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=== 8 juin 2014, 11h40 du matin… ===

Peu après et tandis que l’ambulance transportant l’adolescente file vers l’hôpital le plus proche, la directrice des WatCha Say n’attend pas pour prévenir les parents de la jeune danseuse et le visage d’Eva blêmit dès lors qu’elle entend la nouvelle. Sur le coup, elle attrape nerveusement le bras de son époux pour se retenir et ne pas défaillir, car l’accumulation des mauvaises nouvelles commençait à faire beaucoup pour la mère de famille. Raphaël se figeait lui aussi une fois qu’elle lui apprenait qu’un autre de leur enfant était actuellement en chemin pour cet hôpital où ils étaient encore et qui venait tout juste de voir mourir leur fils Alarich.

Le couple était blanc comme un linge et si chez Éva, cela ne se remarquait pas vraiment à cause de sa peau très pâle, chez Raphaël, le visuel en devenait cocasse. Le pauvre pouvait désormais postuler pour jouer dans une publicité pour le nouvel Omo. Il était rendu plus blanc que blanc, lavé ainsi avec talent par la vie et ses coups bas.

Destin. Enculé de destin. Avant de recevoir ce nouveau coup de massue, Raphaël et Éva s’apprêtait justement à quitter l’hôpital, main dans la main pour s’encourager mutuellement et rester fort dans cette épreuve. Destin. Enculé de Destin qui les obligeait désormais à devoir aller attendre devant l’entrée des urgences, l’arrivée de leur fille.

Qu’allait-il bien pouvoir leur arriver ensuite ? Leur troisième enfant, l’Aîné de la fratrie, se ferait-il renverser par un poids lourd ? Les deux parents n’avaient pas encore le temps d’y songer que la sirène des ambulanciers retentissait déjà au loin pour leur annoncer l’arrivée du véhicule fatal qui ramènait en urgence leur Erika, inconsciente depuis sa consécration ultime aux Nationales.

Destin. Enculé de destin…

 

 

=== 8 juin 2014, 15h00…  === 4th Street Santa Monica.

Quelques heures de terreur et d’abattement plus tard, Raphaël retournait chez lui, éreinté. Il cherchait désespérément son fils aîné.

Avec tout ça, il l’avait complètement oublié, mais il le retrouvait très vite, toujours au même endroit, là où il l’avait laissé, ce matin, dans la chambre de son autre fils, Alarich.

 

 

There was a time, I used to look into my father’s eyes // Il y avait un temps, où il me suffisait de regarder dans les yeux de mon père pour savoir que tout irait bien

In a happy home, I was a king I had a gold throne // Dans cette maison heureuse, j’étais un roi, assis sur mon trône

Those days are gone, now the memories are on the wall // Mais ces jours sont terminés et seuls les souvenirs restent
I hear the sounds from the places where I was born // Je me souviens de tous ces endroits merveilleux où j’ai grandis

I still remember how it all changed // Et je ne peux que réaliser à quel point tout ça a bien changé

My father said… // Et mon père avait toujours pour habitude de dire…

Constatant son fils aussi figé et l’air aussi désemparé, Raphaël réalise à ce moment-là à quel point le concerné avait été anéanti par le départ de son frère et si lui n’avait pas hurlé et pleuré comme sa cadette pour ensuite courir avec lui dans l’ambulance et à l’hôpital, il était certain qu’il s’était tout autant effondré que le reste de la famille

Don’t you worry, don’t you worry child //Ne t’inquiètes pas, ne t’inquiètes pas mon fils…
Oh, heaven’s got a plan for you ! //Tout est justifié, tout fait partie d’un plan, tout ira bien !

Don’t you worry, don’t you worry now ! // Ne t’inquiètes pas, ne t’inquiètes plus !
Yeaaaaah!

– On va s’en sortir mon fils, on va s’en sortir… Ça va aller. Ça ira toujours. Mais pour le moment, il faut que tu sois avec nous à l’hôpital, pour ta sœur…

– Il faut qu’on soit tous ensemble dans cette épreuve. Même si tout ira bien, c’est certain, sa situation est pour l’instant critique. Les médecins ne comprennent pas, elle a fait un malaise aux Natio….

Joakim sursautait soudain à ce moment-là, sortant brusquement de son engourdissement, comme si l’on venait de le tirer brutalement d’un mauvais rêve, d’un terrible cauchemar qui semblait continuer dans la réalité. Après son frère, c’était au tour de sa sœur de se mettre à lui jouer un mauvais tour.. ?

Le visage de l’adolescent se crispait et blêmissait à vue d’œil sans que celui-ci ne prononce une seule parole. Au pas de course, il se précipitait au rez-de-chaussée pour courir vers sa moto et Raphaël le suivait à même allure en lui criant qu’ils allaient se rendre à l’hôpital ensemble. Il allait conduire. Pour rien au monde, il ne laisserait son dernier enfant valide enfourcher un véhicule à deux roues dans pareil moment. N’étant actuellement pas en état de lutter contre son paternel ni même de protester contre quoi que ce soit, Joakim courrait s’engouffrer dans la voiture de son père, coté passager et le trajet se fait très vite, dans un silence de mort, sans mauvais jeux de mots. Vingt minutes plus tard, les deux hommes Bauer pénètrent enfin dans la chambre d’Erika qui est désormais en soins intensifs.

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Soins intensifs : service qui a pour mission de prendre en charge les patients en état critique, c’est-à-dire qui présentent une défaillance d’une ou plusieurs de leurs fonctions vitales, ou qui sont à risque de développer des complications sévères.

Le service dispose de moyens techniques très spécialisés. Ceux-ci sont mis en œuvre de façon continue par une équipe multidisciplinaire afin de déceler, prévenir et corriger les déséquilibres aigus et présumés réversibles liés à l’affection sous-jacente (maladie, chirurgie, traumatisme..)

Toujours dans le même état d’abattement, Éva est encore au chevet de sa fille, les yeux rougis par des pleurs qu’elle avait pourtant réussi à cesser, mais qui se relancent sitôt que son dernier enfant apparaît devant ses yeux.

Désespérée, elle lui saute dessus et l’enlace comme si elle était désormais en train de vivre ses derniers instants avec lui et que le serrer ainsi le protégerait de tous les éventuels dangers qui le menaceraient. Cette mère de famille pourrait donner sa vie pour ses enfants et si nombreux étaient ceux qui l’avaient souvent jugé assez immature dans sa vie, en général, il y avait une chose que l’on ne pourrait jamais lui retirer : elle aimait ses rejetons plus que sa propre vie.

Le visage plein de larmes et en hoquetant de détresse, elle se mettait à balbutier de mots maladroits à son fils, tout en tremblant comme une feuille,

– Mon bébé, tu es là, mon bébé… Mon bébé…. Tu.. Tu vas bien.. Mon bébé.. Tu vas voir, ça va aller, elle.. Elle va s’en sortir.. Tu vas voir…

Don’t you worry, don’t you worry child // Ne t’inquiète pas, ne t’inquiète pas mon fils…

Mensonge... Joakim commençait à en avoir assez qu’on ne fasse que lui mentir sans arrêt…

See heaven’s got a plan for you ! // Tout est justifié, tout fait partie d’un plan, tout ira bien !

Plan ? Quel plan ? Parce qu’à part être injustes avec des innocents, Joakim ne voyait pas ce que la vie faisait de juste et mérité, au fond..

Don’t you worry, don’t you worry now…  

Foutaises.

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2th street, Clarkdale…

Toujours terrifié à l’idée que sa vie soi peut-être en danger en ce moment, Kristofer se précipite aujourd’hui chez son ancien amant pour rechercher auprès de lui du réconfort, une promesse de protection mais aussi et tant qu’à faire, une présence affectueuse, voire amoureuse...

Prétexte, prétexte, mais il fallait avouer que son Shane lui avait terriblement manqué depuis cette dernière rupture qui l’avait littéralement démoli et dans tout l’appartement de son amour, une chanson se diffuse. Kristofer sourit en la reconnaissant illico. Forever Young, de Youth Group.

L’hymne de Shane Helms que tous ses amis avaient entendu beugler au moins une fois dans leur vie en le côtoyant. Parfois, en soirée, Shane se mettait à la chanter en dansant sur les tables, en caleçon et les yeux pétillants de bonheur. Ah mais de cela, personne n’en doutait jamais, que Shane Helms serait à jamais, « Forever Young », entre deux soirées dans son grand loft aménagé par ses propres soins et récupéré à prix dérisoire il y a quelques années.

La bâtisse était lamentable, insalubre et complètement délabrée, lorsque Shane, courageux et travailleur, quand ils le voulait, l’avait récupérée, pour ensuite en tirer un loft immense dont il pouvait se permettre d’en louer des parties à prix très intéressants. Sous ses airs de gamin immature, Shane avait souvent prouvé à son entourage qu’il savait où il allait dans la vie et c’était d’ailleurs sa débrouillardise incroyable qui avait charmé en premier le richissime Kristofer Varels qui ne baissait pourtant jamais les yeux en direction du commun des mortels issus de milieux moins favorisés que lui.

Un peu perplexe par le retour de son ex-petit ami, aujourd’hui, Shane reste en ahuri et idiot, dans le creux de ses bras et alors que celui-ci le serre un peu plus fort contre lui, l’air désespéré et paniqué. Chouchou a vraiment peur qu’un méchant tueur ne veuille s’en prendre à lui.. se retenait de rire Shayne, tout en disant qu’en même temps, si son Kris cherchait moins la merde partout où il fichait son joli petit nez si sexy, peut-être vivrait-il plus sereinement sa petite vie…

– Si tu te sens plus en sécurité ici, je peux te dépanner quelques temps. Mais garde tes distances, Kris. Nous ne sommes pas ensemble…

– C’est évident…

– je parle sérieusement, Kristofer ! Tant que tu n’auras pas mis de l’ordre dans ce truc qui bat entre tes côtes, nous ne…

– Je sais!!!! Soupire Kristofer en se reculant légèrement de son interlocuteur, grand amour, et désormais colocataire, – cela dit, tu m’as beaucoup manqué. Et moi….? As-tu pensé un peu à moi ?

– Je ne flatterais pas ton égo pour te donner une réponse que tu connais déjà.

L'Améthyste