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— Tu montes ? propose Trisha, l’air coquin, en agrippant le bras de son petit ami qui vient de la ramener chez elle.
— Autant aller à l’hôtel, on esquivera au moins ta mère ! lui renvoie aussitôt celui-ci.
— Elle doit déjà dormir à cette heure-ci et elle t’adore, lui sourit sa rouquine en le tirant vers elle pour qu’il descende de sa moto. Allez ! Accroche l’antivol et viens !!! On n’a pas cours demain, je peux donc te kidnapper !!!
Faible devant ces yeux pétillants, Joakim ne se fait pas prier et termine sa soirée entre ses cuisses et contre ses lèvres…
Il rentre cependant chez lui après leurs ébats, car il s’interdit de s’assoupir contre sa succube, aujourd’hui.
Ce matin, il doit foncer dans une boutique spécialisée pour acheter un micro-espion, qu’il prévoit de glisser dans la doublure du sac à main de sa mère. Il doit amasser quelques preuves…
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Les heures de la journée filent et, en milieu d’après-midi, avant de cliquer sur l’application liée à son micro-espion pour écouter ses enregistrements, il se remémore les doutes et angoisses de sa petite amie, la veille.
Il pense agir correctement lorsqu’il contacte Noah pour lui apprendre la fameuse « tristesse » d’Amy Wills. Il espère ainsi qu’il prenne l’initiative de s’occuper de sa folle, car cela libèrerait sa rousse d’une tâche ingrate…
Son cousin le reçoit sèchement et hausse les épaules. Joakim s’intrigue aussitôt de son comportement :
— Il y a un problème ? Tu veux me dire quelque chose ?
— Pourquoi est-ce qu’il y en aurait un ? Je suis occupé là, c’est tout.
— On se voit en ville ?
— Je suis occupé avec d’autres GENS, donc non.
— Nickel, on se reparle à la fin de tes règles !
— Je ne fais pas la gueule. J’ai juste rien à te dire, conclut Noah en raccrochant la communication, énervé.
Joakim en soupire d’incompréhension et se décide à écouter son micro-espion. L’horloge de son téléphone affiche seize heures et on approche du moment où Shane Helms remarquait l’entrée de sa mère dans un certain hôtel. Le jeune homme en déduit donc que sa génitrice possède un planning amusant loin des tracas des studios… Ce qui parait très étrange, lorsque l’on sait que la concernée rentre toujours au domicile familial à la nuit tombée, généralement harassée par de nombreux enregistrements et interviews diverses…
Il se sent cependant rassuré dès qu’il réalise que son micro-espion fonctionne à la perfection pour ne lui transmettre que des discussions interminables — et inintéressantes — entre collègues. Stressé, il s’installe sur un banc et se glisse une paire d’écouteurs dans les oreilles. Il ne peut arrêter ici sa séance d’espionnage et s’excuse en pensées pour cette évidente impolitesse, quand, soudain, de nouveaux dialogues confirment brusquement ses doutes…
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Au même moment, deux inspecteurs sonnent à la porte de l’appartement Davis. L’un d’eux annonce à la mère et à sa fille que, dans le fameux hangar qui leur a été spécifié, se trouvaient de nombreuses preuves qui indiquaient la présence de Mickaël Davis sur les lieux, pendant l’agression.
Ses empreintes ont été retrouvées sur place : sur la poignée de l’entrée de l’entrepôt, sur la chaise où était apparemment ligotée sa sœur, mais également sur un gobelet de café qui trainait par terre. Joyce réagit sans attendre suite à ces abominables accusations. Elle a vu ses assaillants et son frère ne s’inclut pas dans l’histoire ! Sceptiques, les deux agents préviennent leurs interlocutrices interloquées qu’ils doivent procéder à un contrôle de la chambre personnelle du suspect.
Amara Davis n’oppose pas la moindre contradiction face à ce désir, tandis que Joyce, elle, ne cesse de les insulter, allant jusqu’à les traiter d’incompétents qui ne peuvent mettre une identité sur un portrait-robot !
Le plus jeune inspecteur lui répond aussitôt que leurs recherches à ce niveau restent infructueuses, car personne dans tout Los Angeles ni même dans les alentours ne correspond…
Tandis que Joyce rage devant l’inutilité flagrante de la police californienne, la troupe se rend dans l’antre de son frangin, où l’agent le plus âgé attrape un album photos minutieusement glissé sous le lit du concerné. L’homme se permet de feuilleter l’objet, pour très vite découvrir que, sur toutes celles où l’adolescent semblait apparaître près de sa sœur, le visage de celle-ci avait été découpé au ciseau.
— Avez-vous quelque chose d’autre à nous révéler sur les relations que vous entretenez avec votre frère ? Vous souvenez-vous réellement de tout ? demande-t-il en continuant de tourner les pages à la recherche d’un cliché entier non lacéré.
Amara s’affaire à ses côtés pour constater, elle aussi, l’horreur du saccage du recueil qu’elle chérissait tant. « Son abruti de fils est allé trop loin, cette fois ! » songe-t-elle.
— Ce n’est surement pas lui qui a fait ça, grogne Joyce en se retournant subitement vers sa mère. C’est toi ! Avoue-le ! C’est toi ! Tu n’as jamais supporté Mickaël, alors tu as charcuté toutes nos photos ! Je te hais ! Je te hais ! C’est toi ! crache-t-elle avec mépris.
— Excusez-la, elle est effondrée, tente de justifier honteusement Amara devant les hommes de loi qui les observent désormais d’un œil très sceptique.
— Je comprends, sourit l’un d’eux, le plus jeune. Il arrive des fois que, dans certaines familles, l’un des enfants ressente un sentiment de rejet, voire de jalousie vis-à-vis d’un frère ou d’une sœur, même s’il continue de se comporter de façon normale avec les siens.
— Qu’êtes-vous en train d’insinuer, bande de fous ? ! Mon frère ne m’aurait jamais fait de mal ! crie Joyce, furieuse.
— En tous cas, on ne le lâchera pas de sitôt, ajoute le plus âgé en découvrant une assez importante quantité de petits sachets de cocaïne, sûrement destinés à la revente, ainsi que quelques liasses de billets soigneusement cachés dans le fond du tiroir à chaussure du suspect.
Les deux inspecteurs n’ont, après cette découverte, plus aucun doute sur les activités de l’adolescent.
— Doux Jésus ! bégaye Amara sous l’effet de la surprise.
Elle se laisse tomber sur le lit de son fils, le visage blanc comme un linge. Elle se sent au bord du malaise. « Comment cela a-t-il pu se produire sous son toit à elle ? », songe-t-elle avec angoisse.
— Ce n’est pas à lui !! piaille Joyce en tremblant de tous ses membres.
Elle grimace avec rancœur et désespoir :
— Non, mais qu’est-ce que c’est que toute cette mascarade… C’est de la folie ! Mon frère n’est pas un dealer ! Nous vivons un cauchemar ! Tout ça n’est pas réel !
— Où peut-on le trouver ? reprend l’inspecteur le plus âgé, désormais au taquet.
Il fusille du regard la lycéenne furieuse qui lui répond avec hésitation :
— Il… il… Ça suffit ! Allez-vous-en ! Vous n’avez de toute manière aucun droit d’être là sans mandat !!
— Mickaël reste injoignable et n’est pas rentré à la maison depuis le retour de sa sœur, lance aussitôt sa mère, tel un automate. « C’est la première fois qu’il met si longtemps à revenir et je ne suis pas optimiste sur le fait qu’il n’ait rien à se reprocher… Il a surement une explication, mais je… Je peux vous assurer que nous n’avons rien à voir avec cette histoire de drogue, je vous supplie de me croire ! »
— Intéressant, un probable délit de fuite pour couronner le tout… conclut sans attendre l’inspecteur le plus âgé en passant immédiatement un coup de téléphone à ses supérieurs. L’affaire Davis est apparemment loin d’être terminée, bien au contraire… Elle ne fait que commencer !