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Le jour suivant, Hajer entame une discussion avec son ami Joakim dans la cour du lycée. Il est heureux d’avoir finalement réussi à l’attraper en tête-à-tête. Cela fait déjà quelques jours qu’il espérait réaliser cet exploit.
Effectivement, ces derniers temps, Joakim a recommencé à passer très peu de temps avec son crew. C’est ce qu’indique d’abord Hajer, avec un sourire qui cache sa déception de ne plus le voir aussi fréquemment qu’auparavant. Joakim le rassure sans attendre sur le fameux éloignement qui n’en est pas un, selon lui !
Il rit de l’effet qu’il peut provoquer chez son crew dès qu’il n’est plus à leurs côtés ! Il le taquine. Hajre soupire, puis lui demande les raisons de son absence aux funérailles de Mickael Davis.
Il n’a pas saisi son refus de rendre un dernier hommage à leur ami d’antan, même si ce dernier avait paru prendre une mauvaise voie dernièrement.
— Tu as assisté à l’enterrement de sa sœur… Mais pas lui ! Je trouve ça abusé, et pas sympa, ajoute-t-il même.
— Je n’étais pas en froid avec Joyce, alors que Mickael m’avait déclaré la guerre, souligne Joakim pour rappeler que Mickael avait quand même organisé une agression contre sa personne.
— Je sais, mais… soupire Hajer en se relevant de la table de pique-nique. Vous aviez des soucis tous les deux, il t’en reprochait beaucoup, mais… enfin, je pense que, quand un ancien ami disparaît ainsi, d’une façon aussi brutale, il faut lui rendre un dernier hommage.
— Non, désolé. Il a fait le con avec moi, je ne vais donc pas aller pleurer son décès. Qui sème le vent, récolte la tempête.
— Mouais… Mais toi, tu n’aurais pas semé un peu, vis-à-vis de lui ? laisse discrètement échapper Hajer en fixant son ami d’un air hésitant.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. renvoie Joakim, calme, inébranlable. Où veux-tu en venir ?
— Tu sais très bien de quoi je parle…, marmonne Hajer, le regard désormais désespéré. Micka’, c’était un con, je suis d’accord avec toi, mais… euh… enfin… il aimait profondément Joey Sanders et, et…
— Et il m’a accusé à tort pour son emprisonnement, a organisé une agression contre moi, à tort encore.
— … mais on sait, toi et moi, que ce n’était pas, à tort… souffle discrètement Hajer.
— Ah bon ? Il n’a jamais apporté de preuves, pourtant, et lorsqu’on ne peut rien prouver, on a tort ! Mickael m’a fait agresser, à tort, avant de tomber dans la drogue et de se faire buter par des dealers, ou je ne sais quoi. C’est triste, mais je n’y peux rien, et je ne vais pas le pleurer pour ça. Il a suivi une mauvaise voie et il en a payé le prix, ça ne va pas plus loin. Alors, tire un trait !
— Comment fais-tu… pour réussir à dormir la nuit… ? bafouille Hajer, une nouvelle fois choqué par sa sérénité.
— Je ferme les yeux. Tu devrais arrêter de chercher des problèmes là où il n’y en a pas, parce qu’à trop chercher, on peut trouver parfois plus vite qu’on ne l’imagine. Sur ce, je te laisse, termine Joakim d’une voix glaciale et ferme.
Il tourne ensuite les talons, laissant derrière lui un ami abasourdi, profondément choqué par ce qui semble s’être échappé des lèvres de l’un de ses plus proches amis.
Joakim Bauer viendrait-il de le menacer ? Le visage d’Hajer en blêmit et il en a subitement la nausée. Cinq minutes plus tard, il vomira dans le buisson le plus proche, en se sentant plus seul et trahi que jamais. Avait-il fait un pacte avec le diable ?