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Quelques heures plus tard, dans sa chambre à la décoration très féminine, Trisha se maquille avec nervosité devant sa coiffeuse. Elle souhaite que l’invitation de Joakim tienne toujours, puisqu’elle ne l’a plus revu depuis mercredi. Soixante-douze heures à penser à lui, en s’interdisant de questionner Noah à son sujet et quatre mille trois cent vingt minutes à prier pour qu’il ne se soit pas payé sa tête.
Quelqu’un de normal aurait possédé des réseaux sociaux pour pouvoir être contacté, mais normalité et Bauer ne riment pas ! Soupirant avec un brin d’espoir, elle se demande si son crush l’attendra en bas de son immeuble ou s’il prendra la peine de monter sonner à sa porte. S’IL VIENT ! Elle réfléchit alors à l’endroit où elle devrait le retrouver, à vingt et une heures.
Partagée entre un sentiment d’excitation et d’angoisse, elle hésite à se démaquiller pour enfiler son plus moelleux pyjama. Elle oublierait alors tout d’un certain énergumène qui s’apprête sans doute à lui poser un lapin…
Le cœur battant la chamade, elle aimerait qu’il ne se soit pas moqué d’elle, car le reflet du miroir de sa coiffeuse lui dévoile une splendide jeune femme qui ne le laissera surement pas indifférent !
— Tu es sublime, ma chérie, la flatta soudain sa mère en pénétrant dans sa chambre. Tu feras en sorte qu’il te ramène après la soirée par contre. Tu m’appelleras s’il ne souhaite pas le faire. D’accord ?
— Oui, bien sûr, si l’invitation tient toujours !
— Comment ça ?
— Ça fait trois jours que je ne l’ai plus revu !
— Mais tu ne le vois pas tous les jours, au lycée ?
— Non, il n’y va pas tous les jours.
— Eh bah ! En voilà un qui ne se sent pas très concerné par sa graduation ! Et ses parents, ils ne disent rien ? Surtout qu’il va se faire virer, à force !
— En fait, il obtient de bonnes notes malgré ses absences, au point qu’il se permet parfois de rendre une copie blanche ! rit Trisha, il s’en sort vraiment bien.
— Eh bien, tant mieux si tout lui réussit en étant fainéant ! Mais évite quand même de prendre exemple sur ce drôle d’énergumène !
— Oh, t’inquiète pas pour ça ! sourit Trisha en scrutant l’heure sur son téléphone portable. Il est censé arriver dans un quart d’heure… Je me demande s’il viendra en bas ou à la porte ? s’il vient…
— Aucune idée, mais tu seras bientôt fixée ! Au fait, ce n’est pas pour changer de sujet, mais est-ce que tu sais ce que devient Joey, avec tout ça ?
— On ne s’est pas reparlé depuis la rupture, donc non, je ne sais pas du tout comment il la vit…
— Je ne parlais pas de ça, mais de ce qui arrive à son père. Tu as vu les infos hier soir, ou faut que je te brieffes ?
Brett Sanders. Le célèbre chirurgien californien vient de tomber entre les mains de la justice pour trafic d’enfants, pédopornographie et autres. Un réseau entier révélé au grand jour et l’homme hurle encore son innocence, alors que toutes les preuves se liguent contre lui. Son avocat bataille actuellement pour tenter de le faire écoper de vingt ans de prison ferme, au lieu d’une peine à perpétuité…
Trisha n’a pas le temps de réagir à la phrase que la sonnerie de l’appartement retentit soudain.
— Oh mon dieu, c’est lui ! piaille-t-elle.
Son cœur manque un battement alors qu’elle rougit déjà comme une pivoine. Stressée, elle s’admire une dernière fois dans le miroir de sa coiffeuse et demande :
— Ça va, je ne suis pas trop mal, non ?
— Tu es resplendissante, s’exclame Maya Hill avec un sourire malicieux. Va le rejoindre, vite !
Elle rit et se dépêche d’aller ouvrir, tandis que sa mère la regarde de loin foncer pour accueillir le jeune Bauer à l’extérieur de chez elles ! Au grand malheur de la quadragénaire qui aurait apprécié voir son probable futur beau-fils en chair et en os !
Trisha n’a pas le temps de prononcer quoi que ce soit à son éphèbe qu’il l’attrape soudain par la taille pour l’embrasser passionnément dès qu’il l’aperçoit. Pudique, elle pousse la porte de chez elle d’une main pour la refermer : elle ne souhaite pas qu’une certaine curieuse assiste au spectacle de sa langue qui entame un langoureux ballet avec celle de son partenaire.
— Tu es très belle, lui murmure Joakim dans un souffle et contre ses lèvres.
Trisha lui rend son compliment en observant sa tenue qu’elle trouve terriblement sexy, grâce à une veste grise, ouverte sur un tee-shirt blanc, sur lequel retombent deux plaques en métal, attachées par un long collier.
— On doit se dépêcher, lui sourit Joakim en lui pointant l’ascenseur du regard.
— J’étais persuadée que tu ne viendrais pas, tu sais.
— Oh ? Eh bien, tu t’es trompée ! lui renvoie-t-il en entrant dans l’élévateur derrière elle.
Il appuie ensuite sur le bouton « rez-de-chaussée ».
— J’aurais moins stressé si on avait échangé nos numéros ! ose-t-elle pour lui faire passer un très explicite message.
Un gentleman corrigerait vite cet oubli !
— Sans doute, lui répond-il simplement alors qu’ils pénetrent dans le hall de l’immeuble.
À l’extérieur, la rouquine découvre une sportive rouge garée à quelques mètres.
— Euh, elle est à toi ? s’horrifie Trisha, car elle n’a jamais vu cette moto devant chez elle auparavant.
— Oui, pourquoi ? Ne me dis pas que tu as peur !
— Pas particulièrement, mais regarde ma tenue et mes talons !
En effet, la robe moulante et très courte de la jeune fille ne se prête pas vraiment à diverses cabrioles sur un tel engin…
— Bah… soupire Joakim avec indifférence, monte en amazone.
— En plus, il n’y a qu’une place sur ta moto, non ?
— Oui, c’est une sportive.
— C’est mignon, tu as l’air de penser que je m’y connais en moto !
— Assieds-toi, tu es très fine, ça va passer. Accroche-toi à moi.
— Hmmm… si tu le dis… obéit Trisha en s’installant difficilement derrière lui.
Elle se demande l’intérêt de posséder une bécane d’égoïstes, quand il en existe avec deux sièges. Agacée, elle regrette d’avoir mis tant de temps devant sa coiffeuse pour lui plaire, alors que lui semble se ficher de son inconfort et de son malaise.