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Il est minuit dépassé et avec la discrétion d’un ninja surentraîné, Éva se glisse doucement chez elle. Ne voulant pas se faire remarquer, elle passe par l’arrière, coté baie vitrée.
Sa clef personnelle fonctionne encore dans la petite serrure et elle en est rassurée. Pendant un court instant, elle aurait bien pensé que son époux aurait fait changer les serrures, mais non, ils n’en étaient apparemment pas encore là. Encore heureux… Songe-t-elle, en se demandant comment est-ce qu’elle aurait pu le prendre si son Raphaël lui avait fait un tel coup bas.
Idioties. Jamais son Roméo ne s’abaisserait à cela.
Elle est actuellement vêtue d’un long manteau cintré qui lui tombe gracieusement jusqu’aux genoux, alors qu’elle se faufile au premier étage, avec pour but d’atteindre la chambre à coucher qu’elle occupait avec son époux et dont la lumière de la pièce s’échappe discrètement par-dessous la porte ; détail qui trahit la présence de son homme à l’intérieur. Elle en esquisse un petit sourire satisfait et plein de malices.
– Raphaël ? Appelle-t-elle d’une voix plutôt sensuelle et en entrant aussitôt après pour surprendre le concerné assis sur leur lit et entouré d’une dizaine de feuilles griffonnées à la va-vite. Le concerné lui renvoie sans attendre, l’air sceptique,
– Eva ? Qu’est-ce qu’il…
Raphaël s’interrompt dans sa réplique en voyant sa petite femme faire tomber au sol son large manteau pour laisser apparaître son corps uniquement vêtu d’un body noir transparent qui laisse visible la presque intégralité de son corps parfait et absolument pas abîmé par la morsure du temps et deux grossesses…
Raphaël en déglutit d’envie devant ce spectacle et son regard ne décroche plus de ces formes exquises qu’il connait si bien et qui s’agitent devant lui, au rythme des pas d’Éva qui se rapproche dangereusement de lui, dans une démarche sexy et sensuelle.
– J’ai acheté ce petit ensemble aujourd’hui, il te plait ? Je l’ai choisit selon tes goûts, comme d’habitude… Susurre-t-elle en se rapprochant jusqu’à grimper délicatement sur son homme réduit au silence et complètement hypnotisé,
– C’est tout petit ce que tu fais, là… Diablesse… Susurre Raphaël, complètement désorienté et partagé entre l’envie de mettre fin au petit délire de son épouse ou de lui sauter immédiatement dessus, sans penser à rien d’autre,
– La tienne, oui, lui renvoie Éva en commençant à lui lécher le lobe de l’oreille dans un numéro digne d’une strip-teaseuse chevronnée, – qu’est-ce que tu étais en train de faire ? On dirait que tu étais en train d’écrire des chansons ! Alors c’est donc vrai, l’amour de ma vie est de retour pour écrire et composer comme un dieu ?! Murmure Éva en attisant la flamme de l’envie de son partenaire à l’aide de sensuels petits baisers dans le cou du concerné,
– Je gribouille, rien de plus, j’aurais pensé que peut-être, un jour, pour l’éventuel retour du groupe, qui sait… Explique Raphaël en caressant délicatement les courbes divines de sa moitié allongée sur lui.
– Cela se fera, je vais me tenir à ce que j’ai dit et faire mon année sabbatique. Tu partiras donc en tournée dès que tu le pourras.
– Hummm.. Tu es sérieuse ?! S’interloque Raphaël, sceptique, cherchant le coup fourré.
– Qu’est-ce que tu crois ? Que je ne veux pas revoir mon Roméo sur scène ?! Est-ce que tu réalises le degré de ton sex-appeal quand a un micro entre les mains ?! Rien ne me rendait plus fière de toi que de te voir briller sur les planches et je m’excuse si j’ai agi de telle sorte que tu penses que ce ne soit plus le cas aujourd’hui…
– Quelle soirée, ce n’est pourtant pas mon anniversaire… Souffle sensuellement Raphaël en effleurant les fesses de son épouse tout en s’emparant langoureusement de ses lèvres. Plus excitée que jamais et alors que ses tétons révèlent bien à quel point elle veut son homme, ce soir, Éva a soudain le regard qui glisse maladroitement sur l’une des feuilles gribouillées de son époux.
« Stupid Girl, I can’t take this, born to break this, shes going away, what is wrong with my life today, Stupid girl, Stupid Girl… »
– Stupid Girl ? Relève-t-elle soudain à haute voix en lisant vite le reste et alors que Raphael interrompt subitement ses baisers sensuels, l’air brusquement honteux,
– Attends, c’est pas ce que tu crois..
– Oh si, c’est ce que je crois, ta première inspiration pour le retour des TroubleMaker ce n’est que ma stupidité et la colère que tu as contre moi ?! Ta seule inspiration aujourd’hui, c’est ton envie de m’insulter publiquement pour mes erreurs, c’est ça?! Et vu la tête que tu fais, on voit bien que j’ai raison !
Les yeux d’Éva s’embuent de larmes et d’un bond, elle se redresse de son époux en tremblant comme une feuille et en lançant ironiquement, le cœur en miettes,
– Cette blague, avant j’étais ta Juliette et maintenant, je ne suis que la conne dont tu ris ! Mais bon, je peux au moins me vanter de t’inspirer toujours autant ! Même si désormais, ce n’est que pour du crachat dégueulasse…
– Ce ne sont que des brouillons, Eva, je n’avais pas l’intention de composer cette chanson, arrête de pleurer, s’il-te-plaît, balbutie Raphaël, affligé d’avoir tant blessé l’une des personnes qu’il aime le plus au monde,
– Je m’en fous que tu la finalises ou pas, j’aurais préféré que tu ne sois jamais capable d’écrire des lignes aussi abjectes, sanglote Éva en s’extirpant hors du lit pour s’en aller remettre son manteau, le visage encore trempé de larmes, – Je te détestes !
Désemparé, Raphael essai d’argumenter maladroitement pendant qu’elle se rhabille,
– Chérie, ne le prend pas comme ça, merde, regarde bien les paroles ! Si tu te penches dessus, tu comprendras qu’il s’agit plus de mal-être que d’insultes ! J’étais malheureux Éva, tu peux compren…
– Même lorsque je suis malheureuse à en crever, jamais il ne me vient à l’idée d’écrire des saloperies sur toi. Ciao!!! l’interrompt-elle en détalant hors de la chambre puis de la demeure, en larmes et le cœur en miette pour une broutille ridicule, mais qui à ses yeux en signifiait tellement : désormais, elle n’était plus la muse de son Roméo pour lui inspirer des chansons d’amour mélodieuses, mais plutôt celle qui lui incitait de la haine qu’il pourrait beugler dans un micro.