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=== 8 juin 2014, 15h20… ===
Tel un pantin désarticulé et maladroit, Joakim restait bêtement devant cette sœur inconsciente et lorsque le principal médecin de la concernée revenait informer leur famille que la diagnostique de la jeune malade n’était toujours pas établi, Joakim se sentait soudain aspiré dans une sorte de réalité parallèle.
Cela n’était pas possible. Rien de tout cela ne pouvait être vrai. Après le décès soudain de son jeune frère -dont le cœur avait lâché brutalement et ce malgré qu’il soit encore sous traitement-, voilà que cela semblait être au tour de sa petit sœur de se mettre soudain à crever d’on ne savait quoi et sans raisons réelles. Elle crachait du sang, s’affaiblissait à vue d’œil et semblait avoir de nombreux organes internes qui se mettaient à dérailler les uns après les autres. Incompréhensible. Les meilleurs étaient cependant sur le coup. La famille Bauer avait bénéficié des plus grands chirurgiens lorsque la jeune adolescente avait du être transportée d’urgence au bloc et désormais c’était l’une des meilleures équipes de diagnosticiens qui se chargeait de son cas.
– Laissez-moi vous aider, laissait subitement échapper Joakim et alors qu’il le réalise à peine, trop occupé à fixer le petit corps frêle de sa sœur en s’imaginait déjà perdre un nouvel être cher.
– Excusez-moi ? C’est à moi que vous parlez ? Renvoit aussitôt le médecin dans sa direction et avec beaucoup de politesse, sous son air plutôt sceptique,
– Vous.. Vous ne savez pas ce qu’elle a, n’est-ce pas… Laissez-moi vous aider.
Un rictus d’amusement étire le visage du médecin. Son jeune interlocuteur était touchant, vraiment. Être abattu pour sa sœur au point de souhaiter tenter de l’aider par tous les moyens, cela en était vraiment attendrissant. Émouvant. C’est pour cela que l’homme diplômé n’allait pas se moquer de lui, mais plutôt lui faire amicalement et avec un franc sourire,
– Je vous promets que nos meilleurs sont sur le coup. Je vous jure que nous tentons le tout pour le tout.
– Mais cela ne suffit pas, regardez-la. Laissez-moi vous aider, je… Je me suis souvent intéressé aux sciences, à un peu tout, à la médecine, je…
Joakim s’interrompt en se constatant soudain stupide et abruti. La honte et l’abattement le gagnent alors qu’il réalise que quoiqu’il puisse penser de lui-même et de ses capacités, peu en ce monde en avait conscience. Une vague de lassitude le submerge alors et il baisse finalement les yeux, baissant les armes dans une abdication totale.
Raphael intervient à ce moment-là en direction du médecin,
– Mon fils est un génie et la médecine est son domaine de prédilection alors s’il vous demande de le laisser aider vos diagnosticiens, croyez-le. Qu’avons-nous à perdre, de toute manière ? Ma fille est en train de mourir dans cette chambre, alors s’il-vous-plaît, faites lui confiance, il pourrait vous surprendre.
Tous se figèrent pendant la réplique du père de famille. Éva découvrait aujourd’hui l’intelligence de son fils et le médecin d’Erika essayait bêtement d’analyser cette mauvaise plaisanterie tandis que Joakim… Ne savait tout simplement plus ou se mettre devant l’extrapolation flagrante de son père vis-à-vis de ses compétences. Ce fou était-il tombé sur la tête lorsqu’il mentait ainsi devant un homme diplômé en médecine ?!
Le médecin d’Erika reprend la parole le premier en se souvenant de l’importance de la famille d’Eva Lee, pour soupirer en direction de Joakim, le soi-disant génie prodige,
– Très bien, nous n’avons en effet rien à perdre, alors si tu veux bien me suivre ? Je ne peux pas te promettre que la direction te laissera longtemps avec l’équipe, mais si tu veux voir de toi-même que nous mettons tout en œuvre pour sauver ta sœur, je t’emmène en salle de diagnostiques. Et j’espère que tout ceci n’est pas un canular, parce que sinon, une réputation ici pourrait en être entachée.. Le médecin dirige son regard en direction d’Éva alors qu’il termine sa phrase dans un toussotement croisé raclement de gorge ironique, tout en sortant de la chambre d’Erika avec Joakim sur ses talons. Les familles abattues face à des enfants mourants, c’était ce qu’il jugeait le plus difficilement supportable, dans son métier.