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En parallèle et avant le début de leurs cours, au Los Angeles Highschool, Joakim discute avec Hajer, dans un couloir isolé de toute éventuelle oreille indiscrète.
Il doit rappeler à son camarade de « calmer le jeu avec l’écriture » pendant un moment. D’oublier un peu sa passion, devant ses amis, du moins. Par chance, les seuls au courant de sa présence à Black Coat Press, le jour de l’incendie, ne peuvent représenter une menace : Aïdan Brown ne regarde jamais les infos. Il ignore donc surement tout de l’histoire de la maison d’édition brulée, quant à Noah Beckers, sa loyauté envers ses proches assure qu’il gardera le secret s’il se doute de quoi que ce soit. Joakim en reste certain.
— Et Alex… ? bégaie Hajer en pâlissant à vue d’œil.
« Non ». Joakim réconforte son comparse. Leur collègue de Crew ne tentera rien contre lui, s’il se souvient de certains éléments. À condition qu’ils affichent l’attitude pour. Hajer hausse les sourcils, d’un air intrigué. « Que veut dire son camarade ? »
— Se comporter normalement, agir normalement, comme si de rien n’était, ne pas éveiller de soupçon, lui répond-il avec sang-froid. Sois juste naturel et, comme je te l’ai dit avant, ne parle plus d’écriture à qui que ce soit. Si Alex doit avoir un doute, il doit l’oublier et se rappeler que tu es son pote au quotidien, celui avec qui il fait du Breakdance et des parkours.
Hajer se sent mal. L’idée de laisser un innocent croupir en prison par sa faute lui dévore les entrailles et lui déchire le cœur. « Il ne peut pas ! » Lui qui ne supporte pas l’injustice, n’accepte pas de détruire ainsi l’existence d’un pauvre type qu’il ne connait même pas ! Il songe à se rendre. « Il doit aller en taule à la place de Sanders ! »
Joakim s’exaspère de ses répliques et lui ordonne d’arrêter ses idioties, car il a désormais envie de lui coller une beigne qui lui apprendrait la vie. « À ce bon à rien qui pouvait déjà s’estimer heureux de l’avoir pour allié, pour nettoyer la merde laissée derrière lui. »
— B.Bon… bon à rien… ? balbutie Hajer, les larmes aux yeux, choqués par ses paroles blessantes.
— Ne t’inquiète pas pour Sanders, c’est loin d’être un enfant de chœur, souffle Joakim avec lassitude et sur une pointe d’agacement. Tu as fait une connerie et je t’ai lavé le cul, mais maintenant tu ne dois pas tout foutre en l’air. Alors, tu oublies cette histoire et tu te fourres ta fausse culpabilité là où je pense.
« Parce que, pour l’instant, tu vois, je suis de ton côté. Tu es mon pote, et je t’aiderais toujours. Tu le sais qu’il ne t’arrivera jamais rien de mal avec moi. Mais je te promets que, si tu continues de m’emmerder et de me mettre des bâtons dans les roues, tu regretteras de ne plus être mon allié. »
— Qu’est-ce que tu veux dire par là …? blêmit tristement Hajer, sous le choc de la tirade.
Sa sensibilité en prend un coup. Un violent, même. Son palpitant se serre alors qu’il songe que son comparse en est dénué, pour lui parler ainsi sans ressentir sa détresse…
— Tu es mon ami, assure Joakim d’une voix plus douce. Mais ressaisis-toi et efforce-toi de discerner par toi-même ce qui est dans ton intérêt et ce qui ne l’est pas. Joey Sanders ne mérite pas que tu détruises beaucoup de choses pour sa gueule, je te le promets. Alors, crois en moi et fais ce que je te dis.
Hajer en déglutit de douleur et d’impuissance, tandis que son interlocuteur l’informe qu’il s’éloigne, mais qu’il revient bientôt. Il affiche désormais un sourire amical après l’avoir traité aussi durement. L’écrivain brisé lui en veut tout en ne lui reprochant rien, car il réalise qu’il a raison…
Il sent son système digestif tout entier se tordre alors qu’il songe qu’il doit laisser un innocent tomber pour sa pomme…
« Qu’Allah lui pardonne. » Il décide finalement de suivre Joakim et d’oublier définitivement cette histoire.