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Trisha et son compagnon viennent tout juste de commander leur repas de midi dans un restaurant en bord de mer. Aujourd’hui, le temps est splendide et la douce brise qui se diffuse dans l’air est assez plaisante. La jeune fille se fait légèrement décoiffer et c’est gracieusement, à l’aide de ses doigts, qu’elle remet parfois en place ses magnifiques cheveux roux. Joakim la regarde avec tendresse pendant qu’elle lui parle de tout et de rien, se réjouissant du spectacle que lui présentent ses yeux. Il la trouve magnifique et incroyable et, parfois, il se questionne sur ce qu’elle a pu voir en lui pour s’accrocher autant à sa personne. Il ne la mérite pas, mais un sourire discret s’affiche sur ses lèvres. Il est ravi de l’avoir, sa rousse, mais fait semblant de l’écouter alors qu’elle parle chiffons, mode, ou peut-être soldes ; il s’est perdu dans son flot de paroles.
— Alors, qu’est-ce que tu en penses ? Lui fait-elle soudain, souriante.
— Euh… Je pense que tu as tout d’un mannequin, affirme Joakim avec assurance en s’adossant un peu plus confortablement sur son siège en osier.
— Hein ? s’interroge aussitôt Trisha, sceptique, tout en rougissant tout de même suite au compliment. Merci, c’est flatteur ! Mais je ne vois pas le rapport avec ce dont je te parlais ! Tu ne m’écoutais pas, hein ?
— Je parle sérieusement, Trisha. Regarde-toi. Tu n’y as jamais pensé ?
— Euh, non. C’est pas du tout un truc qui me tente.
— Je ne comprends pas pourquoi. Tu es faite pour le mannequinat ? Regarde-toi…
— Je ne suis pas trop mal, c’est vrai, rit la rouquine en remettant une mèche de cheveux en place. Tu aimerais que je sois mannequin, toi ?
— Je me fiche de ce que tu fais, mais tu as le physique et la personnalité pour.
— Comment ça, la personnalité pour ?
— Tu es sublime et tu le sais. Chacune de tes mimiques, chacun de tes mouvements, rappellent à quel point tu aimes être la plus belle, à quel point tu te nourris du regard de la foule, tu…
— Je ne fais pas exprès d’être comme ça, désolée si j’ai l’air d’en faire trop, coupe Trisha avec une honte grandissante. Je ne voulais pas paraître prétentieuse, je…
— Tu t’excuses d’être magnifique ? Sois plutôt fière de l’être !
— Tu as quelque chose à te reprocher ? Pourquoi es-tu aussi adorable ?! Taquine Trisha en esquissant un sourire malicieux.
— Je ne suis pas adorable, souffle Joakim, je te vois, c’est tout.
— Mais pourquoi aujourd’hui ? Tu me diras, vaut mieux tard que jamais, car tu auras mis le temps, pour te rendre compte que tu sors avec la plus belle fille du lycée !
Elle prend ses compliments à la légère, car, même si elle se sait sublime, elle n’a jamais pensé à utiliser ses atouts pour un éventuel avenir professionnel.
— Le jour de la rentrée, tu étais adossée contre le mur de la salle de sciences, tu portais ton pantalon préféré, le noir avec les motifs roses, tu avais aussi ce sweat court, le rose à pois noirs, celui qui dévoile une partie de ton ventre et de tes hanches, sur lesquelles tu avais un tatouage provisoire en forme de papillon, ses ailes ressortaient légèrement de ton pantalon, mais dès le lendemain, tu ne l’avais déjà plus, tu avais dû l’effacer, reprend Joakim en ne lâchant pas son interlocutrice du regard. « Je me souviens aussi, tu te tenais en penchant légèrement ton bassin sur la gauche, un classique, chez les filles sexy, et tes bras étaient croisés, tu tenais des livres dans tes mains, dont un de mathématiques. Amy, juste devant toi, se tenait elle aussi, exactement dans la même position. Pourtant, malgré cela, tu l’évinçais complètement. Tu la rendais hideuse. Elle qui n’est pourtant pas une immondice de la nature, n’existait plus en ta présence. Et tu veux savoir pourquoi ? Parce que tu es née pour briller. Ce jour-là, tout le monde se retournait sur toi et te déshabillait souvent du regard, mais tu le savais. Et tu aimais ça ! Tu vis pour cela, dans chacun de tes gestes, dans chacune de tes mimiques, tu cultives quotidiennement ce pouvoir sexuel que tu exerces sur ton entourage. Si une femme pouvait rendre lesbienne une homophobe, ça serait toi. »
— Je… balbutie Trisha, abasourdie par le monologue de compliments de son petit ami, mais surtout par le fait qu’il soit capable de se souvenir du plus petit détail de leur première rencontre. « Ouah ! Quelle mémoire ! Moi, tout ce dont je me souviens de cette journée, c’est que le plus beau mec de la classe ne me jetait pas un seul regard ! Tu devais vraiment me mater discrètement, car je ne m’en suis pas douté une seule seconde ! »
— Tu n’étais qu’une pisseuse, je n’allais pas te montrer que je te trouvais sublime, non plus ! révèle impassiblement Joakim.
— Et aujourd’hui, je ne suis plus une pisseuse, alors ? titille Trisha avec taquinerie.
— Tu es pire encore, renvoie le jeune Bauer, avec un petit sourire pervers qui en dit long alors que son regard descend en direction du décolleté de son interlocutrice.
— J’aurais dû enregistrer tous ces compliments pour les faire entendre aux autres, à Noah, à qui tu disais que j’étais moche ! ! s’amuse la rouquine.
— Pour le mannequinat, j’étais sérieux. Alors, après le déjeuner, j’aimerais qu’on passe à Click Models, c’est une agence à Hollywood. Qui sait, ils te demanderont peut-être de repasser pour une audition.
— Tu as vu ma tenue ? s’esclaffe Trisha en prenant une nouvelle fois les propositions de son petit ami pour des plaisanteries. Je sors de cours, je ressemble à rien ! On verra ça un autre jour si ça te tient à cœur !
— Parce que tu penses avoir ton mot à dire dans l’histoire ? C’est celui qui conduit qui décide.
— Mais qu’est-ce que tu es chiant, quand tu t’y mets ! Et sinon, tu crois qu’ils nous ont oubliés ? J’ai l’impression qu’on attend notre commande depuis trois semaines !
— Je leur ai dit que tu avais des kilos à perdre avant de commencer ton futur métier.
— Oh bordel, c’est petit !
La rouquine éclate de rire et donne à son petit ami un léger coup de pied affectueux sous la table.