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Dès le lendemain, les nouvelles vont vite au sein du Crew des Drifterz.
— J’arrive vraiment pas à y croire, commente Alex après une discussion sur les aventures récentes du jeune Davis. J’aurais pu vous voir comme des dealers, sans vouloir vous vexer, mais lui ! Je suis sur le cul. Mickaël quoi ! Mickaël ! Avec sa tête de caniche dépressif terrorisé de la vie, vous l’imaginez, lui, vendre de la drogue derrière un bus ?
Il éclate de rire devant l’image visualisée.
— En effet, c’est surprenant. Si Joyce n’avait pas l’air si sincère, j’en croirais pas un mot, ajoute Aïdan, le rouquin du groupe.
Il connait et apprécie la sœur de son ancien comparse de Crew.
Écoutant silencieusement ses camarades, Hajer reste dubitatif dans son coin. Il réfléchit aux histoires Davis et Sanders, car il ne faut pas avoir fait de longues études pour réaliser qu’une fois de plus, un ennemi de Joakim a désormais chaud aux fesses.
— T’en penses quoi, toi, Jo’ ? intervient justement Zack à destination du concerné.
Il cherche lui aussi à comprendre cette histoire étrange. Depuis l’enfance, il a toujours voué un culte d’admiration à ce cousin-là. Il le met d’ailleurs très souvent sur un piédestal. Un podium non mérité pour Andréas, qui n’assimile pas sa soi-disant supériorité sur qui que ce soit. Selon lui, Joakim n’est doué qu’en paroles. Zack doit se rendre à l’évidence, il n’a jamais rien eu d’exceptionnel ! À part peut-être sa débrouillardise, et encore…
— J’en sais rien… soupire le jeune Bauer. Je dirais qu’être le meilleur ami de Joey Sanders est le signe avant-gardiste de la détention de quelques tares…
Tous haussent les épaules et se rangent immédiatement derrière son opinion : « Mickaël Davis est un dégénéré aussi fou que son pote », clament-ils, moqueurs.
Alors que ses comparses rient encore, Joakim exulte d’allégresse en se remémorant un coup de maître. Tout d’abord, deux individus avec qui il n’a jamais eu le moindre contact se sont chargés de l’enlèvement de Joyce Davis, car lui s’abstient toujours de s’impliquer personnellement.
Kristofer a d’ailleurs été d’un grand secours dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres. Joakim n’a jamais nié l’importance de leur duo dans sa vie et ses activités.
Un plan minutieusement élaboré. Les deux ravisseurs de la demoiselle recevaient des instructions via un téléphone jetable, qu’ils devaient détruire une fois la mission accomplie. Comme prévu, Joyce Davis s’était précipitée vers les autorités dès sa libération. Qui ne l’aurait pas fait, surtout avec les moyens dont elle disposait ? Puisqu’elle avait été capturée par deux étudiants en théâtre qui devaient employer un accent mexicain et porter de fausses barbes et moustaches. L’entrepôt dans lequel elle se trouvait abritait un monomoteur immatriculé. L’idiote du village leur parlerait de ce petit avion, sans réaliser qu’elle a été ligotée devant pour cette raison. Elle devait mémoriser ce numéro à six chiffres ! Bien entendu, elle ajouterait à son discours ces bruits de décollage et d’atterrissage qu’elle pouvait entendre de là où on la retenait. Une fois certains de faire mouche, les agents décideraient de foncer vers le hangar de l’engin, gentiment guidés par l’adolescente stupide.
Sur place, les inspecteurs découvriraient les empreintes digitales de son frère, récupérées avec du scotch, sur ses affaires personnelles. La veille de cette scène, une étape préliminaire avait lieu, à un moment où aucun Davis ne trainait chez lui. L’album photo du futur suspect subissait là quelques découpages et de nombreux sachets d’héroïne, liasses de billets, se voyaient méthodiquement camouflés au fond de son tiroir à chaussures, loin des regards indiscrets… Ainsi, Mickaël Davis clamerait aux autorités son titre de dealer psychopathe.
« Ce misérable avait osé attaquer son frère, il allait passer à la caisse, maintenant ! » Joakim jubile, car, en forçant son ennemi à disparaître des vies de son entourage, il finalise son histoire en le mettant en délit de fuite aux yeux de la loi. Jackpot.
Il y a tout de même une ombre au tableau de ce plan merveilleux : l’enquête ne devra jamais être réouverte par la police scientifique, qui pourrait s’intéresser aux empreintes clonées. Joakim ne s’inquiète pas de cette éventualité. Quel inspecteur voudrait se repencher sur une conclusion de dossier aussi limpide et évidente ?