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Temps de lecture : 4 minutes

Noah n’est pas avec eux. Les réunions de famille pour pleurer sur un drame pendant de longues heures, cela n’avait jamais été truc. À la place, il préférait parcourir la ville en escaladant tout ce qu’il pouvait croiser ; se concentrer sur un Parkour avait au moins l’avantage de le forcer à s’occuper l’esprit quelques instants pour l’empêcher de repenser aux malheurs qui frappaient aujourd’hui les siens et surtout sa propre amitié avec Joakim puisque le téléphone du concerné était resté éteint toute la journée, prouvant bien au jeune Beckers son inutilité flagrante dans un pareil moment.

Et dire qu’à une époque ces deux-là étaient plus unis que les doigts d’une seule main… Lorsque Noah se souvenait de cela, il devait toujours serrer les dents pour se retenir de pleurer, tant son cœur se fissurait. Cela faisait mal, tellement mal d’être relégué au rang de second…

Alors que le blondinet prenait finalement une pause après une course effrénée, il décidait d’envoyer un sms à une vieille amie qui avait failli devenir un amour ; si leurs destins n’en avaient pas voulu autrement…

« Salut, je sais que tu n’aimes pas que je te contacte, mais je vis un deuil et je sais pas à qui en parler, alors du coup je reste comme un con sur la jetée Est de Santa Monica. »

« J’arrive »

Noah crut rêver. La réponse à son sms arrivait moins de dix secondes plus tard, alors qu’en temps normal son ex-amie Perrine l’ignorait complètement. Sur le coup, Noah se réalisa blessé. Il fallait donc qu’il soit vraiment au plus bas et malheureux comme les pierres pour que celle qu’il adorait tant veuille se préoccuper de lui ? Il le prit comme une insulte et fut vexé par cette sollicitude plutôt soudaine.

Il décida donc de ne pas répondre à ce sms pour préférer bouder jusqu’à ce que moins de quinze minutes de mauvaise humeur plus tard, il réalise que les planches de la jetée sont en train de grincer sous des pas féminins. À la fin de son parcours, Perrine s’assoit en silence à ses côtés, l’air calme et naturel.

Noah en restait figé de surprise. Elle n’avait pas menti ! Elle était venue ! Après son bref « j’arrive », elle avait accouru auprès de lui, en même pas vingt minutes…

– Il ne fallait pas te sentir obligée, je n’allais pas me jeter dans le lac, se sentait-il alors obligé de grommeler, au lieu de simplement remercier sa comparse. Trop fier et vexé pour cela.

– Je ne me suis pas sentie obligée et je n’ai jamais pensé que tu ferais une chose pareille.

– Ah..

Touché. Noah avait subitement très honte.

– J’aimerais être surprise du fait que le grand Joakim ne soit pas là pour traverser ce que tu vis, à tes côtés, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Les semaines défilent, et rien ne change… Il te laisse toujours aussi seul.

– C’est son frère Alarich qui nous a quittés, et sa sœur est hospitalisée, alors ça devrait être à moi d’être là pour lui, mais tu vois, il a laissé son téléphone éteint toute la journée. Parce que tu te doutes que Miguel ou Kristofer sont de meilleurs amis pour lui. Ce qui montre que tu te trompes sur toute la ligne, car si, les semaines défilent et tout change, absolument tout…

– Pas cette dévotion infinie que tu offres aux ingrats, par contre.

Perrine répondait plutôt froidement. Cela surprenait Noah. Elle s’était durcie..

– Tu es dure. C’est comme ça que tu revois des vieux potes, toi ?! En étant une sale sorcière méchante ?!

Noah essayait de faire de l’humour. Il n’aimait pas la voir ainsi. Il ne voulait pas la voir changer. Pas elle…

– Idiot.

– Sans âme !

Victoire. Perrine esquissait désormais un sourire amusé, avant de reprendre sur un ton plus léger que le précédent,

– Et sinon, toi et ton Crew, vous êtes prêts pour le championnat ? On a fait le pari en interne d’être mieux classé que vous, je tenais à te le dire. Alors donnez tout ce que vous avez, car on veut du challenge !!

– Elle est mignonne quand elle s’imagine un instant que son Crew peut nous battre.

– Réaliste mon cher ! Chez les Drifterz, il n’y a deux têtes terrifiantes qui imposent vraiment le respect : Noah Beckers et Alex Taylor. Tout le reste, c’est de la nioniotte !

– Ça se voit que tu n’as pas vu les progrès d’Aidan, toi !

– Tu es toujours trop gentil avec tes amis. Mais parole d’adversaire, seuls toi et Alex valez vraiment quelque chose et en fait, pour être honnête, je devrais plutôt dire, seul toi, es réellement bon, mais je n’ai pas non plus envie de te faire exploser les chevilles à quelques jours du championnat…

– Tu es tellement mignonne avec moi ce soir, que je te propose de mettre la pâtée en Parkour, tout de suite !!! Marché conclu ?!?

– Marché conclu, dans dix minutes, tu vas ramper en me suppliant de te laisser faire une pause. Par contre pas de sauts inter-immeubles, s’il-te-plait. À chaque fois que tu en fais, mon cœur s’arrête et j’ai pas envie de mourir ce soir…

– Ohhhhh, comme elle s’inquiète pour moi !!!

– … Je te déteste, ne peut s’empêcher de rire Perrine, à la fois amusée mais surtout, le cœur battant à tout rompre. Les semaines avaient défilé, mais elle l’aimait toujours autant ; malheureusement.

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=== 22h30, Domicile des Bell… ===

Ailleurs et au même moment, Jonathan est en train d’envoyer un énième message sur le répondeur de son amie mal en point. À chaque fois qu’il l’appelle, il espère sincèrement que la jeune fille puisse lui répondre, parce qu’éventuellement, elle irait un peu mieux et aurait été rapatriée dans une chambre normale au lieu d’une de soins intensifs pour patients en état critique ; mais à chaque fois que l’adolescent compose fébrilement son numéro, ce n’est que cette maudite boite vocale qui daigne lui répondre.

« Ça m’énerve de pas savoir!!! Même je sais que je ne dois pas m’inquiéter, parce que tu es une guerrière et tu iras mieux, c’est certain, mais tu me connais, je ne peux pas m’empêcher d’avoir la frousse!!!! »

– Tu es encore en train de laisser un message sur le répondeur de ta petite chérie ?

Riban adorait taquiner son frère cadet sur le sujet de ses sentiments inavoués. Plus vieux que lui de cinq printemps, Riban savait tout de son frangin et savait lire en lui comme dans un livre ouvert. Ces deux frères étaient assez fusionnels en général – quand ils ne se disputaient pas pour des broutilles, relations de frangins oblige.

– On sait rien du tout et c’est vraiment le pire. Est-ce qu’elle va un peu mieux, est-ce que c’est pire qu’à son admission a l’hôpital, comment est-ce que ça évolue…

– Ça fait pas 24h qu’elle est hospitalisée, alors essaie d’être patient. Si tu veux, on essaiera d’aller la voir, demain.

– Merci!! C’était prévu, mais j’osais pas te demander de venir.

– De rien, c’est ta chérie, après tout.

– Arrête avec ça !!!

– Si tu veux. Et de la moumoute que tu as sur la tête et qui te fait une bouille de bambin, on en parle ?

– Toutes les filles m’ont dit que ça m’allait très bien !

– Toutes, sauf une…. ! Mais maintenant, on est au moins surs qu’Erika ne fait pas dans la pédophilie.

– C’est surtout qu’elle est lesbienne…

– Comme tous les ados en recherche de personnalité !

– Je crois pas, perso. Elle et Riley forment un vrai couple uni et soudé.

– Elle est bi alors, la coquine.. J’ai toujours été jaloux des bis perso. Ils peuvent tous prendre, sur le menu..

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=== 22h30, Clarkdale.. ===

Cette première journée de colocation pour les deux hommes, ex-amants, s’achève avec brio et si Kristofer est aux anges d’avoir passé toutes ces heures avec son Shane adoré, il en est de même pour le concerné qui a réellement adoré avoir sa présence sous son toit.

Après un repas très copieux, les deux hommes terminent leur soirée avec une partie de billard, tout en sirotant des digestifs très alcoolisés qui ont pour but de les aider à faire passer les délicieuses pâtes à la carbonara de Shane qui ont détruit leurs estomacs respectifs ! Le jeune Helms était certes un excellent cuisiner qui adorait d’ailleurs se mettre aux fourneaux et régaler ses amis, mais il avait aussi une tendance terrible à les faire manger comme quatre. Pour faire simple, Shane resservait ses convives jusqu’à ce que mort s’en suive, mais ses repas étant toujours terriblement succulents, personne ne pouvaient refuser de prendre trois kilos à sa table, quitte à s’en aller crever ensuite sur une cuvette de WC.

Alors que cette soirée s’annonçait magique pour Kristofer, un indésirable vint soudain ruiner tous ses espoirs en sonnant à la porte pour venir chercher son Shane pour une « sortie à deux ». Le concerné reposait d’ailleurs sa quille de billard en moins de deux pour filer aussitôt vers cet imposteur terriblement sexy et dont l’orientation sexuelle ne laissait aucun doute…

Le jeune Varells en tombait des nues et se mettait à balbutier maladroitement en direction de son ex-amant,

– Tu… Tu vas où ?

– Je sors avec Darren. Tu sais où sont les clefs, coloc’ !!! J’ai pris mon double, donc ne te sens pas obligé de rester au loft, si tu veux aller faire la bringue aussi, ne te gênes pas ! On se voit demain !!!!

Sur ce, Shane disparaît de chez lui, sur les talons de cet ami que Kristofer ne reconnait pas, tout en se demandant quel statut pouvait bien avoir ce « connard » qui était resté à le fixer avec son air hautain de petit merdeux. Ce sale type devait surement être l’un des prétendants de son Shane car sur son expression faciale, l’on pouvait lire un « tu as perdu, Varells, ah ah ». Le cœur de Kristofer tambourinait désormais dans sa poitrine et ses yeux s’humidifiaient, tandis qu’il restait seul et con, planté en plein milieu du salon du loft. Dieu que cela faisait mal d’essayer d’imaginer son amour dans les bras ou le lit d’un autre, dieu que ça lui donnait envie de se rouler en boule dans son lit pour pleurer jusqu’à l’aube… La douleur qu’il ressentait n’était en rien comparable à celle qu’il subissait lorsqu’il visualisait la cruche de Trisha, dans les bras de son ami Joakim, puisque cette fois, il s’agissait de Shane, de SON Shane… à lui. Et non d’un simple crush affectif. Au fond, avait-il réellement aimé Joakim Bauer d’un amour véritable ? Il ne sait plus et les larmes qui embuent désormais ses yeux n’allaient pas aider son esprit à y voir plus clair, bien au contraire... car c’est dans ce même liquide qu’il s’endormira ce soir, plus perdu que jamais.

*

Le cœur léger, Perrine rentre chez elle après le Parkour qu’elle vient de faire avec son ami et alors qu’elle arrive devant son immeuble, Noah lui envoie un sms amical pour lui proposer qu’ils se revoient le lendemain, en ville. Le cœur de Perrine se serre aussitôt et sans attendre, elle lui renvoit que non, car cette soirée-là était exceptionnelle vu qu’il avait besoin d’un ami et qu’elle ne pouvait pas l’abandonner, mais ils ne reprendraient pas leur relation là où ils l’avaient laissé, toujours pour les mêmes raisons. La jeune fille continuait de se préserver et sauf urgence, elle ne souhaitait plus de sms de la part de son vieil ami.

Noah reçut le message 5/5 et son cœur se rappellerait longtemps de l’impact de cette nouvelle gifle.

Il y avait cru. Pendant un instant, il y avait cru…

*

Quelques heures plus tard et en plein milieu de la nuit, Raphaël sursaute et réalise que son téléphone ne lui affiche ni appel en absence ni réception de nouveaux sms. Ce fait angoisse terriblement le père de famille qui s’imagine déjà le pire et sans attendre une minute de plus, il se dépêche d’appeler son fils. Par chance, celui-ci lui répond aussitôt en lui annonçant qu’il passait la nuit sur ses recherches.

Raphaël n’en revenait pas d’apprendre que son ainé était encore dans sa salle de diagnostiques à dévorer le programme de médecine et qu’en plus, il semblait en être terriblement heureux. Sa voix était claire et posée, tranquille et calme. Adieu l’habituelle froideur et la constante mauvaise humeur, Raphaël redécouvrait son fils à cet instant et il avait l’impression de ne jamais l’avoir senti aussi heureux à l’autre bout d’une conversation. L’adolescent avait presque l’air enjoué, aux anges d’apprendre autant, oubliant limite les drames qui frappaient les siens, Joakim renaissait. Comme un petit-enfant qui gribouille une aquarelle en cours de dessin, l’adolescent était en pleine extase. Au septième ciel. Il raccrochait d’ailleurs sa conversation, peu après, en disant amicalement à son père qu’il avait encore à lire et qu’il lui faisait perdre du temps !!!
« Amicalement » …. Raphaël en tombait des nues, tout en esquissant un sourire ému, les yeux déjà humides, de réaliser son fils aussi heureux. C’était dingue. Le ciel pouvait s’effondrer sur la tête de son rejeton, il suffisait de lui filer une bibliothèque de livres de médecines pour le voir ressusciter et avoir des étoiles dans les yeux. C’était tout simplement dingue ! Mais cela fit rire Raphaël, lui réchauffa le cœur et du coup, ce ne sont pas les yeux inondés qu’il se rendormira ce soir, mais avec un large sourire, signe de son apaisement. Demain, il se rendrait à l’hôpital pour apporter des vêtements de rechange à son fiston, au cas où le concerné ne veuille pas rentrer tout de suite.

L'Améthyste