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Après s’être habillé avec soin et parfumé, Zack se dirige vers son rencart avec son « soigneur aux deux mains gauches ». Il est censé retrouver la concernée à la place Leimart, à 15 h précise.
Il n’est plus qu’à cent mètres du lieu de rendez-vous et une impatience cruelle commence à le gagner. Dieu que cette fille pouvait être belle… Incroyable, puisque l’on imagine généralement les geekettes comme des thons sortis tout droit du lac Powell.
Soudain, et alors qu’il se remémore les photos de la demoiselle, son portable vibre au fond de sa poche. angoissé à l’idée que la charmante décommande leur rencart, il arrache nerveusement son téléphone de sa poche, pour réaliser que ce n’était que son meilleur ami qui l’appelait :
— Saluuuuut Andy ! lui chantonne-t-il rapidement, l’air enjoué.
Une voix larmoyante répond aussitôt à sa bonne humeur. Andreas Cobain pleure à l’autre bout du téléphone parce que sa petite amie vient de le laisser tomber. Car les deux n’iraient jamais loin, qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre, qu’ils n’avaient aucun avenir ensemble, « et blah blah blah, et blah blah blah », se retient de lancer Zack à son ami, blasé par ces discours qui reviennent sans cesse à chaque rupture. Zack ressent un réel ras-le-bol, à cet instant, mais son cœur généreux ainsi que son éternelle dévotion pour son meilleur ami lui ordonnent de courir le voir.
Il se dépêche, détale en courant, grimpe dans le bus le plus proche, et au moment où il se dit qu’il devrait envoyer un message à Serah pour la prévenir d’un probable retard, il s’aperçoit que sa batterie presque vide vient de le déconnecter de son réseau. Zack rage dans le bus et grommelle dans sa barbe. « Putain de fist-fucking du destin ! »
Il tente malgré tout de rester positif. Sa jeune amie n’avait pas l’air stupide : elle comprendra donc que son absence n’est pas volontaire. Ils ont assez discuté sur Facebook et par messages instantanés sur téléphone pour qu’elle l’imagine capable de lui poser un lapin.
C’est donc confiant qu’il se rend chez son meilleur ami pour le consoler de ses déboires amoureux, quand tout à coup, et alors qu’il pénètre dans le jardin du concerné, une vision l’horrifie.
Jenny se trouve elle aussi sur place et le couple est en train de s’embrasser langoureusement !
Leur rupture n’a même pas duré une demi-heure, cette fois ! fulmine Zack en se considérant comme un crétin des Alpes quand il plante tout pour courir auprès de quelqu’un faussement éploré.
Zack a envie d’en rire jaune, sur le coup. Paralysé et haineux à l’entrée du jardin, il le dévisage avec colère et déception.
Andreas le remarque soudain et lui lance aussitôt, d’une voix enjouée et ravie :
— Regarde qui est là ! J’ai été un peu parano, je crois !
— Va te faire foutre, crache méchamment Zack en tournant les talons pour repartir en courant vers la station de bus la plus proche.
Il peut encore la retrouver… Il aura au pire quinze minutes de retard, si la chance est de son côté… Il prie en chemin pour qu’elle l’ait attendu.
— Quel caractère de cochon celui-là alors, on va le foutre sous tranxène !! rigole Jenny en le regardant détaler comme un fou furieux.
De son côté, Andréas reste figé, complètement abasourdi par la dernière réplique de son meilleur ami. Jamais encore il ne lui avait parlé ainsi. Dans le regard de son binôme, il a ressenti comme une sorte de rupture, de fission. Quelque chose semblait s’être brisé entre eux, et Andréas en eut soudain un vertige. l’esprit embrumé, Il s’assoit sur le rebord de sa terrasse en fixant sa piscine, droit devant lui. Il ne prononce pas le moindre mot. Sa petite amie, inquiète, se presse de lui demander s’il va bien. Si éventuellement il avait besoin de quelque chose. Il lui renvoie alors, d’une voix mécanique et désespérée :
— C’est fini. Il m’a abandonné…
— Qui ? Zack ? Meeeeuh non ! Il a juste un poil de cul défrisé, ce grand con ! Tu sais bien qu’il ne peut pas vivre sans toi ! Le rassure aussitôt Jenny en se lovant contre lui pour le câliner. « Bébééééééé Ne sois pas triste pour lui, il ne te mérite pas ! J’espère qu’il s’excusera pour t’avoir parlé comme ça ! Non, mais pour qui se prend-il ?! Il ne se rend pas compte de la chance qu’il a de t’avoir !!! »