~ 104 ~

Temps de lecture : 8 minutes

 

*

 

Malgré sa promesse, Vanessa court sonner à la porte de la maison Bauer. Elle doit absolument discréditer son petit-fils. Ce sale gosse en sait trop et si un jour l’envie lui prend d’être trop bavard, il pourrait provoquer le pire. La sexagénaire ne laissera jamais cela se produire ! Sa fille chérie est bien trop naïve et pas assez prudente. Une fois de plus, Vanessa se devait de courir à sa rescousse, comme la mère incroyable qu’elle a toujours été ! 

— Vanessa ? S’interroge aussitôt Raphaël en accueillant la visiteuse impromptue. Comment vas-tu ?

— Très bien, merci ! Mais, trêve de bavardages inutiles, je voudrais m’entretenir avec Joakim ! notifie Vanessa en fusillant aussitôt du regard le concerné qui est tranquillement planté en plein milieu de la pièce.

— Oui, jeune homme, c’est bien à toi que je veux parler ! gronde-t-elle en grimaçant de colère.

Elle se rapproche de l’adolescent planté à quelques mètres, l’air fier et prétentieux. Il la dévisage de haut en bas, presque avec mépris.

Sans attendre une seconde de plus, sa grand-mère lève brusquement la main en l’air pour se préparer à gifler l’adolescent mal éduqué, quand Raphaël se précipite aussitôt entre elle et sa cible pour l’incendier avec colère.

— Mais qu’est-ce qui te prend, Vanessa ? ? Tu es folle ? !

— Tu ne te demandes pas pourquoi ta femme est repartie si vite en tournée  ??

— Non, parce que je le sais. Cela n’a rien à voir avec mon fils, alors éloigne-toi de lui ! Je t’interdis de le toucher ! Non, mais pour qui te prends-tu ? Tu es chez moi, ici ! Alors, si je te revois une seule fois lever la main sur un seul de mes enfants, ça va très mal aller !

Raphaël perd patience. Sa gentillesse légendaire peut très vite disparaître dès lors qu’on ose toucher à sa famille. Derrière lui, son fils jubile comme jamais.

— Il a forcé Éva à repartir plus vite que prévu ! Lui ! Ton charmant rejeton ! C’est lui ! Hein, Joakim ? Dis à ton papa sans personnalité ce que tu as fait à ta mère ! Dis-lui ! À ce grand niais, à quel point tu peux être manipulateur et mal éduqué, sous tes airs de fiston modèle ! Dis-lui à quel point tu as manqué de coups de pied au cul ! Dis-lui ! Comment tu as su faire pleurer ta mère qui se saigne pourtant pour vos beaux yeux à tous ! Tu devrais avoir honte, Joakim !

— Ça suffit, Vanessa ! Tu es complètement folle et j’en ai assez de ton cinéma ! Alors, va-t’en de chez nous, immédiatement ! lance Raphaël, excédé.

— Et toi, tu es complètement à la ramasse, mon pauvre ! se défend Vanessa, hagarde. Non, mais regarde-toi ! Ce n’est même plus toi qui fais la loi dans ta propre maison, c’est ton fils, qui est le faux-semblant et le mensonge incarné ! Je suis persuadée que même Alarich saurait te marcher dessus, tellement tu es faible !

Erika reste figée dans un coin du salon. Elle assiste à la scène avec dépit. Elle ne comprend pas la crise de sa grand-mère et se demande ce qui a pu se passer entre les murs de sa propre maison. À cet instant, elle ne reconnaît plus les siens, alors que son père hurle contre la blonde platine. Elle voit son frère aîné rester impassible, l’air rieur. Blasée, elle regarde sa grand-mère se faire pousser par son père à l’extérieur de la maison et elle se met à songer à la chorégraphie qu’elle doit travailler afin de pouvoir danser aux côtés de son école lors de LA Dance Magic. Elle doit exceller, ce jour-là, car c’est de sa prestation que dépendra son avenir au sein des Rolling Deep. À ce souvenir, le stress la ronge et elle est soudain prise d’une furieuse envie de courir dans sa salle d’entrainement pour travailler un peu avant le diner.

Son père la tire brusquement de ses songes, alors qu’il questionne son frère avec lassitude. Elle lève alors la tête dans leur direction pour les écouter plus attentivement.

— Qu’est-ce que Vanessa te reprochait ? Qu’as-tu fait à ta mère  ?

— Qu’est-ce que cela peut te faire ?

— Tu vas me parler mieux que ça ! S’emporte Raphaël, choqué par la désinvolture de son fils.

— Sinon ? Provoque Joakim avec fierté, grand-mère a au moins raison sur un point : tu manques de personnalité, tu es faible, tu es de ceux qu’on lâche et abandonne et pas de ceux que l’on respecte. Le seul vrai adulte de cette maison est actuellement en tournée. Tu n’es qu’un larbin. Tu sers à rien.

Choqué, profondément blessé par la prunelle de ses yeux, Raphaël tente de se défendre avec une honte grandissante qui lui tord les boyaux.

— Comment oses-tu ? ? Qui est-ce qui s’occupe de tout ici ?! Qui est-ce qui prend soin de vous  ? ! Qui est-ce qui a toujours été là pour vous  ? ! Alors tu vas me respecter maintenant, merde ! Ou tu vas t’en prendre une de la part du larbin ! Je reste ton père, et que cela te plaise ou non, tu me dois le respect ! Parce qu’en ce moment, ce n’est pas ta mère qui est à tes côtés, mais MOI ! MOI ! MOI !

C’est tremblant que Raphaël explose ainsi, dévoré par la souffrance que l’ingratitude des siens lui inflige,

— Et c’est ce qui te rend insupportable, renvoie Joakim, indifférent à sa détresse. Tu n’as toujours été qu’une larve sans personnalité ni autorité, tu n’es bon qu’à te faire marcher dessus, tu es un esclave. Tu n’es même pas capable d’avoir des désirs, une volonté. Tu es vide. Sans ambition ni avenir. Tu me files la gerbe.

Raphaël s’emporte suite à ces paroles. Il en devient fou. De ces réalités qui lui sont lancées ainsi par les lèvres de son propre enfant. Comment a-t-il osé ! Personne encore n’avait tenté cela ! De le défier ainsi ! Le père de famille se calme pourtant, plus abattu que furieux – et non désireux de montrer l’exemple d’un père hystérique. 

— Tu es doué pour rabaisser ceux qui ont donné leur vie pour que la tienne soit la meilleure possible. Qu’ai-je raté dans ton éducation ? Pourquoi il n’y a qu’avec moi que tu es en conflit permanent ?

— Parce que tu essaies de trop en faire alors que tu n’es qu’un larbin.  Gère ta propre vie avant de t’occuper de celle des autres.

— Tu me parles encore une fois de la sorte et tu t’en prends une, Joakim, avise Raphaël en tentant de conserver son calme alors que ses yeux le brûlent déjà.

Il est au bord des larmes. Son fils est décidément allé trop loin, ce soir. Il ne le reconnaît plus. De qui pouvait-il tenir cette cruauté ? Certainement pas de lui en tous cas. Il souffle :

— Tu peux admirer ou insulter mon parcours, cela te regarde, mais je reste ton père et tu me dois le respect. Souviens-t’en. C’est la dernière fois que je tolère une pareille insubordination. 

Joakim se fiche de ses avertissements et reste amer, acerbe. Il renvoie de nouveau :

— On n’exige pas le respect, on le mérite.

— Dernier avertissement ! s’emporte à nouveau Raphaël avec désespoir en levant la main en l’air pour le menacer de le frapper.

— Vas-y ! le provoque son fils : « Prouve-moi que tu as les couilles de le faire. »

— Que… que… bafouille Raphaël.

Il tremble, abaisse sa main et reprend avec désespoir :

— Putain, mais merde ! Qu’est-ce que j’ai bien pu rater dans ton éducation pour que tu deviennes ainsi  ? ! Je t’ai tout donné, toute ma vie ! Et regarde-toi… Tu me fais honte ! Depuis quelque temps, je ne te reconnais plus. Tu n’as rien du fils que j’ai éduqué, et l’erreur ne peut pas venir de moi, car j’ai été un père exemplaire. Quoique tu en dises, ça, je le sais. Tu as tout eu pour être heureux, jusqu’à devenir quelqu’un de bien, merde ! Je suis un bon père ! J’ai donné plus que ta mère, j’ai toujours eu foi en toi ! Tu n’as pas eu une éducation qui justifie ce que tu es aujourd’hui ! Qui es-tu, m’enfin ?? Tu n’as rien du fils que j’ai connu ! Tu as changé, que s’est-il passé ?! Ressaisis-toi ! Ouvre les yeux, et… reprends-toi, parce que la frontière entre le bien et le mal est mince !

— Bla bla bla ! Sur ce… ! Lance Joakim avec ironie pour conclure, tout en quittant tranquillement la maison familiale.

Il sort, et personne ne pourrait l’en empêcher.

Une fois Joakim éloigné, Erika intervient enfin. Timidement, elle s’avance vers son père qui est toujours figé en plein milieu du salon, totalement dévasté par les mots durs de sa progéniture ingrate.

— Joakim a tort, papa. C’est un sale con. Tu es le meilleur des pères et avec Alarich, on n’en a jamais douté. Tu n’as pas à te préoccuper des horreurs qu’il te lance, parce qu’il n’y a que lui pour être capable de débiter autant de conneries.

S’en est trop pour Raphaël. Fragilisé par son fils et touché désormais par les paroles de sa fille qui a prononcé ces mots d’une façon étrangement mature, il fond en larmes et la prend dans ses bras.

L'Améthyste

⚠️ JavaScript est requis

JavaScript est actuellement désactivé dans votre navigateur.

Ce site nécessite JavaScript pour fonctionner correctement. Veuillez l'activer pour continuer votre navigation.

Comment activer JavaScript :

Chrome / Edge :

  1. Cliquez sur les trois points (⋮) → Paramètres
  2. Confidentialité et sécurité → Paramètres du site
  3. JavaScript → Autorisé

Firefox :

  1. Tapez "about:config" dans la barre d'adresse
  2. Recherchez "javascript.enabled"
  3. Définissez sur "true"

Safari :

  1. Safari → Préférences
  2. Sécurité → Activer JavaScript

Rechargez la page après avoir activé JavaScript