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=== 14h00… ===

Stressé, sur les nerfs et clairement à contrecœur, Wilfrid Mulher a rejoint Paula en ville, au cœur d’une fête foraine plutôt déserte aujourd’hui ; temps grisâtre, légèrement pluvieux, oblige.

Désormais en face de son amante et ancienne petite amie de lycée, Wilfrid se rend compte qu’il n’a pas grand-chose à lui dire et trouve le temps long, surtout que son épouse l’attend à une rue de là et qu’il est pressé de la rejoindre. Sa gêne et son angoisse sont palpables et il ne fait rien pour les dissimuler, il ne veut pas montrer à son interlocutrice qu’il est heureux d’être là, car c’est tout le contraire…

–  Je ne vais pas pouvoir traîner, je dois rejoindre Aïsha, soupire-t-il, alors, cherchant à écourter le désagréable moment qu’il est en train de vivre

– Elle tient bien ta laisse, ironise sèchement Paula.

– Arrête ça tout de suite.

– Wilfrid.. Est-ce que tu regrettes ? Viens, on marche un peu.

– Bien entendu, confirme Wilfrid en commençant à faire quelques pas aux côtés de son interlocutrice, plutôt satisfait de ne pas rester sur place comme un con. – Nous n’aurions pas du. Nous sommes engagés envers d’autres personnes.. Soupire-t-il en jetant un regard sur la machine de l’amour. Un attrape-nigaud qui est censé dire aux amoureux s’ils forment – ou pas-, un beau couple.

– Je ne t’ai jamais oublié. J’ai refait ma vie, mais tu es toujours été le seul et l’unique, c’est naze, mais c’est tellement ça, quoi… Renvoie Paula en glissant une pièce dans la machine et en lui faisant signe de mettre sa main sur le manche électronique, aux côtés de la sienne,

– Eh bien, je ne sais pas quoi te dire… Marmonne Wilfrid en obtempérant avec dépit, blasé de voir qu’à son age, son ex croit encore aux attrape-couillons de l’amour,

– Wilfrid, je sais que tu penses la même chose que moi. Tu as été heureux de passer ces deux jours avec moi, on a rattrapé le temps perdu et je sais que tu ne regrettes rien.

– Faible intensité, tu vois, tu as gaspillé 1 euro pour qu’on te vole en te disant de la merde ! Et si, je regrette ! J’aime ma femme ! Et j’aimerais qu’on mette tout ça derrière nous, parce qu’il n’y aura rien de plus, il ne peut pas y avoir quelque chose !

– « Ne peut pas » ? Tu aimerais donc qu’il puisse y avoir.

– Paula, s’il avait dû y avoir quelque chose entre nous, cela aurait été fait à l’époque, mais aujourd’hui, nous avons des vies… Parce que nous avons rompu, pour de vraies raisons, souviens-toi… Je ne sais pas comment se déroule ta vie aujourd’hui, mais la mienne me convient totalement. J’ai une famille. Je suis heureux.

– Je pourrais t’en donner une aussi. Je t’aime, Wilfrid. Et je sais que tu m’aimes aussi.

– Non Paula, je ne t’aime plus.

-Ce n’est pas ce que tu murmurais quand on le faisait, l’autre nuit ! Glousse fièrement Paula, un peu vexée et blessée toutefois, – tu te contredis en boucle vu qu’il y a deux minutes tu râlais contre l’attrape-nigaud qui ne nous voit pas ensemble, ce qui veut donc dire que tu penses que l’on est faits l’un pour l’autre, pourquoi es-tu si contradictoire…

– J’éprouve quelque chose pour toi, mais ce n’est pas l’amour que j’ai pour ma femme. Pour toi, j’éprouve une excitation d’ado, je suis dingue de ton souvenir et oui, j’ai autant pris mon pied que toi pendant ces deux jours, mais je ne veux pas que ça aille plus loin, je ne veux rien vivre de sérieux avec toi, Paula. Je pensais pourtant que c’était clair… Et j’étais persuadé que tu me suivais à l’hôtel en pensant toi aussi qu’il s’agissait de nuits sans lendemains. C’est la première fois que je trompe ma femme et je le regrette sincèrement.

– Tu ne ressens vraiment rien pour moi, alors… ?

– Encore heureux, non ? On n’aurait pas été dans la merde si on avait tous les deux éprouvés de vrais sentiments pour d’autres que nos conjoints. Rejoins ton mari Pao, et mettons tous ça derrière nous, je t’en prie.. Ça devient tellement gênant, toutes ces conneries..

– Je pense qu’en effet, ça serait le mieux…Mais quoiqu’on mette derrière nous, je t’aimerais toujours, Wilfrid.. Et je pense qu’il en est de même de ton côté. Dis-moi que je ne me trompe pas sur ce point…

– Au revoir, Paula.. Je dois y aller, vraiment.. Conclut Wilfrid en tournant les talons. 

Le cœur gros et un peu sonnée de se réaliser grande perdante aujourd’hui, Paula le regarde s’éloigner en direction de la rue où l’attend cette femme qui porte son alliance, sans se douter un seul instant qu’il était en train de ressentir autant de peine qu’elle.

L'Améthyste