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=== 13h00… Aéroport de Los Angeles ===
Aïsha Mulher pose enfin le pied sur le sol américain après dix-sept longues heures de vol. N’ayant pratiquement pas fermé l’œil durant tout le voyage, c’est épuisée et nerveuse qu’elle attend l’arrivée de sa petite valise sur le tapis roulant des bagages. La veille et sitôt qu’elle recevait l’e-mail de son époux, elle se précipitait chez elle pour prendre le minimum syndical d’affaires pour une petite excursion à Los Angeles, tout en passant un coup de fil à la famille pour leur demander de récupérer les enfants à l’école en fin de journée. Ils devaient aussi les garder quelques jours avec eux.. Elle devait s’absenter d’urgence et personne ne lui en demandaient plus sur ses raisons de s’éclipser ainsi. Tous avaient bien compris qu’il ne pouvait s’agir que d’une histoire de couple à régler au plus vite…
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=== 13h30… Chambre d’hôtel de Wilfrid Mulher.. ===
L’homme allemand en tombe des nues, de constater son épouse derrière sa porte aujourd’hui. Sa surprise se trahit sans difficulté par ses grands yeux ébène écarquillés et Aïsha pénètre dans sa chambre sans trop lui en dire. Elle a l’air exténué. Wilfrid lui attrape très vite sa valise pour s’en aller la poser soigneusement près de son lit, l’air penaud, il réalise très vite qu’elle vient de poser le pied sur le sol américain. Ne sachant pas trop quoi lui bafouiller, il ose alors avec timidité, beaucoup de maladresses, ainsi qu’un air con dessiné sur le visage,
– Tu… Tu as reçu mon mail… ?
– Je ne serais pas ici si ce n’était pas le cas, lui répond froidement Aïsha en allant s’asseoir sur son lit. Elle pose son sac à main contre le lit et s’étire, jetant un œil sur l’ordinateur portable de son époux qui est toujours clapet ouvert. Curieuse, elle passe alors le doigt sur le pad et constate qu’il se rallume et que la messagerie mail est encore ouverte, car le pop-up « message envoyé à Aisha_mulher@gmail.com » s’affiche encore. La femme mariée comprend vite que son mari n’a plus touché à son ordinateur depuis l’envoi de son e-mail. Poussant un long soupir de fatigue et lassitude, elle s’allonge sur le lit,
– Tu vois, je te l’avais dit, que sa batterie, c’était du costaud, qu’elle lance ensuite en jetant un œil sur l’ordinateur et pour rappeler le long débat que le couple avait eu il y a deux ans, le jour où ils devaient acheter cet ordinateur-là. Wilfrid clamait qu’il n’aurait pas 10h d’autonomie et que son prix n’était pas mérité et Aisha le contredisait fermement sur le sujet et ce même si son plus grand fils se rangeait du côté de son père pour la contredire -sale lâche!-
– Je suis content de te voir… Fait Wilfrid, honteux, la bouille triste et en détournant le regard pour ne pas croiser celui de sa femme, – mais Aïsha…Dis-moi ce que tu penses de.. Parce que depuis que je t’ai envoyé le mail, je n’ai plus bougé de la chambre en attendant ta réponse, je ne suis même pas allé soutenir Raph’ pour la perte de son fils…Je.. Je dois savoir…
Émue de voir son époux aussi l’air aussi désabusé et anéanti, Aïsha se sent réconfortée dans ses doutes à son sujet. Cette idiote de Paula n’avait pas encore gagné la guerre ; mais le fait qu’elle ait tout de même remporté une bataille énervait Aïsha au plus haut point et son époux allait le comprendre, il allait ramper désormais.
– Que veux-tu que je te dise ? Tu m’as trompée, avec cette petite conne et ce n’est pas le fait que tu aies une photo de moi et des enfants sur ta table de chevet qui va m’émouvoir suffisamment pour que je ferme les yeux en moins de deux.
– Aïsha, je…
– Il n’y a pas de « mais ». Tu m’aimes moi, et blablabla. Je le sais tout cela, Wilfrid. Oui, je sais que tu m’aimes ! Et on surmontera ça, mais en attendant…
– Je ferais tout ce que tu voudras pour me faire pardonner… Balbutie honteusement Wilfrid en grimpant sur son lit pour venir se blottir sur et contre son épouse, l’air désespéré,
– J’allais finir ma phrase par, en attendant, sois patient n’en demande pas trop, alors les grandes effusions de sentiments et les câlins, tu te les gardes pour plus tard. Lorsque tout ça sera loin derrière nous, lorsqu’on aura réalisé qu’on peut continuer ensemble.
– Ne me dit pas que tu veux faire un break ?! Se fige d’effroi Wilfrid, blanc comme un linge, l’air suppliant,
-Non, bien sur que non.
– Alors on est encore ensemble… ?
– Oui.
– On reprend l’avion tous les deux demain si tu veux et on rentre chez nous. Comme ça, tu verras bien que je me fiche de Paula ! Je veux rentrer chez nous…
– Pour que tu regrettes pour le restant de tes jours de ne pas avoir saisit cette ultime opportunité ? Tu sais bien à quel point ça te tient à cœur.. Tu es venu aux Etats-Unis pour tenter quelque chose avec tes amis troubleMaker et donc, on ne repartira pas tant que cela ne sera pas fait. On restera tous les deux jusqu’à ce que ça soit fait et ensuite, on rentrera.
– Mais… Et les enfants ?! Tu les as laissés chez la Mama ?
– Tu as tous compris. Tu vois qu’on n’a pas à se presser de rentrer. Les monstres sont entre de bonnes mains et je ne suis pas sure qu’ils remarquent vraiment notre absence…
– Mais tellement ! Glousse Wilfrid, l’air rieur, – je suis d’ailleurs sur qu’aucun n’a demandé après moi depuis mon départ !
-De temps en temps, si, j’avais droit à « il revient quand papa », mais c’était toujours celui qui attendait son tour de Xbox qui le demandait…
– Je t’avais dit qu’il fallait tous les noyer à la naissance.
Le couple rit au souvenir de l’ingratitude des enfants de nos jours et Wilfrid propose un restaurant à sa belle sitôt après. Il a tant à se faire pardonner qu’il décide de se transformer en petit mari modèle. Désormais, seuls les intérêts et désirs de sa petite femme compteront à ses yeux et ainsi, il arrivera peut-être à lui prouver son importance dans sa vie…