a café fétiche, parce qu’elle lui permettait de tenir durant toutes ces longues heures d’attente, Raphaël expliquait brièvement à Trisha que son fils était en train d’aider à chercher ce qu’avait sa sœur, parce qu’il possédait une certaine facilité dans la compréhension de la médecine et de… Raphaël s’embrouillait très vite dans son mensonge et au final, il préférait avouer le tout avec sincérité et honnêteté à la jeune fille puisque tôt ou tard, la rouquine le découvrirait d’une autre bouche et il était certain qu’elle prendrait très mal le fait que le père de son petit ami se soit payé sa tête.

Trisha se figeait dans une expression de surprise en apprenant la nouvelle, mais un sourire ému et beaucoup de fierté effacèrent très vite ce premier sentiment puisqu’au fond et à ses yeux, son petit ami avait toujours été supérieur aux autres adolescents qu’elle pouvait côtoyer. Finalement, apprendre aujourd’hui que le concerné était un petit génie ne la surprenait pas tant que cela et son impatience pour s’en aller le serrer dans ses bras en devenait palpable !

Elle s’éloignait donc de Raphael pour filer le long du couloir en direction de la salle de diagnostiques et ce, même si le concerné venait de la prévenir que Joakim n’était pas particulièrement chaleureux lorsqu’on allait l’observer à travers la baie vitrée… Raphaël ne voudrait pas que la jeune fille se fasse traiter comme lui l’avait été par son fils, la première fois qu’il était allé l’espionner derrière la vitre.

Mais plus borné que Trisha, l’on ne faisait plus. Elle voulait le voir, elle tenait absolument à lui parler ! Ses yeux pétillaient déjà d’admiration, de fierté et d’amour, mais la flamme qui animait son regard s’éteignait très vite dès qu’elle réalisait que la remarquant derrière la grande baie vitrée de la salle, Joakim ne s’attardait pas un seul instant sur sa personne, allant même jusqu’à détourner le regard pour l’ignorer totalement avec sa froideur des mauvais jours.

L’adolescent était bien trop occupé en ce moment pour prendre la peine de seulement se souvenir de son existence, car pour être honnête, à l’heure qu’il est, elle avait à ses yeux autant d’importance que le H de Hawaï.

L’humiliation de Trisha était à son paroxysme alors qu’elle réalisait être la dernière roue du carrosse de celui qu’elle aimait tant et si au fond, elle était terriblement heureuse pour lui de le voir ainsi dans un environnement qui semblait le combler, elle le détestait aussi avec hargne de l’avoir ainsi humiliée.

Mais pour qui se prenait-il, à la fin ? Génie d’accord, mais respect d’abord ! Un regard, un sourire, un signe de main, cela ne mangeait pas de pain et son statut de petite amie lui offrait tout de même le minimum des considérations ! Surtout qu’elle avait fait pas mal de kilomètres pour venir s’inquiéter pour sa petite personne ! Ingrat un jour, égoïste toujours ! Il ne changerait jamais, décidément !

Blessée et frustrée par son comportement, elle tournait vivement les talons en décidant de ne plus remettre le moindre pied ici ou de carrément ne plus faire le moindre pas vers lui ! Ni appel, ni sms, ni message quelconque ! Et ce, jusqu’à nouvel ordre ; et donc, jusqu’à ce que cet affreux ne vienne ramper à ses pieds en lui demandant pardon d’être aussi dégueulasse dans son indifférence, car si son père tolérait cela ; cet homme décidément bien trop gentil, songeait Trisha en colère ; elle n’avait pas l’intention d’être aussi tolérante que lui.

De son côté, Joakim se fichait complètement de ce qu’elle pouvait penser de son comportement, car elle était clairement devenue le cadet de ses soucis. C’était bien le sentiment qu’il avait voulu lui exprimer par son indifférence très calculée ; elle ne s’était pas faite d’idées à son sujet. Occupé à se battre pour sauver sa sœur, il ne pouvait se disperser pour réaliser la présence d’autres êtres humains trop collants – ou alors s’il le pouvait, il n’en avait pas envie. Cela ne l’intéressait plus. Ici, entre les murs de cette salle, il se sentait enfin complet et épanoui, évoluant enfin dans une bulle sereine qui lui apportait finalement tout ce qu’il avait toujours espéré, sans pour autant croire qu’il l’obtiendrait un jour… Tout ce qui l’entourait devenait donc dérisoire et dispensable à ses yeux, puisqu’il avait enfin tout ce qui l’importait vraiment dans la vie. La découverte ainsi que la recherche. C’est d’ailleurs pour cela que son téléphone portable allait désormais rester éteint, après qu’il l’ait allumé brièvement dans un court instant de culpabilité suite au départ de Trisha, pour raccrocher très vite au nez d’un appel entrant qui arrivait même pas trois minutes après l’allumage de son Iphone. Seigneur dieu, cet entourage devenu aussi futile qu’inutile à ses yeux, ne savait-il donc plus vivre sans lui, ou quoi ?!

Blessé par cette conversation coupée brutalement, Hajer se retrouvait nez à nez avec le désintérêt de son ami après qu’il ait, pendant toute la journée, essayé désespérément de le joindre, en tombant constamment sur son répondeur. Le jeune homme est plus seul que jamais depuis deux jours et ce soir, il subit une violente crise de manque, alors qu’il est recroquevillé sur lui-même et prit de spasmes, dans le recoin d’un squat malodorant et insalubre où aucun des autres junkies de l’endroit ne remarquent son mauvais état. Et pour cause, ils sont clairement tous dans la même condition que lui… Mais Hajer souffrant le martyr et ayant besoin de sa dose, agonise en silence en étant tiraillé par l’envie de voler une fois encore, de l’argent à ses parents, pour se procurer ensuite sa désormais seule et unique raison de vivre. Sa came. Sa précieuse dope.. Les yeux du jeune homme s’embuent de larmes et il se met à pleurer bruyamment pour exprimer sa douleur. Sa dope ! Sa dope ! Il veut sa dope ! Et si son ami daignait décrocher son téléphone, il pourrait le supplier de lui donner de quoi s’en procurer pour qu’il aille mieux, mais ce soir Joakim se fiche de tout ! Ce soir Joakim le laisse tomber ! Il l’abandonne dans sa solitude, la puanteur de cet endroit, ainsi que sa souffrance ! Pourquoi ?! Mais pourquoi donc agit-il ainsi ?! Est-ce le rôle d’un ami ?! D’ignorer la douleur de ses plus proches alliés ?! NON ! Joakim exagérait ! Après tout ce qu’il avait pour lui, vendre son âme au diable, bafouer son propre honneur, voilà donc comment il lui rendait la pareille ! En l’ignorant ! En le laissant tomber ! Titubant, Hajer se relevait enfin du sol et marchant péniblement, il s’extirpe du squat avec pour intention de voler ses parents encore une fois et en se fichant des éventuellement conséquences. Il n’avait plus que ça à faire, de toute manière.. Puisque son soi-disant grand ami et allié l’avait abandonné. Ce faux frère de cœur qui, au fond, n’attendait de lui que l’assurance qu’il ne se livre jamais à la police en révélant de bien sombres vérités. Tremblant et souffrant comme jamais de ses spasmes, les battements de cœur d’Hajer s’accéléraient en rythme avec sa rancœur pour Joakim qui décuplait. Ce faux-ami était réellement mauvais. Sans cœur ni âme ! Tellement pourri de l’intérieur qu’il méritait qu’il le laisse tomber à son tour et se précipite au poste. Faux-ami ! Faux-ami ! Chien ! Sale chien ! Connard !!!! Il allait payer ! Ce soir, il allait payer pour sa méchanceté ! Ses faux-semblants ! Son hypocrisie !!!! Oui !!!

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=== 9 Juin, 16h00…. ===

Pendant ce temps et ailleurs, du côté d’Amy Wills, ce n’étaient pas d’effroyables désirs de vengeance qui animaient l’esprit de la blondinette, mais plutôt un grand enthousiasme d’être en studio avec son nouveau manager pour travailler en sa compagnie, une petite chanson qu’elle s’était écrite et composée, un peu maladroitement et avec l’art des débutants.

L’heure de peaufiner tout cela aux côtés de son nouveau mentor, Richard Driver, était arrivée et cela ravissait la jeune fille.

Cuz It’s never COLD IN CALIFORNIA // Parce qu’il ne fait jamais froid en Californie !!!
There’s always someone here // Il y a toujours quelqu’un ici
To tell you that they love you // Pour te dire qu’il tiens à toi
When others disappear //  Quand d’autres disparaissent 

Comme une fillette surexcitée, elle s’éclatait devant son micro et appréciait que cet homme mûr la conseille et même qu’il lui propose des modifications dans ses vers ou rythmes. Tous les deux pourraient aller loin, la jeune chanteuse était pleine d’espoir au sujet de leur duo car une réelle affinité s’était crée entre eux et ce dès leur premier café bu en ville et face à face. Ils avaient beaucoup ris et discuté pour faire connaissance, parlé d’avenir et de projets, partagé des points communs et une certaine complicité avait commencé à apparaitre.

It’s never COLD IN CALIFORNIA // Il ne fait jamais froid en Californie !
Cause I’m still here // Parce que je suis toujours là
I’m still here // Je suis toujours là

Entre deux pauses, les deux nouveaux alliés discutent beaucoup et Amy en révèlent beaucoup sur elle, sans même qu’elle ne s’en rende vraiment compte. Il fallait dire qu’il était facile de converser avec Richard tant cet homme était avenant, compréhensif, amical, et même protecteur.

De son côté, le manager l’appréciait de plus en plus, cet adorable moulin à paroles blond qui en avait clairement vécu des vertes et des pas mures et le fait que la jeune fille lui ait écrit avec tant d’assiduité, une chanson d’espoir, exactement comme il le lui avait demandé, lui prouvait son sérieux et son implication dans leur duo. Ce fait décuplait son envie de travailler avec la jeune chanteuse bien sympathique et travailleuse. Désormais, il la prendrait sous son aile et pas un seul Joakim ou aucun autre jeune adolescent boutonneux ne viendrait la blesser, sa nouvelle petite protégée ! Cela suffisait, les conneries. Amy Wills irait loin, il s’en faisait la promesse ! Cette gamine avait le chant dans la peau et il la pousserait le plus loin possible, car les nouveaux talents réellement doués, cela ne courrait pas les rues et beaucoup de petits nouveaux s’imaginaient qu’il suffisait toujours de s’inspirer des styles des plus grands, pour briller parmi les étoiles. Erreur, car en tout temps et à toutes époques, il n’avait jamais suffi de se mettre une plume dans le cul pour ressembler à un coq…

L'Améthyste