PAN. PAN. PAN.
Trois coups de feu retentissent, mais son ennemi reste debout devant lui, toujours stoïque. Il n’est touché par aucune balle alors qu’il a pourtant bien visé ! Mickaël en devient fou de rage. Il ne comprend pas, serre les dents comme jamais, une larme roule le long de sa joue, il voulait tant venger sa sœur cadette… Alors, pourquoi ce chien qu’il méprise tant se tient encore devant lui, debout, bien droit, tirant une nouvelle bouffée sur sa cigarette, l’air fier, comme toujours…
Le jeune brun aimerait tant lui faire ravaler cette maudite et insupportable fierté ! Cet horripilant air supérieur ainsi que ce détestable côté hautain. Une haine infinie naît lentement dans son regard et c’est rageusement qu’il crache, les yeux pleins de larmes de désespoir, tout en fixant son pistolet qu’il secoue dans tous les sens, les mains tremblantes et avec incompréhension :
— Qu’est-ce qui se passe…
— Bah, des fois ça arrive, tu sais, les revendeurs d’armes, ce sont tous des charlatans ! s’amuse Joakim en écrasant sa cigarette au sol avec son talon.
Il ne fume qu’à de rares occasions et dévisage son interlocuteur d’un air compatissant, comme s’il ressentait d’ici toute sa peine, mais aussi l’étendue de son humiliation.
— Je… Je… fils de pute… Qu’as-tu fait… balbutie Mickaël, craquant nerveusement. Mais merde ! Merde ! Merde !
— Il se peut que tu aies tiré avec des balles à blanc, éclaircit Joakim en se rapprochant de son interlocuteur brisé. Je ne sais vraiment pas comment cela a pu arriver…
— La ferme ! ! ! ! crie rageusement Mickaël en se jetant sur son ex-ami pour tenter de lui asséner un coup de poing ; une attaque que celui-ci arrête très vite en lui retournant au passage le bras avant de le pousser violemment de l’autre côté de la route. Mickaël titube et grimace de douleur : ce connard lui a presque déboîté l’épaule ! ! ! Acharné, il se précipite de nouveau sur lui pour tenter de l’attraper par la taille afin de le faire basculer en arrière. Joakim l’intercepte une fois de plus pour le repousser brutalement et sans trop de difficulté. Il lui envoie un coup dans la mâchoire afin de lui remettre les idées en place et, alors que son ennemi secoue la tête pour reprendre ses esprits, encore embrumés par la rage et la douleur procurée par les coups, Joakim lui envoie froidement et avec un calme terrifiant :
— Qu’est-ce que tu fais, pauvre fou…
— Je vais te tuer ! ! Je vais te tuer ! ! ! Je veux même pas savoir comment tu as fait pour mettre des balles à blanc dans mon flingue, parce que t’es un malade ! ! Un grand malade ! ! ! Pour le bien de l’humanité, il faut que je te tue ! ! !
— Oh, Poupette… glousse Joakim. Tu me brises mon petit cœur…
Il sort un couteau de sa poche et le déplie d’un geste vif.
— J’ai pas peur de toi, vas-y tue-moi ! ! ! braille Mickaël en se relevant péniblement entre deux crachats de sang. J’espère que tu croupiras en taule…
— Je t’avais pourtant mis en garde, tu n’étais pas censé me provoquer pour en arriver là, rappelle placidement Joakim en le dévisageant avec mépris. Mais malgré tout, tu vois, je vais te donner une dernière chance, je vais te laisser t’en aller. Tu as cinq minutes avant que mes renforts n’arrivent.
Joakim bluffe, il n’a aucun allié en chemin.
— Je préfère encore mourir, sanglote Mickaël, au sol, à bout nerveusement, tout en serrant son arme de toutes ses forces dans sa main droite.
Si seulement elle avait été chargée de vraies balles… Si seulement il avait été plus prudent… Si seulement il s’était souvenu que son ennemi était la fourberie et le faux-semblant incarné…
— Comme tu voudras, soupire Joakim en haussant les épaules, mais ce n’est pas moi qui te tuerai, sois patient, ils ne vont plus tarder.
— Lâche. Tu n’es même pas capable de le faire toi-même ! Sac à merde !
— Ah ah ah… Ne me tente pas, Mickaël. sourit froidement Joakim en enfonçant ses mains dans ses poches. Tu as exactement quatre minutes si tu veux t’en tirer. Mes amis arriveront par la route principale, alors je te conseille de prendre celle-là, derrière moi, puis de courir sans te retourner. À cent mètres, tu trouveras le garage d’une maison inhabitée, il n’est jamais verrouillé. Tu y entreras et y resteras planqué un quart d’heure, le temps que mes amis taillent la route. Je leur dirai que je t’ai perdu de vue et, dès qu’on sera repartis, tu pourras t’en aller.
— Qu’est-ce qui me dit que tu me dis la vérité ? grommelle Mickaël en se relevant pour guetter la direction indiquée par son ex-ami.
— Je ne t’ai jamais menti, c’est toi qui n’as rien écouté de mes menaces, rappelle Joakim avec calme et alors que son interlocuteur se met à courir dans la rue qu’il lui a montrée.
Joakim enfourche sa moto juste après et attend sagement quelques instants ; il a besoin d’entendre un certain signal avant de démarrer en trombe pour filer d’ici. Pendant qu’il est tranquillement assis sur le siège de son engin motorisé, l’ex-Drifterz court à perdre haleine dans la rue sombre jusqu’à ce qu’il se trouve confronté à la porte métallique noire d’un garage. Il l’ouvre alors sans attendre, d’un geste vif, sans réfléchir…
— Qu’est-ce que c’est que ça ? ! !
Ce seront ses derniers mots, parce qu’il vient de se précipiter dans l’une des planques de la mafia californienne, où, ce soir, une transaction a lieu.
À une cinquantaine de mètres de là, une moto rouge écarlate démarre enfin ; ces rafales de kalachnikov qu’on entend derrière lui, sont les signaux que son propriétaire attendait.